Assemblée nationale incendiée, télévision publique prise d’assaut, des services publics et des résidences privées touchés, des barricades dans plusieurs quartiers, plus de sept morts et une centaine de blessés, tel a été le bilan des trois premières journées de la désobéissance civile déclenchée par le M5-RFP, le vendredi 10 juillet à Bamako. Des leaders de la contestation ont été interpellés.
Pour la 3e fois, le Mouvement du 5 juin a appelé ses partisans pour une démonstration de force. A cet effet, la place du Boulevard de l’indépendance a refusé du monde ce vendredi 10 juillet 2020. Ce fut le tournant d’une lutte pour exiger la « démission » du président de la République, Ibrahim Boubacar Keita. Tous les leaders de la contestation exceptés Mahmoud Dicko, le parrain de la CMAS, ont répondu présent pour lancer la « Désobéissance civile ».
Mme Sy Kadiatou Sow a lu le document dit des 10 commandements de la désobéissance civile. Il s’agit pour le peuple M5 de : « bloquer tous les services de l’Etat sauf les services de santé », « bloquer tous les principaux axes routiers sans violence », « d’occuper tous les ponts », de « bloquer les ronds-points », de « simuler des pannes afin de perturber la circulation », de « Causer ensemble lorsque nous sommes au niveau des feux de signalisation », de « Ne payer aucune contravention »…
Dès cette lecture, les responsables du M5 ont demandé l’exécution des « 10 commandements ». C’est ainsi que les manifestants en leur tête des leaders de la contestation, ont formé des groupes et pris d’assaut des édifices publics. Une foule nombreuse a occupé le siège de la Télévision nationale, la Cité administrative, l’Assemblée nationale, les axes routiers. Ils ont aussi coupé les ponts reliant les deux rives. Ils n’ont pas eu recours à la force pour envahir leurs cibles, puisque les forces de l’ordre ne leur ont pas empêchés les accès. Toutefois, les porteurs d’uniformes ont tenté de faire des ceintures de sécurité pour empêcher les manifestants de pénétrer dans les bureaux. C’est le cas à l’ORTM et à l’Assemblée nationale.
Certains manifestants ont utilisé la force pour rentrer jusque dans les bureaux de l’ORTM. Si les partisans de la désobéissance civile n’ont eu d’égards à l’endroit de la loi en s’abstenant pas à violer l’espace de travail des journalistes, c’était une obligation pour les forces de sécurité de leur rappeler que « Nul n’est au-dessus de la loi ». Et, cette loi étant un paravent contre le désordre, a été appliquée. Les porteurs d’uniformes ont ainsi fait usage de gaz lacrymogène. Dans cette éphorie, plusieurs voitures appartenant aux agents de l’ORTM, et des voitures de services ont été endommagées et brulées. Des bureaux ont été défoncés et des matériels emportés. Certains manifestants sont même parvenus à entrer dans les salles de montage. Dans ce tohu-bohu, la Chaine de Télévision nationale, selon un de ses agents était dans l’obligation de « suspendre momentanément ses programmes ».
Dans la même Commune, c’est-à-dire à Bagadadji, l’Assemblée nationale n’a pas été épargnée. Elle a été prise d’assaut par des contestataires qui semblent-ils n’ont rien compris de la notion de « désobéissance civile ». Le bâtiment de l’Assemblée nationale a été ravagée par les flammes. Épaisses et spectaculaires fumées noires sortaient par les fenêtres brisées. Sur les lieux, c’était du vrai vandalisme. Des bureaux pillés, des voitures incendiées, des matériels emportés. Les affrontements entre forces de sécurité et manifestants ont occasionné plusieurs blessés.
Plusieurs membres du M5-RFP interpellés
Toujours dans la même Commune, les badauds se sont attaqués à l’ancienne et nouvelle Permanence de l’honorable Karim Keïta occasionnant des dégâts matériels importants. Ils ont pillés et incendiés la maison de Manassa à Badalabougou. Le samedi, le siege du Haut conseil des Collectivités et plusieurs stations Total et Shell ou encore Oryx ont été pillés. Dimanche 12 juillet, après les funérailles des jeunes tués, les vandales se sont attaqués au Tribunal de la Commune V puis saccagés le siège RPM de la Commune V derrière le Tribunal.
Des troubles ont également été signalés dans plusieurs quartiers de la capitale. Les manifestants ont barricadés les axes routiers et cassés des feux de signalisations. Des manifestants ont érigé des barricades sur les deux ponts obligeant les voitures à rebrousser chemin. De vendredi à Dimanche, les violences ont continué sur certains axes routiers de Bamako.
Le bilan humain des affrontements serait de plus de 7 personnes décédées et une centaine de blessés qui ont été tous admis au CHU Gabriel Touré et dans d’autres centres de santé.
Dans la foulée, c’est-à-dire dans la même soirée, certains leaders du mouvement de contestation ont été interpellés par les autorités du pays. Il s’agit de : Adama Diarra dit Ben, Clément Dembélé, Kaou Djim (coordinateur de la Cmas). Dans la journée de Samedi 11 juillet 2020, les arrestations se sont poursuivies. L’on a appris l’arrestation de Choguel Kokala Maïga, Me Mountaga Tall (ce dernier a recouvré la liberté), Cheick Oumar Sissoko. Si nous ne connaissons pas les mobiles des arrestations, toujours est t-il qu’elles ont en lien avec les casses du vendredi 10 juillet et samedi 11 juillet.
Dans la journée de dimanche, malgré l’appel de l’imam Dicko au calme, les jeunes, la plus part des adolescents ont continué à barricader les routes et saccagés les biens publics et privés.
Le Mali a basculé dans cette crise parce que les opposants du M5 ont pensé que le président IBK ne peut plus gérer le pays après sept ans de gestion « calamiteuse ». Et par conséquent qu’il doit quitter le pouvoir et le remettre au « peuple ».
Il faut rappeler que c’est à l’appel du M5 que les manifestants ont occupé les bâtiments publics et les axes routiers. C’est ce qui a donné naissance à ses pillages de tout genre.
Djibril Diallo
Arc en Ciel