Mali, Centrafrique, Sommet de l’Elysée : la France garde les pieds en Afrique ! Mais plus rien à voir avec la “Françafrique”, assure le ministre délégué au Développement Pascal Canfin, qui présentait ce mercredi en Conseil des ministres une loi pour afficher la rupture avec le passé.
1. Une loi pour faire quoi ?
Cela peut paraître étonnant mais cette loi sur la politique de Développement, promise par François Hollande dans sa campagne, est la première de l’histoire de la République ! Son objet principal : “placer la politique de Développement sous le contrôle démocratique du Parlement”, explique Pascal Canfin, le ministre écolo en charge du sujet auprès de Laurent Fabius.
Jusqu’ici, le Parlement votait le budget du ministère mais ne débattait pas des critères d’attribution des aides ou de ses destinataires, ce qui relevait du domaine réservé de l’exécutif. Désormais, la politique de développement de la France doit se faire dans la “transparence”, insiste Canfin. Dès son arrivée, un changement symbolique a d’ailleurs été opéré pour marquer la rupture : son ministère ne s’appelle plus “coopération”, trop marqué anciennes colonies, mais “Développement”.
Transparence toujours : la future loi va fixer des indicateurs de résultat pour savoir par exemple combien de personnes ont été raccordées à un réseau électrique ou ont eu accès à l’eau potable. Autre nouveauté, l’accès via des sites internet dédiés à la liste des projets financés, comme c’est déjà le cas pour le Mali (http://transparence.ambafrance-ml.org/)
2. A qui donne la France ?
L’Afrique reste la priorité de l’Aide publique au Développement : 85% de l’effort financier est dirigé vers les pays de l’Afrique subsaharienne et les pays voisins du Sud et de l’Est de la Méditerranée. “Tout simplement parce que c’est là que se trouvent les situations de grande pauvreté”, explique le ministère.
La France est l’un des principaux pays donateurs dans le monde : elle représente 10% de l’aide publique mondiale et se classe 4e pays le plus généreux. Mais le ministère de Canfin n’a pas été épargné par les économies : s’il conserve son budget (0,46% du PIB en 2013) grâce à la taxe sur les billets d’avions et la taxe sur les transactions financières (qui reste à mettre en œuvre au niveau européen), on est loin de l’objectif des 0,7% du PIB que se sont fixés les pays riches (dans les objectifs du Millénaire pour enrayer la pauvreté).
L’aide ne se limite pas qu’à l’Afrique. Mais pour les grands pays émergents, comme la Chine qui n’a pas forcément besoin de l’aide financière de la France, des critères sont désormais fixés : que l’aide soit sous forme de prêts, qu’elle serve à préserver les biens publics mondiaux (la forêt, l’eau) et qu’enfin elle s’inscrive dans un partenariat économique (autrement dit l’appel à des ONG ou entreprises françaises).
3. Ce qui a déjà changé
La politique du Développement n’est plus liée à la politique migratoire. Autrement dit, les aides données à des pays africains par exemple ne sont plus liés à des accords bilatéraux avec eux pour la gestion des flux d’immigration.
Autre changement, de tête cette fois : une femme de gauche, Anne Paugam, a remplacé Dov Zerah, proche de Nicolas Sarkozy, à la tête de l’AFD, agence française de Développement, le bras armé du ministère.
Enfin, ministre Vert oblige, des critères écolos ont été introduits pour ces aides : finis les projets au charbon ou aux OGM… La lutte contre le changement climatique est désormais un objectif inscrit noir sur blanc.
4. La France, gendarme de l’Afrique ?
Après le Mali, la France est de retour militairement dans une autre de ses anciennes colonies, la Centrafrique, pays de l’ancien dictateur Bokassa… De là à y voir des relents de Françafrique ? Rien à voir, assure Canfin : la France n’agit pas seule, dit-il. “Nous sommes les opérateurs de la communauté internationale”. Dans les deux cas, l’objectif est de passer le relai à la communauté internationale et à des forces africaines.
Le sujet était d’ailleurs au menu du sommet de l’Elysée sur la paix et la sécurité en Afrique, les 6 et 7 décembre derniers. “Entre ce que faisait la France l’époque Bokassa et de la FranceAfrique et ce qu’on fait aujourd’hui, on voit bien que les choses ont énormément changé, dans le bon sens”, assure Canfin qui ne s’attend pas à recevoir de diamants, fussent-ils verts.
Maël Thierry
Le Nouvel Observateu