La conférence de presse donnée par François Hollande ce mardi 14 janvier a largement été dominée par les questions économiques. Le président a annoncé un allégement de charges de 30 milliards d’euros pour les entreprises et une réduction de 50 milliards d’euros de la dépense publique Si son discours a su plaire au patronat, François Hollande est en revanche loin d’avoir convaincu les syndicats et l’opposition qui l’accuse de « mystification ».
Pendant près de trois heures ce mardi 14 janvier, François Hollande a donc fait face aux questions des journalistes à l’occasion de la troisième conférence de presse de son mandat.
Une conférence de presse qui a évidemment été très suivie par le patronat. La Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME), par la voix de son secrétaire général Jean-Eudes Dumesnil, a salué les mesures annoncées et le fait surtout qu’une trajectoire et un calendrier sur le long terme soient fixés :
« [François Hollande] a reconnu le rôle absolument central que jouent les entreprises et il s’est clairement positionné en faveur d’une politique de l’offre en disant que c’était l’offre qui créait la demande. C’est vraiment quelque chose qu’il faut saluer, qui est peut-être une forme de tournant. Il a également insisté sur le fait qu’il fallait relancer l’investissement et faire en sorte que le taux de marge des entreprises s’améliore si on voulait créer de l’emploi. C’est exactement le discours que tient la CGPME ; on ne peut que s’en réjouir. Au-delà de ça, on réclame depuis longtemps une stabilité, une visibilité et là, enfin, on a eu dans le discours du président de la République une trajectoire qu’il a qualifiée lui-même de pluriannuelle. Peut-être va-t-on avoir enfin une politique qui va être inscrite dans la durée et dans la cohérence. »
« Un coming-out libéral »
Mais la CPGME est bien l’une des rares à avoir apprécié le discours du président. Du côté du syndicat Force ouvrière, on dénonce au contraire le tournant libéral pris par François Hollande. Jean-Claude Mailly, son secrétaire général :
« Le président de la République a confirmé ce qu’on peut appeler ‘un coming-out libéral’. Il a confirmé une orientation de politique économique et sociale qui correspond à la logique libéraliste, celle de monsieur Schmidt en Allemagne dans les années 1970 quand il disait : ‘Les profits d’aujourd’hui feront les emplois de demain’. Ca signifie que quand il explique et il décrit la logique du pacte de responsabilité, ça m’inquiète parce qu’il a déjà déclaré que ce que demandait le patronat a satisfaction, c’est-à-dire la suppression d’ici 2017 des 30 milliards de cotisations patronales. Il donne les clés du camion au patronat et il dit : ‘Vous discuterez au niveau national des contreparties’. Ca m’apparaît plus qu’aléatoire. »
Un constat partagé par le dirigeant du Parti communiste Pierre Laurent, qui estime que le président de la République a trahi ses engagements de gauche :
« Moi je suis très inquiet des annonces du président de la République ce soir. Je parle plutôt de ‘pacte d’irresponsabilité sociale’ parce qu’on fait un nouveau cadeau de 30 milliards d’euros pour les entreprises alors que, pour le moment, les contreparties en matière d’emplois dont parle le président de la République, c’est du vent ! On en rajoute une très grosse louche en faveur des entreprises et pour les salariés, il n’y a rien. J’ai l’impression que ça ressemble à du Blair ou du Schroeder [respectivement ex-Premier ministre britannique et ex-chancelier allemand, ndlr] avec dix ans de retard. On a un président de la République qui court derrière la grande coalition allemande et je ne vois pas tout ce que ça a à voir de près ou de loin avec une politique de gauche. »
« Du flou »
François Hollande n’a pas davantage convaincu l’opposition de droite. « Quelle est la crédibilité du président ? », s’est ainsi interrogé Jean-François Copé. Le patron de l’UMP a estimé que François Hollande n’avait « cessé de faire l’inverse » de ce qu’il a dit mardi soir. Aux yeux du député-maire de Meaux, le pacte de responsabilité est une « nouvelle usine à gaz » et l’intervention du chef de l’État, une « fantastique tentative de mystification » :
« François Hollande a fait du François Hollande : des vœux pieux, du flou, des usines à gaz, des restes de vieilles doctrines socialistes derrière des mots destinés à rassurer les entrepreneurs français qui sont paniqués par les 20 mois de politique conduite par le président de la République. Et surtout des phrases interminables pour dire quoi ? Comme à chacune de ses interventions, le président a fait de nouvelles promesses. Derrière ce catalogue, il y a des ambigüités, des mensonges et, en réalité, une tentative désespérée de sauver les meubles pour un président terriblement affaibli, à la majorité improbable et à l’absence de vision claire pour la France. »
Le plan d’économie drastique annoncé par François Hollande a également laissé le député UMP et ancien ministre Benoist Apparu quelque peu circonspect. Celui-ci a notamment ironisé sur le fait que le président s’était bien gardé de préciser comment il comptait réaliser une réduction de 50 milliards d’euros des dépenses publiques et un allégement des charges patronales de 30 milliards :
« Si je fais l’ensemble des sommes prévues en économie d’ici 2017, j’aboutis à 80 milliards d’euros. On les fait où ? Puisqu’on nous dit qu’on ne veut pas réduire le nombre de fonctionnaires, qu’on veut stabiliser… Je veux juste qu’on assume ses responsabilités. Moi, ce que je vais essayer de faire – et j’espère que tous les candidats aux municipales, de droite comme de gauche, feront la même chose – c’est de dire : ‘Oui, je vais baisser les impôts à Châlons-en-Champagne’. Mais je vais dire comment je vais financer, où je supprimerai des dépenses. Parce qu’on ne peut pas se contenter de dire : ‘par la baisse des dépenses publiques’, c’est trop facile. »
rfi