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Alain Rodier: «L’Etat islamique en Irak et au Levant est extrêmement dangereux»

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Le nom d’un mouvement jihadiste revient à plusieurs titres dans l’actualité : l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL), affilié à al-Qaïda. Ses hommes font partie des combattants qui ont pris samedi 4 janvier le contrôle de Fallouja, à l’ouest de Bagdad (Irak). Mais depuis des semaines, l’EIIL fait aussi parler de lui en Syrie. Dans le nord, la ville de Rakka est considérée comme sa place forte. Elle est assiégée par des rebelles rivaux depuis plusieurs jours. Alain Rodier, directeur du Centre français de recherche sur le renseignement – CF2R -, ancien officier supérieur des services de renseignement français, répond aux questions de RFI.

John Kerry, chef de la diplomatie américaine, considère l’Etat islamique en Irak et au Levant comme l’acteur le plus dangereux dans la région. Partagez-vous son analyse ?

Alain Rodier : Tout à fait, c’est l’un des bras armés d’al-Qaïda, qui existe toujours à l’heure actuelle. Il est très actif, en particulier en Irak, qui est sa terre d’origine je dirais, et dans la province d’al-Anbar, qui touche quasiment Bagdad. Et il a étendu ses actions en Syrie depuis plusieurs dizaines de mois. Donc, il est extrêmement dangereux.

Ne l’est-il pas également au Liban, où il a revendiqué l’attentat-suicide de la banlieue chic de Beyrouth, le 2 janvier dernier, qui a fait cinq morts ?

Tout à fait ! Il faut bien replacer ça dans le contexte ; l’ennemi premier d’al-Qaïda à l’heure actuelle, ce sont les chiites, et en particulier les milices du Hezbollah (Liban, NDLR), qui viennent épauler le pouvoir syrien. Donc, il ne faut pas s’étonner de cette extension du conflit au Liban.

Les différents groupes que nous évoquons, EIIL, al-Qaïda, ont-ils de véritables liens, ou al-Qaïda est-il finalement plutôt un sigle, une marque ?

Je pense qu’ils ont effectivement un lien, puisque l’Etat islamique d’Irak, comme il s’appelait quasi au démarrage, était dirigé par Zarkaoui, qui avait fait allégeance à Ben Laden à l’époque. Donc, c’est un mouvement bien connu. C’est l’un des bras armés les plus importants d’al-Qaïda dans la région.

Est-il simpliste de dire que la crise syrienne reflète des luttes d’influence à l’étranger, d’un côté l’Iran et de l’autre l’Arabie saoudite notamment ?

On peut penser que les insurgés intégristes sont soutenus par l’Arabie saoudite. Et le pouvoir en place à Damas est effectivement soutenu par les chiites, en particulier par l’Iran – mais aussi, on l’oublie, par le gouvernement actuel à Bagdad, également des chiites. Donc, on voit le fameux arc chiite dont on parle assez souvent. Et en remontant dans le problème, on pourrait dire que nous assistons là, effectivement, à un affrontement chiites-sunnites, qui est un petit peu classique.

Une figure émerge-t-elle dans le mouvement EIIL ?

Oui, Abou Bakr al-Baghdadi, le chef de l’EIIL, est connu. Il est recherché par les Etats-Unis comme terroriste. Sa tête est mise à prix pour 10 millions de dollars, au même titre que celle du mollah Omar en Afghanistan. Il fait donc partie des cinq terroristes les plus recherchés au monde à l’heure actuelle.

Que sait-on du rôle joué par ce mouvement jihadiste dans les prises d’otages en Syrie, et notamment les prises d’otages qui concernent des membres de la presse ?

On ne sait pas trop par qui ont été pris en otage les différents membres de la presse, mais également ceux d’organisations humanitaires (Médecins sans frontières, NDLR), parce que le problème syrien est extrêmement complexe ; il a débordé sur un problème de criminalité organisée.

Mais sans vouloir du tout défendre les islamistes, ceux-ci ne semblent pas liés structurellement au crime organisé. Or, ce n’est peut-être pas le cas d’un certain nombre de groupes qui se revendiquent de l’ASL (Armée syrienne libre, NDLR). Donc, les prises d’otages semblent être liées à des préoccupations plus financières que politiques.

Justement, concernant l’ASL, on voit dans le nord de la Syrie que le mouvement jihadiste EIIL a fait quelque peu l’unanimité contre lui et a permis de reconstituer une sorte de front uni de l’opposition. Que faut-il en penser ?

Il faut être très méfiant sur les déclarations qui peuvent être faites ici et là. Pour le moment, malheureusement, les mouvements qui ont le vent en poupe en Syrie sont surtout les mouvements jihadistes. Je citerais bien sûr en premier l’EIIL, mais aussi le Front al-Nosra. Il est connu qu’il y a une opposition entre ces deux mouvements, elle a été arbitrée par al-Zawahiri, qui continue d’envoyer ses messages depuis les zones tribales pakistanaises.

A l’heure actuelle, l’opposition « laïque » n’est pas en position de force. Quant aux déclarations comme quoi ces forces laïques s’attaquent aux forces jihadistes, je pense que, sur le terrain, il faut attendre pour voir qui tient le dessus. Mais malheureusement, je ne pense pas que ce soit les forces laïques qui tiennent le dessus pour le moment.

rfi

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