Le monde de la communication a perdu une de ses plus belles plumes, Sacré Issa Doumbia, un talentueux professionnel. La mort, dans toute sa cruauté, a arraché Sacré à laffection des siens, le mercredi 2 janvier 2019.
Dès lannonce de la triste nouvelle le monde de la presse, les amis et collaborateurs se mobilisés pour rendre un ultime hommage à Issa Doumbia. Le vendredi 4 janvier dernier, une foule nombreuse était présente aux funérailles de ce brillant journaliste qui a servi à la présidence de la République pendant le mandat de Amadou Toumani Touré, en qualité de chargé de mission puis de conseiller technique. Auparavant, Sacré a exercé dans plusieurs organes, notamment le Scorpion, le Républicain et lIndépendant. Dans le lot des témoignages, il y a celui, émouvant, de Seydou Sissouma, directeur de cabinet du Président ATT et ancien directeur de la cellule de la communication de la présidence de la République. Des membres de lamicale des anciens du CESTI ont également rendu un vibrant hommage à un de leurs, par la voix de Alassane Souleymane. Chevalier de lordre national, Issa Doumbia a eu les honneurs de la nation à travers la grande chancellerie.
Témoignage de Seydou Sissouma à Issa « Sacré Issa »
Devant cette assemblée recueillie, je veux dabord confesser mon inconfort de devoir parler de Issa Doumbia, « Sacré Issa » à ses compagnons de lutte et à ses confrères, dont je ne suis pas par la pratique mais seulement par ma qualité de journaliste. Le florilège des témoignages sur les médias sociaux, dès lannonce du décès, montre à suffisance combien il y a de voix plus autorisées que la mienne pour camper plus éloquemment et plus complètement « Sacré Issa » ! Mais je me console à lidée que de ses chefs, jai été celui qui la le plus longtemps gardé sous son autorité (près de dix ans) et quainsi les moments et lieux partagés peuvent fonder une prétention à dire Issa et à célébrer « Sacré » dans la mort ! « Ina lilahi wa ina lilahi rajihoun » ! (A Dieu nous sommes, et c’est à Lui que nous retournons).
Issa, « Sacré »,
Te souviens-tu sans doute qu’à l’Ecole de journalisme, au CESTI, le premier exercice auquel tes maîtres t’ont soumis dans les enseignements professionnels, c’était la rédaction d’une brève, texte court en trois ou quatre phrases pour donner la quintessence dune information.
Ta vie vaut bien une édition spéciale dun journal, et pourquoi pas un livre, mais je mimposerai, à la manière du rédacteur dune brève, de la résumer en une somme de valeurs, de savoir-faire et de savoir-être.
Issa « Sacré Issa »,
A la Commission de l’UEMOA, où j’ai eu le privilège de servir durant cinq années, une collaboratrice dun pays de la sous-région mavait relaté, un jour, les conditions de la mort de son frère, un jeune officier à l’occasion de troubles politiques. Au cours de la tourmente, la famille vit débarquer à la maison des soldats commis à l’arrestation de qui était encore pour quelques minutes leur compagnon d’armes. Ils mirent en joue, le jeune homme qui leva les bras au ciel en guise de reddition. Il lui fut ensuite intimé l’ordre de se mettre à genou, ce à quoi, le jeune officier avait fièrement, fermement et définitivement répondu : « Chez nous, un homme ne met pas un genou à terre devant un autre homme. Ou il est debout ou il est couché à jamais ! Faites votre devoir ! ». Il s’est affaissé sous une rafale.
Sacré Issa faisait partie de cette race dhommes qui ne savent pas se mettre à genou, sauf, sauf, la précision est importante en ce qui le concerne, sauf pour se prosterner et prier Allah son Créateur ! Ta piété est connue de tous ceux qui ont eu l’occasion de t’approcher.
Dans la vie professionnelle, dans la vie tout court, « Sacré » était d’un caractère altier, voire d’un si haut orgueil qu’il se laissait rarement prendre à défaut. La profession s’accorde unanimement sur les valeurs de probité et de dignité que tu as portées en tant que journaliste et plus tard comme conseiller à la Présidence de la République. Ceux qui t’ont prodigué à luniversité les cours déthique et de déontologie peuvent être fiers du bon usage que tu as fait de leurs enseignements.
Cet attachement viscéral à la morale journalistique était servi par un talent hors du commun. Qui d’entre nous n’a pas ressenti un jour de l’émerveillement devant un reportage, une analyse, un commentaire de Sacré Issa ? Une plume étincelante, un style flamboyant, toujours adossés à des sources robustes.
Ton humour corrosif n’épargnait rien, ni personne mais il avait la saveur de l’intelligence. C’était toujours piquant mais jamais méchant !
La religion des faits était ta boussole professionnelle et la facilité d’écriture ne t’a jamais fait perdre de vue l’exigence du travail documentaire, avec la conviction chevillée au corps qu’un bon papier est un papier bien écrit mais aussi bien informé !
Peu dentre nous savent que cette demeure, qui était la tienne, n’était pas qu’une maison à usage dhabitation, qu’elle est aussi une bibliothèque privée où tu as patiemment, passionnément, obstinément rassemblé un trésor darchives sur l’histoire politique du Mali.
Tu n’étais pas peu fier, et à juste raison, de faire visiter ce sanctuaire inviolable qu’une ligne jaune séparait du reste des pièces. Ta médiathèque (le mot rappellera sans doute des souvenirs aux anciens du CESTI) est un précieux legs qu’il convient de préserver.
Pour finir mon propos, Issa « Sacré »,
Je me souviens quun jour de 2004, tu es venu me voir à mon bureau, avec une coupure du journal Le Soleil de Dakar et j’avais eu la surprise de découvrir le texte que javais produit le jour du départ de Nelson Mandela du pouvoir en 1999. Etudiant à l’époque, tu m’as dit l’avoir archivé parce que touché par le contenu de larticle.
Dans ledit article, j’avais écrit (je cite de mémoire) que Nelson Mandela, après ce quil a enduré et incarné pouvait désormais, avant même sa mort, sinstaller dans le plus beau des Panthéon, celui du cœur des centaines de millions d’Africains.
Je te vois sourire à l’idée même que je puisse tenter un rapprochement, mais saches Issa quà ton échelle, tu es aussi pour moi, pour beaucoup dentre nous un héros à qui nous offrons avec émotion et affection, le PANTHEON DE NOS COEURS MEURTRIS.
C’est l’expérience du malheur qui nous aide à mieux goûter les instants de bonheur. Notre malheur est aujourd’hui grand et notre douleur indicible ! Mais nous te faisons le serment de surmonter très vite notre chagrin en nous souvenant des graines d’amitié, de fraternité et de confraternité que tu as semées en nous ! Et surtout nous voulons pouvoir dire à Beydi, à Sanaba, à Seydou, à Habib, à Bourama, tes enfants, que leur père fut un brillant journaliste, un Conseiller avisé, un homme de conviction, à la limite de la rigidité ! Bref qu’il fut un « Sacré Monsieur » !
Un dernier message Issa, sans doute celui que tu attends le plus, depuis ma prise de parole. Dès lannonce de ton trépas, j’ai appelé le Président Amadou Toumani TOURE et son épouse pour leur communiquer l’information. Tu peux deviner leur tristesse et leur affliction.
Le Président ATT, que tu appelais affectueusement Zangué entrainant toute la direction Communication à adopter ce nom de code sans que nous sachions pourquoi, le Président ATT me dit de te dire « MERCI d’avoir, à ses côtés, servi le Mali avec talent, loyauté et fidélité ». Fin de citation. C’est ce qui t’a valu une nomination dans les ordres nationaux et qui nous vaut cette cérémonie républicaine en ce jour des adieux !
Dors en paix, mon valeureux petit frère !
Seydou SISSOUMA
Ancien Directeur de la Communication de la Présidence de la République
Source: L’ Aube