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Afrique-États-Unis : rencontre avec Cyril Sartor, le « Monsieur Afrique » de Trump

De passage à Paris après une visite à Freetown et à Bamako, cet ancien sous-directeur de la CIA l’assure : Washington est déterminé à regagner du terrain sur le continent. Avec des objectifs sécuritaires, mais aussi économiques.

Près d’un an et demi après l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche, et neuf mois après sa propre nomination en tant que directeur Afrique du Conseil de sécurité nationale, Cyril Sartor est convaincu que « le monde va constater une revitalisation de l’agenda américain en Afrique ».

À preuve : la tournée que cet ancien sous-directeur Afrique de la CIA a effectuée mi-mai sur le continent aux côtés de Stephanie Sullivan, la sous-secrétaire d’État adjointe aux affaires africaines.

Voyage au pas de course

Pour son premier voyage officiel dans ses nouvelles fonctions, le conseiller particulier du président américain, âgé de 56 ans, s’est d’abord rendu à Freetown, le 12 mai, pour assister à l’investiture de Julius Maada Bio, le nouveau chef de l’État sierra-léonais.

Deux jours plus tard, il rencontrait à Bamako Ibrahim Boubacar Keïta et son Premier ministre, Soumeylou Boubèye Maïga, pour évoquer l’élection présidentielle de juillet et le G5 Sahel.

Ils se sont ensuite envolés vers Paris, pour aborder, le 17 mai, ce dernier sujet avec les diplomates et les responsables militaires français, puis ont regagné Washington le lendemain. Un périple qui résume à lui seul les priorités américaines sur le continent.

 


Fidèle à la doctrine définie par la présidence, en décembre 2017, dans le document de Stratégie de sécurité nationale (NSS en anglais), Cyril Sartor dit avoir parlé avec « des pays amis qui ont décidé de s’engager fermement sur les voies de la démocratie ».

Parmi eux : le Liberia – une délégation américaine est allée féliciter George Weah, élu en décembre 2017 – et le Nigeria – dont le président, Muhammadu Buhari, a été le premier dirigeant d’Afrique subsaharienne à être reçu en tête à tête par son homologue américain, fin avril.

La visite au Mali répond aussi à un autre engagement, sécuritaire cette fois, inscrit dans la NSS, et concernant l’appui aux pays en lutte contre le terrorisme.

NOUS SOMMES ALLÉS À BAMAKO PARCE QUE CE PAYS JOUE UN RÔLE CENTRAL DANS LA STABILITÉ DU SAHEL » ACCENTUE CYRIL SARTOR

« Nous sommes allés à Bamako parce que ce pays joue un rôle central dans la stabilité du Sahel, a insisté Cyril Sartor lors de son passage à Paris. Depuis 2012, les États-Unis ont décaissé 820 millions de dollars pour appuyer la sécurisation dans la sous-région, dont 60 millions dans le cadre du G5 Sahel. »

Et ce n’est pas la mort des quatre GI tombés début octobre au Nigerlors d’une embuscade qui va pousser Washington à réduire la voilure dans la région. Disposant dans le nord du pays de 800 hommes et d’une base de drones, les forces américaines ont pour mission de conseiller et de former les contingents africains du G5 Sahel.

NOUS ALLONS RESTER AU NIGER, MAIS NOUS SERONS DORÉNAVANT TRÈS PRUDENTS AVANT D’AUTORISER DES MISSIONS IMPLIQUANT DES SOLDATS AMÉRICAINS » INSISTE LE DIRECTEUR

« Notre rôle n’est pas de nous battre en première ligne, insiste Cyril Sartor. Nous allons rester au Niger, mais nous serons dorénavant très prudents avant d’autoriser des missions impliquant des soldats américains. Nous avons renforcé certains protocoles de contrôle. » Et c’est pour les préciser à leurs alliés français, « avec lesquels [ils entretiennent] d’excellentes relations sur le terrain », que Sartor et Sullivan ont fait escale à Paris.

Potentiel énorme

Les troupes américaines ont également été prises pour cible à Djibouti, début mai : deux pilotes de l’US Air Force ont été aveuglés au moment où ils s’apprêtaient à atterrir par des lasers projetés depuis la toute nouvelle base chinoise, ouverte en 2017.

« Je dirais que nous avons fait l’objet d’une attaque de la part des forces chinoises dont nous nous sommes formellement plaints auprès de Pékin », précise Sartor. La présence, toujours plus incontournable, de la Chine en Afrique n’a d’ailleurs pas fini d’inquiéter Washington… Au point de sembler justifier à elle seule son regain d’intérêt pour le continent, ne serait-ce que pour y conserver ses intérêts commerciaux.

LES CHEFS D’ÉTAT NOUS DISENT QU’ILS PRÉFÉRERAIENT FAIRE DU BUSINESS AVEC NOUS PLUTÔT QU’AVEC LA CHINE. À CONDITION QUE NOUS SOYONS LÀ » ASSURE SARTOR

« Sur de nombreux dossiers et dans de nombreux pays, la Chine est devant les États-Unis, reconnaît Cyril Sartor. Nous souhaitons développer avec eux la meilleure coopération possible quand nous le pouvons, mais la manière dont ils travaillent reste très souvent opaque et semble même, dans certains cas, compromettre le développement des pays où ils sont présents. Les neuf dirigeants invités à la Maison-Blanche en septembre 2017 nous ont tous dit : “Nous préférerions faire du business avec les États-Unis et les autres pays occidentaux, mais vous n’étiez pas là, contrairement à la Chine…” »

Est-ce pour cela que Donald Trump ne parle plus de « pays de merde » mais de partenaires « au potentiel commercial énorme » ? Troisième pilier de la NSS, après la politique et la sécurité, l’économie est au cœur des préoccupations des États-Unis.

NOUS N’APPORTERONS NOTRE SOUTIEN QU’À CEUX QUI METTRONT EN PLACE UN CADRE JURIDIQUE ET INSTITUTIONNEL RESPECTUEUX DE L’ÉTAT DE DROIT » PRÉVIENT CYRIL SARTOR

« Le président est décidé à promouvoir le secteur privé américain en Afrique, et je peux déjà vous assurer qu’il y aura davantage de missions commerciales à l’avenir, assure Cyril Sartor. Le chef de l’État souhaite développer les liens économiques avec le continent pour créer des emplois, pas seulement à domicile, mais également dans les pays africains. Mais il faut pour cela que certains fassent des efforts en matière de transparence, afin d’encourager les investissements américains. Nous ne travaillerons qu’avec ceux qui prendront des engagements forts en matière de bonne gouvernance, parce que c’est le seul moyen de conforter la sécurité et le développement économique des populations. Nous n’apporterons notre soutien qu’à ceux qui mettront en place un cadre juridique et institutionnel respectueux de l’État de droit. »

Maintenir la pression

Ce qui, aux yeux de Washington, ne concerne pas la plupart des pays d’Afrique centrale. « Notre patience a atteint ses limites face à la prédation de certains dirigeants de la sous-région », confirme Sartor, qui interpelle Joseph Kabila afin que « les élections soient bien organisées, comme prévu, avant la fin de cette année en République démocratique du Congo ».

NOUS N’AVONS PAS VOCATION À FAIRE LA POLICE EN AFRIQUE » INSISTE SARTOR

Pour maintenir la pression sur le président congolais, les États-Unis comptent s’appuyer sur leurs alliés régionaux. « Pas question d’y aller seul, insiste Cyril Sartor, nous n’avons pas vocation à faire la police en Afrique. »

Seul l’Angola, et son nouveau président, João Lourenço, semble aujourd’hui trouver grâce aux yeux des Américains : « Nous suivons avec beaucoup d’intérêt ce qui se passe dans le pays et nous sommes prêts à travailler dur pour développer de bonnes relations avec Luanda. »

Déplacements plus fréquents ?

Quant à imaginer une éventuelle visite de Donald Trump en Afrique, « c’est encore trop tôt, mais nous allons l’y encourager dès que son agenda le permettra », assure Sartor. Il promet en revanche des déplacements plus réguliers sur le continent « de responsables de haut niveau ».

À commencer peut-être par Tibor Nagy, dont la désignation au poste de sous-secrétaire d’État aux affaires africaines devrait être confirmée rapidement par le Sénat. « Nous sommes impatients de travailler avec lui, ainsi qu’avec l’ambassadeur John Bolton, dont l’intérêt pour l’Afrique est bien connu et qui vient de rejoindre le Conseil de sécurité nationale. »

Autant de nominations qui, pour Cyril Sartor, apportent un sérieux démenti « à ceux qui continuent de penser que les États-Unis n’ont pas de stratégie en Afrique ».

 

JA

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