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Adresse à la nation du Pr. Dioncounda Traoré pour le 22ème anniversaire du 26 mars 1991

Dioncounda traoréeMes chers compatriotes,

 

L’histoire des grandes nations, offre toujours des jalons pour mesurer le chemin parcouru et ce qui reste à parcourir.

 

Le 26 mars est une de ces dates-repères depuis vingt deux ans, où fille d’une rupture que personne n’avait souhaité si violente, la longue quête de nos forces sociales pour le pluralisme a porté ses fruits.

 

C’est cette quête qui est devenue ce que nous appelons notre processus de démocratisation.

 

Et processus car il n’y a pas de point d’achèvement dans la démocratie qui, comme tout idéal, est à poursuivre et à parfaire.

 

Or cet idéal, ce sont des hommes qui le poursuivent.

 

Ils le poursuivent dans les limites de leurs attributs, de leurs connaissances et de leur époque.

 

Eux qui ne sont ni au-dessus de l’erreur, ni au-dessus des contingences.

D’ailleurs, nulle part, les projets de société ne se sont construits de manière linéaire.

 

A fortiori quand il s’agit d’élargir l’espace des libertés, libérer les énergies créatrices, rendre les citoyens égaux devant les opportunités et la loi, travailler à une société du mérite et œuvrer à l’épanouissement des gouvernés tout en leur assurant le pouvoir de choisir leurs dirigeants.

 

Parce que c’était tout cela le 26 mars 1991.

 

C’est tout cela la feuille de route de la 3è République née du combat et du sacrifice de nos plus anciens comme de nos jeunes.

 

Je m’incline devant la mémoire de tous ceux et toutes celles qui sont tombés avant et pendant les mois difficiles qui ont permis au peuple malien d’obtenir le changement réclamé.

 

Mes chers compatriotes,

 

En vingt deux ans d’exercice démocratique, si notre pays a connu des succès indéniables, il a eu aussi des bas, il ne sert à rien de se le cacher, la politique de l’autruche ne menant qu’à l’impasse.

 

Notre processus est perfectible.

D’abord les libertés fondamentales méritent d’être renforcées, car sont partie intégrante des aspirations pour lesquelles notre pays s’est soulevé.

 

Ces aspirations ne sont mieux traduites que dans le respect strict par l’Etat de tous les droits des citoyens.

 

En retour, les citoyens ne confortent la démocratie que s’ils sont à la fois conscients et respectueux de leurs devoirs.

 

Or, l’Etat et le citoyen de la 3è République ont encore beaucoup à faire pour s’approprier les mécanismes et les codes de fonctionnement d’une société démocratique qui ne cautionnerait ni le fait du prince, ni la licence ou l’incivisme.

 

Concernant le principe du libre choix des dirigeants et de l’alternance au pouvoir, la vigilance est de mise pouréviter ici les graves crises postélectorales qui, dans certains pays, ont créé des conflits fratricides et meurtriers.

 

En 2012, notre troisième expérience d’alternance constitutionnelle qui aurait été un test concluant de maturité démocratique, s’est terminée dans les conditions que nous savons tous.

 

Le 17 janvier, le 22 mars 2012 et les péripéties douloureuses et souvent tragiques qui ont émaillé l’année 2012 ont le mérite de nous rappeler qu’un Etat n’est jamais assez vigilant, qu’un processus démocratique s’appuie sur un Etat fort. Un Etat fort de son Armée forte, disciplinée et républicaine.

En effet, chaque difficulté, chaque échec, nous offre l’opportunité de mieux comprendre, de nous corriger et de nous dépasser.

Sous cet angle, nous avons beaucoup à apprendre de nos crises actuelles pour construire un Etat mieux gouverné, plus proche des préoccupations des populations et plus comptable de ses actes.

Mais s’ils ont surpris certains et choqué d’autres, les regrettables soubresauts de l’année 2012 ne devraient pas inciter au pessimisme plus que de raison.

Car le projet démocratique reste pertinent. Il reste le choix du peuple, il reste le choix des dirigeants, il reste le choix des partenaires qui nous accompagnent dans notre processus de développement.

Il n’y a pas d’autre alternative.

Ce projet a connu de dangereux écarts et il est encore à craindre que ceux qui ne peuvent pas gouverner par les urnes cherchent par la rue et la ruse les moyens de peser sur la vie de la nation.

Mais force est de constater la résilience de notre processus démocratique.

Celui-ci évolue, malgré toutes les contraintes et toutes les pesanteurs.

Et nous sommes en train d’aller vers le test de maturité d’une troisième alternance constitutionnelle suite à des élections prévues pour juillet prochain et que nous voulons transparentes et conviviales.

 

Je sais que nous en avons les moyens.

Car après treize scrutins en vingt un ans, soit un référendum, quatre élections présidentielles, quatre élections législatives et quatre élections municipales, le peuple malien a acquis le réflexe du vote.

 

Ceci n’est pas un mince acquis.

 

C’est de cet acquis que découle tout le reste.

 

Et contre d’autres bégaiements de notre histoire, l’électeur a le pouvoir de s’assurer qu’il a opté pour une gouvernance forte, reposant sur une adhésion sociale large et mobilisable, avec un tableau de bord surveillé et des contre-pouvoirs qui s’expriment dans l’intérêt de la démocratie.

 

Mes chers compatriotes,

 

Evaluer notre parcours est salutaire car le progrès vient de là.

 

Nous devrions cependant faire attention à ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain.

 

Nous ne devrions pas cracher sur ce que nous avons réussi de bon et retenir seulement le moins bon.

 

C’est la démocratisation qui a imposé le débat et la négociation entre la puissance publique et les citoyens, qu’il s’agisse de l’école ou du monde du travail, de la gestion des villes comme des campagnes.

 

J’en veux pour preuve la libération des initiatives et de la grande créativité de notre peuple.

 

A cet égard, nous pouvons nous féliciter d’être devenu une société qui se bat pour que les décisions affectant la vie des citoyens soient de plus en plus participatives.

 

J’en veux pour preuve les multiples plateformes sectorielles ou géographiques, ainsi que le formidable élan de la société civile et qui est un solide acquis de la révolution de mars 1991.

 

J’en veux également pour preuve l’existence d’institutions qui, tout en évitant de polariser les relations avec l’Exécutif, participent chacune à la gestion publique : Parlement, Haut Conseil des Collectivités territoriales, Conseil Economique, Social et Culturel, pouvoir judiciaire et d’autres encore.

 

Loin de moi l’idée d’affirmer que tous nos mécanismes sont solides, qu’il n’y a pas d’exclusion, qu’il n’y a pas de problèmes.

 

Au contraire, les défis sont énormes et multiformes !

 

Par exemple le processus de décentralisation.

 

Résultante concrète du consensus que notre pays devait être géré autrement en donnant au citoyen plus de responsabilité, le processus de décentralisation, notre réforme majeure, a connu l’enlisement.

 

Il est impératif de remettre en selle ce processus parce qu’il participe de la justice sociale et de l’équité, il participe du minimum démocratique et il est la réponse aujourd’hui aux revendications de demain.

 

Il est surtout le moyen le plus efficace de protéger ce que ce pays a d’essentiel : sa belle diversité et sa mosaïque humaine, de Kidal à Sikasso, de Tombouctou à Kayes.

 

Il est enfin le liant le plus efficace pour ressouder notre pays que certains de ses propres enfants n’hésitent pas à malmener, ce pays qui nous a tout donné et à qui nous devons tout.

 

Les défis de la jeunesse et de la demande sociale ne sont pas des défis faciles à relever non plus et c’est là la mère de toutes nos batailles.

 

Autant de défis qui conditionnent le devenir de la nation.

 

La démocratie ne saurait être une finalité en soi mais le moyen, le raccourci pour une meilleure distribution des opportunités, une meilleure qualité de vie pour tous, un meilleur cadre de vie pour les citoyens.

 

D’où l’impératif pour l’Etat de gérer de la manière la plus transparente les ressources d’un Etat qui est pauvre même s’il peut être fier d’avoir enregistré pendant deux décennies, des taux de croissance économique positifs.

 

Ces taux, nous le savons, doivent être mis en adéquation avec une croissance démographique qui est sans précédent et qui appelle plus d’écoles, plus d’emplois, plus de centres de santé, plus d’infrastructures de base en somme.

 

Là résident la force et la faiblesse du projet issu de mars 1991 qui était, après tout, le frémissement de la jeunesse pour un printemps, son printemps qu’elle attend et qu’il faudra bien lui donner.

 

S’organiser et s’entendre pour l’aboutissement de cette espérance est possible, même s’il s’agit d’un travail de longue haleine.

 

Mais c’était un cri en mars 1991. C’est encore un cri en mars 2013.

 

Je fais foi au Mali.

 

Je demande à tous et toutes de faire foi au Mali qui peut tout réussir si ses enfants se donnent la main.

Je voudrais pour terminer, remercier et saluer notre Armée Nationale.

 

Je voudrais saluer et remercier les Nations Unis, l’Union Européenne.

 

Je voudrais saluer et remercier la France de François Hollande, le Tchad d’Idriss Deby Itno, l’ensemble des pays de la CEDEAO et d’Afrique dont les valeureux fils sont en train de mourir à nos côtés pour la paix et la sécurité dans le monde, pour le respect de l’homme dans ses droits et sa dignité, pour le monde démocratique, juste et solidaire.

 

Je souhaite un anniversaire dans le recueillement, la communion et la résolution de mettre le Mali au-dessus de tout

 

Aux martyrs, je renouvelle la reconnaissance de la nation et à leurs familles toutes nos condoléances une fois de plus.

 

Vive le Mali, un et indivisible !

 

Vive la démocratie !

 

Que Dieu vous bénisse !

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