Une semaine après l’élection de Léon XIV comme 267e Pape de l’Église catholique, l’Abbé Alexis Dembélé, prêtre diocésain de San, revient sur les enjeux et les défis du nouveau souverain pontife. Entretien.
Mali Tribune : Quels sont les critères qui ont conduit à l’élection de Léon XIV après seulement quatre tours de scrutin ?
Abbé Alexis Dembélé : Selon les témoignages recueillis à la suite du conclave, la majorité des cardinaux ont affirmé que les congrégations les avaient largement aidés à identifier un candidat correspondant à leurs attentes. C’est ce qui explique la rapidité de ce conclave.
Mali Tribune : Comment le conclave de 2025 s’est-il déroulé par rapport aux précédentes élections papales ?
Ab. A. D. : Après chaque décès d’un Pape, un conclave est organisé. Mais cette fois-ci, ce conclave a été marqué par une particularité historique : jamais auparavant il n’y avait eu autant d’électeurs. En 2025, 133 cardinaux âgés de moins de 80 ans ont participé au vote. Ces dernières années, de nombreux cardinaux ont été créés, et la plupart d’entre eux ne se connaissaient pas encore bien. Cependant, l’esprit de l’Église transcende les origines et les nationalités : qu’un cardinal soit chinois, américain ou originaire du Botswana, il est guidé par une même foi et une histoire commune.
Mali Tribune : En quoi le mode d’élection du Pape reflète-t-il les tendances actuelles au sein de l’Église catholique ?
Ab. A. D. : L’élection du Pape Léon XIV illustre une volonté d’ouverture et d’adaptation face aux enjeux contemporains, notamment la justice sociale et la représentativité mondiale. D’une part, elle respecte un processus ancien où les cardinaux, garants de la doctrine, élisent un leader en continuité avec l’histoire ecclésiale. D’autre part, elle traduit une ouverture en désignant un Pape issu du contexte latino-américain, marqué par les défis sociaux contemporains. Son pontificat devrait être un équilibre entre fidélité aux enseignements fondamentaux et adaptation aux enjeux actuels, notamment la justice sociale, la gouvernance inclusive et la réforme pastorale.
Mali Tribune : Quels aspects du parcours de Robert Francis Prevost ont influencé son élection ?
Ab. A. D. : Léon XIV était préfet de la Congrégation pour les évêques, un ministère romain appelé Dicastère. Ce ministère est chargé d’évaluer les candidats à l’épiscopat, et Léon XIV en était le responsable principal. D’autre part, il appartient à l’ordre religieux de Saint-Augustin. Polyglotte, il parle anglais (sa langue maternelle), espagnol (acquis au Pérou où il a servi), français (de par son ascendance paternelle), ainsi que l’italien. Il possède également une solide formation en droit canonique, ce qui lui confère une expertise dans les règles en vigueur au sein de l’Église catholique.
Mali Tribune : Comment son expérience au Pérou et au sein du Dicastère influencera-t-elle son pontificat ?
Ab. A. D. : Son passage au Pérou lui a permis de développer une approche pastorale centrée sur les réalités locales et les défis sociaux. Il a travaillé auprès des populations défavorisées, ce qui a façonné sa vision d’une Église proche des pauvres et des périphéries. À la tête du Dicastère pour les évêques, il a joué un rôle central dans la sélection des évêques à travers le monde, lui offrant une perspective globale sur les défis ecclésiaux et l’importance de la synodalité, un principe qu’il entend continuer à promouvoir.
Son pontificat devrait ainsi être marqué par une gouvernance inclusive et une continuité avec les réformes engagées par ses prédécesseurs.
Mali Tribune : Pourquoi a-t-il choisi le nom de Léon XIV et que représente-t-il historiquement ?
Ab. A. D. : Deux Papes Léon ont marqué l’histoire de l’Église. Léon le Grand (Ve siècle) et Léon XIII, connu pour ses grands textes qui ont influencé l’orientation sociale de l’Église. Le choix du nom Léon XIV intervient dans un contexte de fortes inégalités économiques, où moins de 10% de la population mondiale détient une richesse considérable, tandis que 90% peinent à survivre. Ce pontificat pourrait donc refléter une préoccupation sociale accrue.
Mali Tribune : Quels sont les principaux enjeux religieux et sociaux auxquels Léon XIV devra faire face ?
Ab. A. D. : L’Église catholique est très diverse, selon les réalités en Amérique, en Europe, en Asie ou en Afrique. En Afrique, le grand défi est la jeunesse de la population. Il faut former cette jeunesse pour qu’elle puisse bâtir l’avenir. L’Afrique est également devenue un centre majeur du christianisme, remplaçant progressivement l’Europe en tant que pôle de croissance de l’Église.
Un autre défi concerne la manifestation de la foi. Dans le monde actuel, certains ne croient ni en Dieu ni au diable, tandis que d’autres cherchent à renforcer leur témoignage religieux. Léon XIV devra répondre à ces attentes et guider les fidèles à travers ces interrogations.
Propos recueillis par
Ousmane Mahamane
Regina Dena
(Stagiaire)
Source: Mali Tribune