« Plusieurs bulldozers, un important dispositif sécuritaire présent sur le site depuis 3 heures et trois départements ministériels mobilisés à savoir la Sécurité, l’Habitat et les Domaines fonciers et celui des Transports pour parer aux éventuelles attaques des occupants mécontents. » Voilà ce qu’il a fallu pour lancer cette opération, ce jeudi tôt le matin, rapporte Maliweb.net. « Sur place, les pertes sont conséquentes. Les constructions d’une valeur de plusieurs millions de francs CFA et les clôtures sont rasées par les bulldozers, des familles récalcitrantes sommées de mettre leurs effets personnels au dehors avant la démolition », poursuit le site d’informations. « La difficile décision, que les autorités précédentes n’ont pas pu pendre pour ne pas vexer certains, a été enfin prise par les autorités de la transition qui n’ont, apparemment, pas d’agenda politique », renchérit le quotidien Le Pays.
Pour le ministre de l’Urbanisme et de l’Habitat, Dionké Diarra, c’est « l’aéroport de Bamako même qui est agressé par les constructions illicites. » Une situation qui « représente un danger pour la sécurité du transport aérien. Le Mali court le risque de perdre sa licence par les autorités de l’aviation civile internationale à cause des occupations illicites », écrivent toujours nos confrères de Maliweb. Mais, selon le ministre Diarra, « ils seront tous dégagés à court terme » .
L’opération de démolition va concerner un espace de 1 660 hectares dans un premier temps, titre de son côté le journal La Priorité, rappelant que « le domaine aéroportuaire classé suivant le Décret n°99-252/P-RM du 15 septembre 1999. » Mais, selon le journal, « depuis plus d’une dizaine d’années, l’État du Mali fait face à un incivisme criard et profond du fait de certains élus municipaux, d’agents de l’ État et de certains citoyens. Le domaine public de l’État est morcelé allègrement par des maires, des préfets et des sous-préfets, souvent même des gouverneurs, en violation des dispositions réglementaires. Les bénéficiaires de ces parcelles sont des occupants illicites. »
Qui a vendu les parcelles et qui a donné l’autorisation de construire dans l’espace aéroportuaire ?
« Est-ce le laxisme de l’État ou la recrudescence de l’incivisme », s’interroge Mali24.info ? « Dans tous les cas, cette situation intrigante fait planer une menace sérieuse sur l’Aéroport, note le site d’informations. » « C’est la mairie du district qui nous a autorisé à s’installer, se lamente un septuagénaire dont la maison a été réduite en cendres. Nous ne sommes pas là illégalement. J’ai près de 20 âmes dans ma famille. Je n’ai nulle part où aller. Je vais mourir ici malgré qu’on a démoli ma maison. »
« Notons par ailleurs que les spéculations foncières occupent la première place des récriminations des populations si l’on se tient aux informations du bureau du médiateur de la République », relève le journal Nouvel Horizon. Il y a le problème des terrains vendus plusieurs fois et dont plusieurs personnes revendiquent donc la propriété. Et il y a bien sûr tous les cas d’accaparement pur et simple. »
Une démolition qui aura des conséquences politiques ?
Cette opération, abandonnée par l’ancien gouvernement d’Ibrahim Boubacar Keïta en raison des tensions sociales qui prévalaient en mai 2020, va-t-elle marquer un début de divorce avec les autorités transitoires ? s’interroge Malijet.com. En tout cas, relève le site d’informations, Issa Kaou Djim, le « bouillant coordinateur de la Coordination des mouvements, associations et sympathisants de l’imam Mahmoud Dicko (CMAS) compte aller loin dans ce combat. Il a invité toutes les victimes à se retrouver au sein d’un collectif afin de porter plainte contre le ministre. »
Membre du Conseil national de transition(CNT), l’organe législatif de la transition, M. Djim, un des artisans de la chute du pouvoir de l’ancien président Ibrahim Boubacar Keïta aux côtés du M5-RFP, avait jusque-là montré un soutien indéfectible au pouvoir de transition.
Mais, à présent, « il a lancé les pierres dans le jardin des autorités transitoires », note Malijet. Le porte-parole de l’imam Dicko, qui disposerait d’une maison parmi les concessions détruites, selon le journal, a laissé entendre : « Nous, on ne soutient pas la transition pour qu’un ministre vienne détruire ce que le peuple a construit. Dans un pays où il n’y a pas de sécurité, d’éducation, d’eau, d’aliénation…est-ce que venir démolir les maisons est la solution ? » « Plus loin, Issa Kaou Djim menace d’appeler les populations à se mobiliser pour dire « non » à la démolition en cours. Visiblement très en colère, il adresse des propos peu courtois envers les autorités de la transition, celles-là qui ont ordonné la démolition. « Cette façon sauvage d’agir n’est pas responsable… », concluent nos confrères de Malijet.