A quoi joue le ministre de la Fonction publique, Mamadou Namory Traoré ? A un monarque du 11ème siècle ? A un dictateur invétéré ? De toutes les façons, le bras de fer juridique qui l’opposait aux 263 agents qu’il avait injustement radiés par une décision et un décret populistes, vient de connaître son épilogue. Et en sa défaveur, suite à la délibération de la Cour Suprême le jeudi dernier, 23 mai 2013. C’est pourquoi, à la faveur d’une conférence de presse animée hier 28 mai, le Collectif des jeunes «Touche pas à mon droit» regroupant les 263 agents radiés, ont tenu à saluer cette décision courageuse et juste de la Cour Suprême.
La loi de la jungle : «la loi du plus fort est toujours la meilleure» est-t-elle en passe d’être bannie dans notre pays ? Le temps où le manteau de ministre suffisait pour traumatiser les populations et pour prendre des décisions les plus iniques, est-t-il désormais caduque ? Evidemment, oui, surtout au regard des dernières tournures prises par l’affaire des 263 agents de la Fonction publique radiés de façon laxiste par le ministre Mamadou Namory Traoré.
Un arrêté sur fond d’opportunité politique
Selon les juges qui étaient en charge du dossier, l’arrêté N°2012-2802/MFPRA-DNFPP du 2 octobre 2012 et la décision N°2012-001308/MFPRA-DNFPP du 2 octobre 2012, du ministre Mamadou Namory Traoré sont motivés par une opportunité politique et non sur des bases juridiques réelles. Selon eux, cette opportunité politique est le seul motif de cet abus de pouvoir du ministre Traoré. En effet, les juges ont détecté dans le dossier des faiblesses notoires, notamment les violations des articles 110 et 120 du Statut général des fonctionnaires. A ceci, s’ajoutent de nombreuses et gravissimes irrégularités, comme la rupture avec les droits administratifs, ainsi que le principe de la continuité de l’Etat. Les juges ont conclu que l’arrêté et la décision du ministre Traoré devraient être censurés par le juge.
Le ministre débouté par la Cour Suprême
Comme il fallait s’y attendre, après délibération de la Cour Suprême le 23 mai dernier, l’arrêté N°2012-2802/MFPRA-DNFPP du 2 octobre 2012 et la décision N°2012-001308/MFPRA-DNFPP du 2 octobre 2012, du ministre Mamadou Namory Traoré, ont été purement et simplement annulés. Une annulation qui remet du coup les 263 agents qui étaient radiés, dans leurs droits. Ils sont ainsi autorisés à regagner leurs postes respectifs. C’est fort de cette victoire que le Collectif des jeunes «Touche pas à mon droit», avec à sa tête son président Hamadoun Konda, a animé une conférence de presse le 28 mai 2013 à la Bourse du Travail. Pour la circonstance, d’éminentes personnalités étaient au présidium, notamment le Secrétaire général de l’Union nationale des travailleurs du Mali (Untm), Siaka Diakité et l’avocat du Collectif, Me Mohammed Ali Bathily. A noter que Me Hamidou Diabaté, l’autre avocat du Collectif, a fait un bref passage à la Bourse du travail.
C’est donc dans une atmosphère très détendue que s’est déroulée cette conférence de presse. D’entrée de jeu, le président du Collectif des jeunes «Touche pas à mon droit», a campé le décor : «Après près de 8 mois devant les tribunaux, nous avons gagné le procès contre le ministre de la Fonction publique Mamadou Namory Traoré. Nous remercions tous ceux qui nous ont soutenus, notamment nos avocats, l’Untm, l’Assemblée nationale et toutes les bonnes volontés».
Quant au Secrétaire général de l’Untm, il s’est réjoui de l’issue du procès, avant d’inviter les 263 agents qui retrouvent désormais leurs services à rester unis et soudés. «C’est grâce à votre solidarité et à votre persévérance que vous avez remporté ce procès. Je souhaite que cela serve d’exemple à d’autres jeunes. Soyez rassurés, l’Untm sera toujours aux côtés des travailleurs qui sont lésés dans leurs droits», a précisé le patron de l’Untm.
Et à Me Mohamed Ali Bathily d’enchaîner : «Votre responsable venait chez moi avec sourire et repartait avec sourire. Vous savez, le meilleur moyen de vaincre le désespoir, c’est le sourire. Vous n’avez pas opté pour la violence et vous avez donné un bon exemple. Je m’en réjoui. Votre démarche est un exemple à suivre. Vous vous devez de ne pas garder rancune envers qui que ce soit», a-t-il conseillé aux 263 agents.
A en croire Me Bathily, au Mali, il y a un déficit d’information et un subjectivisme chronique qui font que les gens ne cherchent pas à comprendre. «Nous devons saluer la lucidité et la compétence de la Cour Suprême. En fait, votre dossier était un dossier à contre-courant ; un dossier politisé et collé sur le changement de régime. Vous n’étiez que des victimes expiatoires, alors que vous n’avez rien à voir avec le régime défunt d’ATT, puisque l’Etat est une continuité», a-t-il martelé.
Les gaffes du ministre Traoré
Me Bathily a haussé le ton, lorsqu’il s’est rappelé que ces 263 agents étaient traînés dans la boue, pendant que le ministre-monarque Mamadou Namory Traoré s’offrait le luxe de recruter dans la Fonction publique, Mme Sina Damba, née en 1957 (56 ans). Une dame qui tape à la porte de la retraite et qui, de surcroît est un pur produit (cadre) du régime ancien. «On ne peut pas comprendre les dérives du ministre Traoré qui se sert de son manteau de ministre pour violer la loi. Cette attitude est contraire aux lois et règlements en vigueur en République du Mali. Le ministre doit répondre de ce recrutement illégal de Mme Sina Damba devant les tribunaux», clame fort Me Bathily.
Au regard de tout ce qui précède, le ministre de la Fonction publique, Mamadou Namory Traoré, a multiplié les gaffes en un laps de temps et a indubitablement terni l’image de notre gouvernement de transition. Et par respect pour les Maliennes, les Maliens et la République, il doit rendre son tablier.
Basile ESSO
Source: Le Katois