Dans son discours d’ouverture, le Premier ministre, Moctar Ouane soutiendra que la paix et la réconciliation sont au cœur de la transition. Ces audiences, ajoute-t-il, concourent parfaitement à ce projet. « Chaque être humain a le droit de faire ce qu’il veut de sa vie, il est inconcevable qu’il soit privé de cette vie » précise le Premier ministre de la Transition. A l’en croire, ces audiences se tiennent à un moment où notre pays est dans un déficit sécuritaire. Le pardon devient une valeur cardinale dans notre société. A cet égard, l’Etat fera tout pour remettre les victimes dans leur droit. Il a félicité les victimes qui ont accepté de raconter leur souffrance à la nation. Nous n’acceptons pas le banal de la violence, car estime-t-il, le Mali doit tourner la page douloureuse de son histoire.
» Ce n’est pas une audience judiciaire «
Pour sa part, le président de la CVJR, Ousmane Oumarou Touré dans ses mots introductifs précisera que, ce n’est pas une audience judiciaire mais plutôt un cadre de solidarité qui va permettre de rendre aux victimes leur dignité. Avant d’indiquer que seules les victimes seront écoutées. Le message que les victimes vont relater, est un espoir pour la réconciliation assure M. Touré. A cet effet, il a rappelé que Aguel’hoc dans le cercle de Tessalit, Awkassa, Taghatert et Inekar-ouest, dans le cercle de Menaka, Bamba dans le cercle de Bourem, Kel Souk dans le cercle de Gao, Echelle et Tonka dans le cercle de Goundam, Léré dans le cercle de Niafunké , Sobane Da dans le cercle de Bandiagara … sont autant de cités martyrs qui ont subi d’horribles massacres.
Favorable au pardon, mais pas au prix de l’impunité
« Nous entendrions des témoignages émouvants qui pourront nous affecter profondément, mais qui nous inciteront je l’espère à réfléchir profondément sur différentes périodes de notre histoire contemporaine » a-t-il-ajouté.
A ses dires, les survivants de tortures et de traitements inhumains, cruels et dégradants, les proches des personnes sont des victimes de meurtres ou d’assassinats. A cet effet, ces victimes ont parlé avec leur cœur en revivant des souvenirs douloureux et traumatisants. Pour beaucoup d’entre eux, c’était une première qu’on leur permet de témoigner des atrocités qu’ils ont vécues.
Fatoumata Touré, représentante des victimes, soutiendra que des larmes et des pleures seront au rendez-vous et qu’ils ne feront aucune intention de dramatiser les faits. » Nous ne sommes pas guéri de nos blessures, mais nous avons eu d’espoir avec la création de la CVJR. Nous sommes favorables au pardon, mais pas au prix de l’impunité » a précisé la porte-parole des victimes. Ainsi donc, Elle a lancé un appel pressant aux nouvelles autorités pour trouver une solution à la prolifération des attaques et de l’enlèvement sur l’ensemble du territoire malien »
Place à l’écoute des victimes
Durant toute une journée entière, des victimes avec un courage exceptionnel nourrit par un caractère fort, vont se succéder à tour de rôle, en relatant au peuple et au monde entier des violences, des tortures et des traitements inhumains qu’elles ont subies de 1960 à nos jours. Au total 10 témoins ont partagé leurs expériences.
A sa fleur de l’âge, Aicha Wallet Albessaty, une victime des premières années de l’indépendance. En 1963 une rébellion touarègue éclate dans la région de Kidal. Une rébellion matée par l’armée malienne.
Âgée alors de 9 ans, Aicha se souvînt encore comment elle a perdu les membres de sa famille. Elle déplore le fait que les militaires n’ont pas pu faire la différence entre les hommes de terrain, et la population, « c’est ça qui est grave, on tue des innocents » regrette la bonne dame avec une voix pleine d’émotion.
Pour Lazare, âgé environ d’une trentaine année celui là même qui a perdu plusieurs membres de sa famille dont son grand frère qui lui a laissé 6 enfants se plaint de sa situation actuelle.
« Les terroristes ont pris d’assaut mon village Sobane Da. Dès la porte d’entrée, ils ont commencé a tiré sur tous ce qui bouge. Néanmoins, certains membres de mon village ont pu se réfugier dans la maison.
Entre temps, des renforts sont venus en moto pour grossir le rang des bandits armés. Ils ont encerclé notre village et ont commencé a tiré dans tous les sens. Certains d’entre eux ont emporté nos troupeaux. Après ce premier forfait, ils sont rentrés dans le village pour bruler nos céréales. Comme cela ne suffisait pas, ces bandits armés, malgré les cris et les pleures, ont procédé à la brûlure des humains. Et cela jusqu’à 00 heure du matin.
Au total 102 personnes ont été brulées vives dont 13 membres de ma famille (Mon père, ma mère, mes frères, mes belles-sœurs, mes neveux, mes enfants). Pour enterrer ces morts, cinq (5) grosses fossés communes ont été creusées.
Aujourd’hui, à cause de la pauvreté, nous n’avons plus personne pour nous aider. Et pourtant, mon grand frère est décédé en laissant 6 enfants à ma charge, je ne sais pas comment faire pour les nourrir ».
Lamine BAGAYOGO
Source: Azalaï Express