Par leur courage, leur abnégation et leur sacrifice à toute épreuve, les agents des Impôts assurent chaque année la principale mission à eux assignée par la Direction générale et le gouvernement : le recouvrement des recettes intérieures à hauteur et souvent au-delà du montant fixé. Au même moment, ces travailleurs infatigables sont les laissés pour compte d’une Administration qui reste sourde à leurs revendications les plus légitimes : amélioration des conditions de travail.
Le fait est incontestable. La grève de 72 heures, observée du lundi 13 juillet à hier mercredi 15, dans les services de l’assiette, a été très coûteuse pour les finances publiques. Elle a perturbé non seulement le fonctionnement normal de l’État, car l’administration fiscale couvre une bonne part de la dépense publique en fournissant plus de 40 % des recettes fiscales du pays, mais aussi elle a coûté à l’État via le Trésor public, une perte de 50 milliards de FCFA.
Pour autant, le Syndicat national des travailleurs des impôts (Syntim), qui a décrété de grands débrayages, pour des raisons justifiées aux yeux de ses responsables, manifeste sa satisfaction quant au suivi de son mouvement de grève par ses membres à Bamako et dans toutes les capitales régionales du pays. C’est du moins, le constat dressé par le Secrétaire général dudit syndicat, Ali Ousmane DAOU, joint par nos soins.
« Par la grâce de Dieu, le mot d’ordre a été respecté. C’est vraiment une réussite », a-t-il commenté.
À l’origine du mécontentement : la lenteur dans la mise en œuvre des engagements pris par le département des finances à la veille d’un premier débrayage (13-15 août 2013). Ces engagements ont principalement trait à la relecture des textes régissant l’octroi et la répartition de primes et fonds communs. À l’époque, plusieurs commissions paritaires administration/syndicat avaient été mises en place et des projets de textes consensuels élaborés et transmis au département des finances. Depuis, les agents des impôts attendent l’adoption et l’application de ces textes. Cette vieille revendication revient chaque année à la même période, au moment où les soldats de l’économie s’apprêtent à recevoir les primes et gratifications des fonds spéciaux.
Les agents fiscaux bénéficient, chaque année, de primes particulières en fonction de leur rendement. Ces primes sont octroyées à la fin de l’année lorsque les recettes prévues ont été atteintes. Tous les trimestres, l’argent provenant des fonds spéciaux, constitués généralement des pénalités sur les contribuables, est reversé aux agents des impôts en guise de motivation. En 2012, le montant à partager entre les agents, au titre de cette prime, s’élevait à 2,825 milliards de francs CFA.
En exigeant la relecture du décret régissant ces primes et fonds spéciaux, le Syndicat national des travailleurs des impôts veut, selon son secrétaire général, Ali Ousmane Daou, garantir un partage équitable des primes entre les agents, conformément aux missions.
« Concernant les fonds spéciaux, par exemple, plus de 40 % de l’argent reviennent seulement à une trentaine d’agents, alors que plus de 1200 autres agents des impôts doivent se partager le reste. Nous pensons que cela est une injustice criarde et inacceptable qui doit être corrigée. Chaque année, on dénonce, la hiérarchie promet de solutionner le problème, mais après rien. En 2013, on est parti en grève pour la même question, le ministre de l’époque avait promis de corriger la situation. Mais, ces déclarations de bonnes intentions n’ont pas été suivies d’action », souligne le secrétaire général du Syntim.
Exposant les problèmes propres à l’agent fiscal, M. Daou liste longuement : absence de plan de carrière ; révision du cadre règlementaire des impôts ; manque de formation ; audit du fonds d’équipement de l’administration fiscale ; mauvaise gestion du personnel fiscal ; transfert tous azimuts d’agents de profils non conformes aux fiscalistes ; dégrèvement inexpliqué en faveur de certaines sociétés et dotation de l’agent fiscal d’un statut particulier. Bref, « l’amélioration des conditions de travail et de vie des agents », a-t-il réclamé.
Le cahier de doléances soumis au département comprend 13 points à satisfaire obligatoirement sous peine de grève. Il s’agit, entre autres, de l’adoption et de la mise en œuvre diligente du projet de décret modifiant le décret n° 02-299 du 3 juin 2002 et de l’arrêté n° 06-797 du 19 avril 2006 régissant les primes et fonds spéciaux, de la transmission pour adoption du projet de décret portant plan de carrière et statut particulier de l’agent fiscal, de la mise en place d’une commission pour étudier les transferts à la DGI. La fin de la sédentarité des cadres dans les postes de responsabilité figure aussi au nombre des griefs des syndicalistes.
Le Syntim réclame aussi un ficher fiable du personnel pour mieux gérer les ressources et un comité pédagogique chargé de la formation des agents. Pour l’audit demandé sur le fonds d’équipement de la Direction générale des impôts, il faut savoir que ce fonds est alimenté par des primes annuelles et des fonds spéciaux de la direction générale des impôts.
« Ce sont 14 % des primes annuelles des agents et 10 % des recettes des fonds spéciaux qui constituent le fonds d’équipement destiné à l’équipement des bureaux dans le cadre de l’amélioration des conditions de travail des agents. Mais, depuis plusieurs années, les conditions de travail des agents n’ont pas changé », a déploré le secrétaire général du Syntim.
Au niveau du département des Finances comme à la direction générale des impôts, la situation a-t-elle été prise au sérieux ? Apparemment non ! Puisque les assurances qui avaient été données par la hiérarchie pour satisfaire aux revendications du syndicat avant le 31 mai dernier n’ont pas été tenues. Mauvaise volonté des autorités de tutelle à trouver un dénouement heureux à ce bras de fer simple indifférence face aux calvaires des agents qui sont pourtant les perfuseurs de notre économie en terme de recouvrement des recettes intérieures du pays ?
Au sein de l’opinion largement partagée des travailleurs des impôts, l’on n’hésite plus à dénoncer cette attitude de désinvolture des autorités dans le traitement de leur dossier. Et le pas est vite franchi pour parler de mauvaise foi des pouvoirs publics, ce d’autant plus qu’à ce jour, rien n’est fait pour apporter des solutions à leurs préoccupations.
Les agents des impôts méritent-ils un tel désintéressement alors que pour la seule année écoulée, ils ont réussi à recouvrer des recettes intérieures à hauteur de 558,4 milliards de francs CFA, au nombre desquels la DGI a enregistré un dépassement de près de trois milliards de francs CFA, soit une réalisation globale de 561 milliards de francs CFA.
La performance 2014 du service des Impôts confirme son leadership en matière de contribution au budget national.
Depuis 2006, la DGI, grâce à un personnel dévoué à la tâche, s’est installée en tête du peloton des administrations financières performantes, démontrant ses capacités à mener le train de la transition fiscale devant conduire notre pays à asseoir le financement de son développement sur les ressources intérieures.
L’objectif de recettes de 2015 se chiffre à 610 milliards de francs CFA, mais avec les attentes de l’Etat qui se situent bien au-delà de cet objectif compte tenu de la crise dont sort le pays.
Peut-on continuellement s’attendre à quelqu’un d’accomplir des résultats si l’on ne lui garantit pas un minimum de conditions de travail pour lui ? La réponse à la question est une simple question de logique…
Par Mohamed D. DIAWARA
Source: Info-Matin