La contestation populaire entre dans sa septième semaine en Algérie et la sortie de crise proposée par l’armée peine à convaincre. Presque une semaine après la proposition du chef d’état-major que le Conseil constitutionnel se réunisse pour constater la vacance du pouvoir du fait de l’état de santé d’Abdelaziz Bouteflika, l’instance ne s’est toujours pas prononcée. Et du côté de la rue, les manifestants rejettent une transition assurée par des gens issus du régime actuel. Résultat : chacun y va de sa proposition.
La première spécificité de ce printemps algérien, c’est que la Constitution algérienne n’a jamais été autant au centre des discussions que ces dernières semaines. Articles 102, 7 et 8, la Constitution algérienne s’est donc clairement invitée dans ce débat autour des solutions à cette crise institutionnelle en Algérie avec un président absent, qui termine son mandat dans moins d’un mois et un gouvernement de transition fraîchement nommé, mais déjà contesté.
Rester ou non dans le cadre de cette Constitution, c’est la première ligne de fracture entre les différents acteurs politiques. Pour Ali Benflis, candidat de l’opposition en 2014, c’est tout l’intérêt de cet article 102 proposé par l’armée. Avec l’empêchement ou la démission, il offre une porte de sortie constitutionnelle, légale en quelque sorte, au président sortant : « Le 102, à lui seul, ne peut pas assurer le règlement de la crise, mais le 102 appliqué partiellement pour la déclaration de la vacance, ça signifie le départ du président. C’est bien que l’on applique l’article 102. Et que, pour le reste, avec le départ du président, beaucoup de pistes vont s’ouvrir. »
Rester dans l’ordre constitutionnel : primordial pour les uns, accessoire pour les autres. C’est le cas de Karim Tabou. Cet opposant de 44 ans, membre actif des manifestations, estime que la Constitution est caduque depuis des années, car pas respectée : « Le report des élections est anticonstitutionnel. Le président de la République n’a pas le droit de reporter les élections. Il a nommé un vice-Premier ministre, c’est une fonction qui n’existe dans aucune loi dans le pays. Donc, la violation de la Constitution est quotidienne. Tout ce qui se passe, la gestion de ces dernières années ne s’est jamais faite conformément à la Constitution. Donc aujourd’hui, rester dans les dispositions de la Constitution est une manœuvre par laquelle on empêche le peuple de se sortir de ce piège. »
Maintenir la pression
Devant ces divisions, « il faut inventer », dit Sofiane Jilali, président du petit parti politique d’opposition Jil Jadid, le premier à s’opposer au 5e mandat : « Tout le monde est d’accord pour un premier constat. C’est que le régime actuel et la structure politique du pays ne correspondent plus au vœu des Algériens. Donc, nous sommes amenés, qu’on le veuille ou pas, vers une période en dehors de cette Constitution actuelle. Il s’agit de combler ce vide le plus rapidement possible, de la manière la plus consensuelle et avec une feuille de route précise, qui est de mettre en place des mécanismes pour permettre une expression claire et franche de l’opinion publique, pour choisir ses dirigeants. »
En clair, créer les conditions pour organiser des élections transparentes et démocratiques et aboutir au renouvellement politique auquel aspirent les manifestants. Et comment faire pour y arriver ? Continuer à manifester pour emporter le bras de fer avec le pouvoir. Karim Tabou est convaincu que la rue peut encore obtenir des miracles : « Je pense que manifester, ce n’est pas suffisant. Mais, pour l’instant, on a réalisé des exploits majeurs. Plus jamais dans ce pays, même un président élu démocratiquement, ne va ignorer la rue. Pendant des décennies, des chefs d’Etat, des chefs du gouvernement, avaient considéré que la rue n’existait pas, que le peuple algérien n’existait pas. »
L’objectif est donc de maintenir la pression. Rendez-vous est donné pour une nouvelle journée de mobilisation vendredi prochain.
RFI