Après le départ définitif de la force de l’Opération Barkhane du Mali, Bamako accuse, preuves à l’appui, Paris et sa force Barkhane de fournir de l’armement et du renseignement aux groupes armés terroristes actifs au Mali. Les autorités de la transition ont ainsi saisi le Conseil de Sécurité des Nations Unies et réclamé la tenue d’une réunion d’urgence du Conseil. Paris s’étonne de la démarche.
Le Mali est de nouveau à l’offensive contre la France, cette fois devant les Nations unies. Alors que le retrait de la force Barkhane s’est achevé en début de semaine, le ministre malien des Affaires étrangères et de la Coopération internationale a dénoncé, le 15 Août 2022 via une correspondance auPrésident du Conseil de sécurité des Nations Unies New York, Zhang Jun, les violations de l’espace aérien du Mali par la France. Abdoulaye Diop accuse aussi l’armée française de soutenir les djihadistes.
En effet, près d’une dizaine de jours après l’attaque du camp de Tessit qui a coûté la vie à 42 soldats maliens, l’armée malienne affirmait avoir enregistré « des opérations clandestines et non coordonnées de survol » prouvant que les terroristes en l’occurrence la branche sahélienne du Groupe État islamique avaient bénéficié d’un appui majeur et d’une expertise extérieure.
Cette correspondance énumère une série de cas présentés comme des « violations répétitives et fréquentes de l’espace aérien malien par les forces françaises » : des « drones, hélicoptères ou avions de chasse » auraient survolé le Mali ‘’sans autorisation’’ de Bamako. « En effet, depuis plusieurs mois il nous a été donné de constater des violations répétitives et fréquentes de l’espace aérien malien par les forces françaises, en y faisant voler des vecteurs aériens tels que des drones, des hélicoptères militaires et des avions de chasse, sans autorisation des autorités maliennes », précise-t-il.
Dénonçant des ‘’activités d’espionnage’’, le ministre malien n’est pas allé par quatre chemins, il a pointé du doigt ces agissements qu’il a qualifié d’illégale. La lettre précise qu’une cinquantaine de cas enregistrés depuis le début de l’année et que la France fournirait des armes, des munitions et du renseignement aux terroristes djihadistes sévissant au Mali. L’un des cas les plus récents a été la présence illégale d’un drone des forces françaises, le 20 avril 2022, au-dessus de la base de Gossi, dont le contrôle avait été transféré aux FAMa, le 19 avril 2022. « Ledit drone était présent à partir de 11h45 évoluant à moyenne altitude, pour espionner nos vaillantes FAMa ».
Outre l’espionnage, les forces françaises se sont rendues coupables de subversion en publiant des images collectées par leur drone, montrant des civils tués. « Des résultats de l’enquête judiciaire menée par les services compétents du Mali, il a été établi que les corps y avaient été disposés bien avant l’arrivée des forces maliennes à Gossi. Cette communication malheureuse avait pour objectif de ternir l’image et d’accuser les forces armées maliennes engagées pour la libération de leur territoire, la protection et la sauvegarde de leurs populations éprouvées par une longue crise », a prouvé le ministre Diop.
Au regard de ces actions illégales, le chef de la diplomatie malienne a exigé une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU. « En cas de persistance de cette posture qui porte atteinte à la stabilité et à la sécurité de notre pays, le Mali se réserve le droit de faire usage de la légitime défense », menace-t-on dans la correspondance.
Réplique française
La réaction française ne s’est pas faite attendre. « Pour nous, militaires français, qui avons toujours été transparents des autorités maliennes, nous trouvons que c’est insultant pour la mémoire de nos 59 camarades qui sont tombés en se battant pour le Mali, et également pour la mémoire des Maliens qui se sont battus à nos côtés, mais aussi des personnels de la Minusma, des forces africaines de la Minusma qui sont tombées en luttant contre le terrorisme », a réagi le général Bruno Baratz, nouveau commandant de la force Barkhane (COMANFOR). Qui a poursuit : « C’est un petit peu insultant de leur part, parce qu’effectivement, nous avons tout fait pour nous battre jusqu’au bout. Même au moment du désengagement, il y avait eu un accrochage entre le personnel de la 13e DBLE et un groupe de l’EIGS, faisant deux morts dans les rangs de l’EIGS. C’est étonnant de nous accuser aujourd’hui d’appuyer et de soutenir le terrorisme. »
« La France n’a évidemment jamais soutenu, directement ou indirectement, ces groupes terroristes, qui demeurent ses ennemis désignés sur l’ensemble de la planète », renchérit Paris sur le compte Facebook de l’Ambassade de France au Mali. « La France a libéré de nombreuses villes maliennes qui étaient tombées entre les mains des terroristes, lesquels imposaient leur règne de terreur – interdiction de l’éducation, meurtres, punitions corporelles -, notamment à Tombouctou et à Gao. En 9 ans, elle a neutralisé au Mali plusieurs centaines de terroristes. Elle a mis hors d’état de nuire les chefs de l’Etat islamique et d’Al-Qaïda au Maghreb islamique, deux figures historiques du terrorisme dans la région », brandit-on dans le message.
Victime de son engagement ?
Apparemment, la France se sent plutôt victime de son engagement au Mali. « Dans tous les communiqués des groupes terroristes, la France était jusqu’à son départ désignée comme l’ennemi numéro 1. Le principal objectif, revendiqué par ces djihadistes, était le départ de Barkhane. 53 soldats français sont morts au Mali au cours des 9 dernières années. Leur mission consistait, avant tout, à lutter contre les groupes terroristes, et ce faisant, à améliorer la sécurité des Maliens.Durant ces dernières années, la France a été meurtrie sur son propre territoire par plusieurs attentats terroristes menés par l’Etat islamique ou Al-Qaïda », regrettent les autorités françaises, via le message de l’Ambassade.
Rappelons que l’amarre entre Bamako et Paris est entamée depuis l’arrivée au pouvoir des militaires qui ont donné une nouvelle orientation de la coopération militaire. Les invectives de Paris ont contraint les autorités de la Transition a exigé le départ de la force Barkhane qui s’est finalement déployée sur le territoire nigérien conformément à la volonté de son président Emmanuel Macron qui n’a d’autres choix de réarticuler son armée dans le Sahel.
Ahmadou S.Kanta et C. Adohoun
Source: L’Observatoire