Faux et usage de faux, manque à gagner pour l’État à travers le non acquittement des droits d’enregistrement et de la redevance de régulation, corruption à ciel ouvert… La Chambre de Commerce et d’Industrie du Mali (CCIM) ou le désormais antichambre de la corruption est rattrapée par ses casseroles, après le passage du Bureau du Vérificateur Général qui a découvert un flou artistique exorcisé autour de la gestion des fonds à elle confiée pour l’acquisition des masques de protection contre le coronavirus dans le cadre de l’exécution du programme présidentiel « un malien, un masque ».
Les faits reprochés à la CCIM et à son président, Youssouf Bathily, sont intervenus en 2020 dans le cadre de la lutte enclenchée par les autorités maliennes contre le coronavirus. Ainsi, au 31 décembre 2020, le Gouvernement, à travers la Paierie Générale du Trésor, a payé à 125 entités, une somme totale de 43,13 milliards FCFA (43 139 473 128F sur un crédit alloué de 132,37 millions (132 372 298 618F). Sur ce montant, la bagatelle de 10,94 milliards FCFA (10 942 500 000F) a été confiée à la CCIM pour l’acquisition de 20 Millions de masques de protection. Mais il ressort du rapport du Vérificateur Général que ce fonds n’a pas échappé l’appétit vorace du président de la CCIM et des complices.
Violation flagrante du code des Marchés Publics
Le rapport du Bureau du Vérificateur Général révèle que la CCIM a violé certaines dispositions du code des Marchés Publics et des Délégations de Service Public comme l’article 82.1 du Décret n°2015-0604/P-RM du 25 septembre 2015, modifié, portant Code des Marchés Publics et des Délégations de Service Public qui dispose que « Les marchés publics, selon la qualité de l’autorité contractante, sont transmis à l’autorité d’approbation visée à l’article 21 du présent décret. L’autorité d’approbation a la responsabilité de faire approuver le marché dans le délai de validité des offres ».
Il se trouve que dans l’exécution des marchés des masques de protection, l’alinéa 2 de l’article 82.2 du même décret qui dispose que « les marchés qui n’ont pas été approuvés sont nuls et de nul effet », a également été violé. De même que les paragraphes 3 et 4 de l’article 4.6 de l’Arrêté n°2015-3721/MEFSG du 22 octobre 2015 fixant les modalités d’application du Décret n°2015-0604/P-RM du 25 septembre 2015 portant Code des Marchés Publics et des Délégations de Service Public qui stipulent que « lorsqu’il est déclaré attributaire provisoire, le candidat national doit produire des attestations prouvant qu’il est à jour du paiement des impôts, droits et taxes à caractère fiscal et parafiscal.Le candidat étranger, lorsqu’il est déclaré attributaire, est tenu de remplir les formalités d’immatriculation auprès des services fiscaux et parafiscaux. Il est en outre tenu de désigner un représentant au Mali ».
Afin de s’assurer de l’application des dispositions susvisées, l’équipe de vérification a examiné les contrats de marché par rapport au programme présidentiel « Un Malien – un masque » et a constaté que la CCIM a réceptionné des masques et payé des fournisseurs, sans avoir élaboré des contrats de marché au préalable.
Ainsi, les contrats des fournisseurs locaux ont été signés et approuvés après les livraisons et paiements de ces derniers. Dans une note explicative du 1er février 2021 adressée au Vérificateur Général, la CCIM affirme avoir finalisé, après les livraisons et paiements, des marchés attribués aux fournisseurs locaux conformément au Décret n°2020-0276/P-RM du 11 juin 2020 fixant le Régime des marchés publics relatifs aux mesures de prévention et de riposte contre la maladie à coronavirus. Toujours selon le rapport du Vérificateur, la CCIM en violation flagrante du code des Marchés Publics et Délégation de Service, a attribué six marchés à des sociétés étrangères (Côte d’Ivoire) pour un montant total de 9,46 milliards FCFA (9 462 500 000F) soit 86% du montant total du programme présidentiel. Malheureusement, ces sociétés étrangères n’ont pas de représentants au Mali. Pire, après l’attribution des marchés, elles n’ont pas rempli les formalités d’immatriculation auprès des services fiscaux et parafiscaux du Mali.
Manque à gagner pour l’État
Dans le cadre de l’exécution du marché des masques de protection, le Président de la CCIM en la personne de M. Youssouf Bathily, a autorisé le paiement de marchés sans l’acquittement des droits d’enregistrement et de la redevance de régulation. Alors que l’article 357 de la Loi n°06- 67 du 29 décembre 2006 portant Code général des impôts dispose que « Les actes constatant les adjudications au rabais et marchés de toutes natures (travaux publics et immobiliers, prestations de services divers), qui ne contiennent ni vente ni promesse de livrer des marchandises, denrées ou autres objets mobiliers, sont assujettis à un droit de 3% ».
Aussi, l’article 2 du Décret n°09-687/P-RM du 29 décembre 2009, modifié, fixant les taux de la redevance de régulation des marchés publics et des délégations de service public, des produits des ventes des Dossiers d’appels d’offres (DAO) versés à l’autorité de régulation des marchés publics et des délégations de service public et des frais d’enregistrement des recours non juridictionnels dispose que « Les taux de la redevance de régulation sont fixés comme suit : 0,5% du montant hors taxes des marchés publics… ».
Afin de s’assurer du respect des dispositions susvisées, l’équipe de vérification a examiné des documents d’exécution et de paiement des marchés de fourniture de masques. Du coup, elle a constaté que les titulaires de neuf marchés de fourniture de masques n’ont pas payé les droits d’enregistrement et la redevance de régulation des marchés publics. Pourtant, ces différents marchés, conclus entre la CCIM et les fournisseurs nationaux et étrangers, ont été intégralement payés à la date du présent rapport de vérification.
Le coût de la convention signée est de 10,942 milliards FCFA pour l’acquisition de vingt millions de masques de protection sur lequel aucun droit d’enregistrement et de redevance n’a été perçu par l’État. Ainsi, l’équipe de vérification a valorisé les montants des droits d’enregistrement et de la redevance que les fournisseurs devraient payer au Trésor public à la somme de 378 millions de nos francs (378 087 500F).
Le Président de la CCIM et ses complices dans le viseur de la justice
La passation de ces marchés sur fond de magouille et ayant entraîné un manque à gagner pour l’État doit servir de matière pour la justice malienne, qui depuis un certain temps se trouve aux trousses des délinquants financiers. Face à la gravité de ces infractions, les commanditaires ou du moins M. Youssouf Bathily et ses complices, ne doivent pas restés impunis. En tout cas, depuis le passage des contrôleurs du Bureau du Vérificateurs Général, la panique s’est installée au sein de la CCIM et les responsables ne dorment plus que d’un demi-œil.
Adama Coulibaly
Source : Nouveau Réveil