Les Sud-Africains s’interrogeaient lundi sur les circonstances de la mort de Pierre Korkie, l’enseignant sud-africain otage d’Al-Qaïda tué samedi au Yémen lors d’une opération ratée de l’armée américaine.
Pierre Korkie, 56 ans, dont la dépouille devait être rapatriée lundi, a selon Washington et Sanaa été tué par les militants d’Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa), groupe qui le détenait depuis mai 2013, lors d’une opération des forces spéciales américaines destinée à libérer un photographe américain.
Luke Somers, cet autre otage également décédé dans l’attaque, risquait d’être exécuté par ses ravisseurs.
La mort de M. Korkie a d’autant plus choqué en Afrique du Sud que l’association caritative musulmane Gift of the Givers, qui négociait depuis un an sa libération, a affirmé qu’il aurait dû recouvrer la liberté dès dimanche et être exfiltré vers Istanbul.
Selon l’ONG sud-africaine, 200.000 dollars récoltés auprès de proches devaient être versés aux bédouins ayant servi d’intermédiaires.
“Le gouvernement américain n’était absolument pas au courant de négociations entre Gift of the Givers et ces preneurs d’otage brutaux d’Al-Qaïda”, a assuré lundi sur la radio 702 l’ambassadeur américain en Afrique du Sud, Patrick Gaspard.
Washington ne savait pas que Pierre Korkie était détenu au même endroit que Luke Somers, a ajouté le diplomate.
Le gouvernement sud-africain a rappelé qu’il “avait pris de nombreuses initiatives” pour obtenir la libération de M. Korkie. Mais il a refusé de dire s’il avait été tenu informé des négociations menées par Gift of the Givers.
L’Alliance démocratique (DA), le principal parti d’opposition en Afrique du Sud, s’est émue de ces zones d’ombre, et a demandé au gouvernement d'”interpeller les représentants américains pour examiner le fond des circonstances qui ont conduit à la mort de M. Korkie”.
Le Sud-Africain a-t-il été exécuté par ses ravisseurs, a-t-il été pris dans des tirs croisés ou a-t-il succombé sous les tirs nourris des forces américaines?
“Répondre à cette question serait de la pure spéculation”, a dit à l’AFP le président de Gift of the Givers, Imtiaz Sooliman. “Dans ce cas, il n’y pas de vérification indépendante possible.”
Le porte-parole du ministère sud-africain des Affaires étrangères Nelson Kgwete a souligné que le corps du Sud-africain, attendu lundi, serait autopsié avant d’être rendu à sa famille.
Tandis que la famille du reporter américain tué a regretté lundi d’avoir été mise devant le fait accompli, les Korkie se sont refusés à polémiquer.
“Aujourd’hui, nous avons choisi de pardonner. Nous avons choisi d’aimer. Nous avons choisi de nous réjouir des souvenirs de Pierre et de le faire vivre dans nos coeurs”, a écrit dans un communiqué sa veuve Yolande, qui avait été libérée en janvier.
Une cérémonie hommage doit être organisée avant la fin de la semaine à Bloemfontein, la ville du centre du pays d’où la famille est originaire, avant des obsèques dans l’intimité, a-t-elle précisé.
“Pierre va nous revenir comme il l’avait vu dans une vision, nous allons passer du temps avec lui pour lui dire au revoir et arriver à une sorte de conclusion”, a relevé Yolande Korkie.
– Pas de controverse –
Yolande Korkie a annoncé une conférence de presse pour mardi matin. “Aucune question qui pourrait l’attirer sur le terrain de la controverse ne sera prise”, a précisé le porte-parole de la famille Daan Nortier.
Initialement prévue au siège de Gift of the Givers, cette intervention aura finalement lieu à Pretoria, au ministère des Affaires étrangères et avec la ministre Maite Nkoana-Mashabane.
Pierre Korkie, 56 ans, enseignait depuis quatre ans au Yémen quand il a été enlevé avec son épouse à Taëz (sud-ouest) par des membres d’Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa), le 27 mai 2013. Ses ravisseurs réclamaient une rançon de 3 millions de dollars que le gouvernement sud-africain se refusait de verser par principe, et que ses proches n’avaient pu réunir.
Il était un professeur de sport et de biologie respecté et animé d’une profonde foi chrétienne. Fragile, il était handicapé par une surdité avancée.
Parmi ses élèves, la plus connue est Zola Budd, la coureuse aux pieds nus qui a battu le record du monde du 5.000 mètres en 1984 alors qu’elle était encore lycéenne. Elle lui avait dédié l’ultra-marathon du Comrades en mai dernier.
Source : AFP