L’Union africaine fête ce week-end le cinquantenaire de son « ancêtre » l’Organisation de l’unité africaine. En effet, le 25 mai 1963 trente chefs d’Etat africains dont le Malien Modibo Keïta, réunis à Addis-Abeba à l’invitation de l’empereur d’Ethiopie Haïlé Sélassié, adoptent la charte de l’Organisation de l’unité africaine. Cette charte est inspirée par l’idée que l’Afrique doit pouvoir s’exprimer de façon unitaire. Elle affirme l’égalité souveraine de tous les Etats membres, le principe de la non-ingérence et le respect de l’intégrité territoriale.
Ce n’est que le 9 juillet 2002, soit deux ans après la signature de son traité constitutif à Syrte en Libye, le 9 septembre 1999 que l’Union africaine s’est substituée à l’OUA. Un an plus tard, en juillet 2003, à l’occasion du sommet de Maputo au Mozambique, furent mises en place certaines institutions dont la Commission de l’Union africaine, le Parlement panafricain et le Conseil de paix et de sécurité (CPS).
Les questions économiques et la prévention des conflits sont depuis quelques années les deux grands thèmes de réflexion de l’organisation continentale. Le 21ème sommet de l’Union africaine (UA) qui se tient, ce week-end à Addis-Abeba dans la capitale éthiopienne, sur le thème « Panafricanisme et renaissance africaine », ne dérogera certainement pas à la règle. Toutefois, nombreux sont les analystes qui pensent qu’il marquera un tournant dans l’histoire de cette organisation non par la célébration de ce 50è anniversaire de la création de l’Organisation de l’unité africaine, mais parce que la crise malienne a démontré que derrière les palabres et grandes discussions, l’Afrique manque de moyens financiers et militaires et surtout de volonté commune pour assurer sa propre survie. L’unité tant recherchée n’est encore qu’un vœu pieux.
Or la renaissance africaine dont il sera question au cours de la rencontre de ce week-end – si elle n’est éclipsée par l’actualité brûlante des conflits armés et de leadership – tire son essence du panafricanisme qui se définit comme un mouvement politique et culturel dans lequel l’Afrique, les Africains et leurs descendants de la diaspora constituent un seul ensemble. Son ambition était de régénérer et d’unifier l’Afrique, en encourageant un sentiment de solidarité entre les populations du monde africain. Le panafricanisme trouve ses origines dans la diaspora noire américaine et s’alimente de la résistance anticoloniale de l’Afrique continentale et de l’affirmation de la personnalité africaine.
Les dirigeants africains n’ont cessé, depuis l’avènement de l’OUA, de travailler sur les questions du panafricanisme et de la renaissance africaine. Au commencement, la notion a été soutenue par William E. B. Du Bois, Marcus Garvey, Kwamé Nkrumah, Patrice Emery Lumumba, Julius Nyéréré, Thomas Sankara, Nelson Mandela et bien d’autres.
Elle a été remise au goût du jour en 1999 par les concepteurs du MAP (Millenium Partnership for African Recovery Program, ou Renaissance africaine) et défendu par les présidents algérien, sud-africain, et nigérian. Lorsqu’en juillet 1999, l’Union africaine entérine une nouvelle initiative africaine de développement à l’origine de laquelle se trouvent les présidents Abdel Aziz Bouteflika, Tabo M’beki et Olesegum Obasanjo, elle confie à ces chefs d’Etat la mission de mener toutes les actions nécessaires pour faire connaître cette initiative aux bailleurs de fonds, décideurs internationaux, et d’entraîner dans cette dynamique leurs homologues africains.
Dès 1999, la Renaissance africaine – MAP – est présentée au G8 par ses ambassadeurs et inspirateurs. Le trio rencontrera, à cet effet, les présidents du FMI et de la Banque mondiale et continuera de tisser des relations au haut niveau.
Mais en 2001, le tout nouveau président du Sénégal, Abdoulaye Wade, propose à ses pairs africains un autre plan susceptible d’accélérer le développement du continent. Naissait ainsi le Plan Omega pour l’Afrique qui préconise un nouveau pacte de partenariat avec le reste du monde, géré par une « Autorité mondiale » sous la responsabilité directe du secrétaire général de l’ONU.
Le plan repose sur l’idée d’un financement à long terme de projets prioritaires aux niveaux sous régional et continental, susceptibles d’aider l’Afrique à surmonter les problèmes de fond qui l’empêchent de tirer partie de la mondialisation. Puis advient, dans une mouture à dominante économique, le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique, NEPAD, qui évince la Renaissance africaine.
De l’avis d’experts, 50 ans après la création de l’OUA, l’Afrique est un continent qui monte. Les progrès accomplis dans l’agenda politique, d’intégration et de développement au cours des quinze dernières années ont positionné l’Afrique comme le continent qui enregistre des taux de croissance économique les plus élevés au monde. Six des 10 économies ayant les taux de croissance les plus rapides du monde sont des économies de pays africains. Si les opportunités sont infinies en Afrique, le continent se doit de conjuguer ses abondantes ressources naturelles en un développement économique général. Ces ressources naturelles et autres richesses y compris les ressources humaines sont des facteurs essentiels du développement industriel et agricole, base de la croissance économique de l’industrialisation, du commerce et de la transformation sociale.
Le sommet d’Addis Abeba marquera aussi un tournant par une participation de qualité de l’administration américaine. Washington a annoncé que le secrétaire d’Etat John Kerry viendra au 21è sommet de l’UA pour marquer la détermination des Etats-Unis à s’engager davantage en Afrique et l’intention du département d’Etat et de la Maison Blanche de pourvoir plusieurs postes importants dans la région, comme ceux de porte-parole pour les Etats-Unis au Soudan et d’envoyé spécial pour la République démocratique du Congo.
B. COULIBALY
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50è Anniversaire de l’OUA : BEAUCOUP DE FESTIVITES ET DE TRAVAIL
Les festivités officielles de la célébration du cinquantième anniversaire de l’Organisation de l’unité africaine débuteront demain, 25 mai, par un événement populaire en plein air de 9 heures à 13 heures sur la place publique Meskel Square au centre d’Addis-Abeba.
Cet événement comportera un volet chorégraphique, des déclarations liminaires, des discours et des messages de solidarité, et sera ponctué d’activités culturelles mettant en évidence la notion de Renaissance et la diversité régionale de l’Afrique et de la diaspora. Dans l’après-midi, des séances thématiques se tiendront au Centre de conférences de l’UA. Cette activité sera essentiellement axée sur les thèmes du panafricanisme et de la Renaissance africaine, de l’Intégration, de l’Afrique et le monde. Des manifestations sportives, culturelles, des expositions se dérouleront en divers endroits de la ville notamment à Meskel square. Un diner de gala anniversaire aura lieu le soir du 25 mai en l’honneur des invités du pays hôte au Millenium Hall d’Addis-Abeba.
Dimanche, les travaux du sommet se poursuivront à huis clos au centre de conférence de l’Union africaine au cours desquels les débats porteront sur la Proclamation du cinquantième anniversaire de l’OUA, un document prospectif à l’horizon 2063 dans lequel l’UA dresse le portrait de l’Afrique souhaitée à cette échéance.
Cette Proclamation devrait aller au-delà des déclarations traditionnelles du sommet et porter sur le fond. C’est un regard sur le passé et un clin d’oeil vers l’avenir. Les travaux se poursuivront à huis clos et s’achèveront lundi après-midi.
Les chefs d’Etat devraient adopter un document sur la proclamation du 50è anniversaire de l’OUA, le plan d’action 2014-2017 de la commission de l’UA ainsi que le budget 2014 de l’Union. Ils examineront ensuite le rapport du Conseil de paix et de sécurité sur ses activités et l’état de la paix et de la sécurité en Afrique ainsi que celui produit par Olusegun Obasanjo, l’ancien président du Nigeria, président du Groupe de haut niveau sur les sources alternatives de financement de l’Union africaine. Elle étudiera aussi le rapport de Macky Sall, le président du Sénégal et du Comité d’orientation des chefs d’État et de gouvernement (HSGOC) ainsi que le rapport du Comité d’action des chefs d’Etat et de gouvernement sur l’Observatoire du Sida en Afrique (AWA) produit par Ernest Bai Koroma, le président de la Sierra Leone et du Comité des Dix sur la réforme des Nations Unies.
Il sera également question d’une position africaine commune et des modalités de mise en place d’un Comité des chefs d’État et de gouvernement sur l’Agenda de développement post-2015 et des conclusions du Forum du dialogue africain des dirigeants des BRICS organisé le 27 mars 2013 à Durban en Afrique du Sud par le président Jacob Zuma.
Le sommet nommera ensuite quatre membres de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP), et quatre membres du Comité africain d’experts sur les droits et le bien-être de l’enfant (CAEDBE).
D’autres points de cet ordre du jour chargé concernent les résultats du Sommet mondial de la diaspora, la lutte contre la désertification, le soutien à la production cinématographique, la date et le lieu de la prochaine session ordinaire de l’Union.
B. C.
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OBJECTIF, UNE AFRIQUE NOUVELLE
L’avènement de l’Union africaine (UA), organisation née des cendres de l’OUA, peut être considéré comme un événement majeur dans l’évolution institutionnelle du continent. En septembre 1999, les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) ont adopté une déclaration, la Déclaration de Syrte, demandant la création de l’Union africaine en vue, entre autres, d’accélérer le processus d’intégration sur le continent. L’Afrique devait ainsi pouvoir jouer le rôle qui lui revient dans l’économie mondiale, déployer des efforts pour résoudre les problèmes sociaux, économiques et politiques multiformes auxquels elle est confrontée, problèmes accentués par des effets négatifs de la mondialisation.
Les principaux objectifs de l’OUA étaient notamment d’éradiquer le colonialisme et l’apartheid, de renforcer l’unité et la solidarité des Etats africains, de coordonner et d’intensifier la coopération en faveur du développement, de défendre la souveraineté et l’intégrité territoriale des Etats membres et de favoriser la coopération internationale, dans le cadre des Nations Unies.
En tant qu’organisation continentale, l’OUA a ainsi fourni un forum efficace qui a permis à tous les Etats membres d’adopter des positions coordonnées sur des questions d’intérêt commun concernant l’Afrique dans les instances internationales, et de défendre efficacement les intérêts du continent.
A travers le Comité de coordination de l’OUA pour la libération de l’Afrique, le continent a parlé d’une seule voix et œuvré avec une détermination sans faille à la réalisation d’un consensus international en faveur de la lutte de libération et du combat contre l’apartheid.
Aujourd’hui, le continent est indépendant et l’apartheid a disparu.
Dans leur quête pour l’unité et le développement économique et social, sous l’égide de l’OUA, les pays africains ont pris des initiatives et réalisé des progrès dans de nombreux domaines. Ce bilan, comme les faiblesses révélées durant plusieurs décennies de fonctionnement, ont ouvert la voie à la création de l’UA.
La vision de l’Union africaine est de « bâtir une Afrique intégrée, prospère et en paix, dirigée par ses citoyens et constituant une force dynamique sur la scène mondiale».
Ce projet d’une nouvelle Afrique, tournée vers l’avenir, dynamique et intégrée, est une entreprise de longue haleine et sera pleinement réalisée par une lutte sans relâche menée sur plusieurs fronts.
C’est ainsi que le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) a vu le jour. Ce vaste programme provient de la fusion de deux autres plans proposés pour l’Afrique : le Plan Oméga et le Millenium African Plan ou Plan MAP. Ceux-ci, apparus au cours de l’année 2000, cherchaient à pallier le retard immense qu’avait pris l’Afrique en matière de développement sur la scène internationale.
L’Afrique est en effet le seul continent dont le développement et la présence internationale régressent. C’est pour cela que le président sénégalais, Abdoulaye Wade proposa en janvier 2001, au sommet France – Afrique de Yaoundé, le Plan Oméga. Celui-ci visait à résorber l’écart entre pays développés et pays sous-développés par des investissements massifs d’origine externe, coordonnés à l’échelle continentale, pour poser les bases du développement du continent africain.
Même si, depuis sa création, la place du NEPAD au sein de l’Union africaine est sujette à controverse, le Nouveau partenariat reste d’actualité, ne serait-ce que par la persistance des problèmes qu’il était sensé résoudre.
A. M. CISSE
L’UA et la gestion des conflits : LE CAS MALIEN
Le président béninois, Yayi Boni, qui s’apprête à passer le témoin de la présidence en exercice de l’Union africaine, assurait en février dernier dans une interview publiée dans les colonnes de notre confrère français l’Express, n’a pas porté de gants pour dire ce qu’il pensait du rôle joué par de l’UA dans la résolution de la crise malienne : « Nous devons en tirer les leçons pour l’avenir, dit-il. Plus jamais ça ! La crise malienne doit nous conduire à nous réorganiser, de manière à afficher une certaine responsabilité dans la gestion des affaires de notre continent ».
Ainsi, reconnaissait-il sans tabou que les instruments de gestion du continent sont loin d’être a la hauteur des soubresauts qui secouent l’Afrique : guerres civiles, rebellions ou encore coups d’état et quelques fois les deux à la fois.
Le Conseil de paix et de sécurité n’est pas, en réalité, une innovation propre à l’Union africaine. C’est même une réplique du mécanisme de prévention, de gestion et de règlement des conflits de l’Organisation de l’unité africaine devenu un organe de l’Union africaine par une décision du sommet de l’OUA de Lusaka en Zambie (9-11 Juillet 2001).
Cette décision est conforme à l’acte constitutif de l’UA adopté le 11 Juillet 2000, lequel permet à la Conférence de créer d’autres organes au sein de l’Union. Cette intégration dans l’Union du mécanisme de l’OUA ne signifie pas que rien n’a été ajouté aux attributions du CPS, car en créant ce conseil sur les décombres du « vieux mécanisme », la conférence a manifesté son désir de redynamiser le rôle à lui assigné en faveur de la paix et de la stabilité. Ce désir a pris concrètement forme dans un « système continental d’alerte rapide »et une « force africaine prépositionnée».
Autrement dit, tandis que le reste du monde cherche les possibilités et les ressources nécessaires de relever les nouveaux défis posés par la mondialisation, la biotechnologie, la robotique, les conflits de civilisations, les revendications identitaires, etc., l’Afrique est encore, presque irréversiblement confrontée aux problèmes générés par les conflits armés à répétition, pour ne pas dire chroniques.
Face à ces problèmes d’instabilité, les structures africaines à travers l’OUA ont toujours ratiociné sans trouver un cadre efficace pour améliorer la gestion de crises, puisque le mécanisme de prévention, de gestion et de règlement des conflits de l’OUA n’a pas les moyens de sa mission.
Le CPS venait de naître lorsqu’une crise d’une ampleur significative éclate au Soudan, un pays qui s’étend sur 2,5 millions de km2. L’épicentre de la crise est la région du Darfour qui couvre environ 490.000 km2– soit un cinquième (1/5) du territoire soudanais. Ses six millions d’habitants sont défendues par des groupes rebelles (Mouvement/armée pour la libération du Soudan et Mouvement pour la justice et l’égalité) qui combattent les milices Djandjawids pro-gouvernementales.
La menace terroriste manifestée dans notre pays depuis une décennie par des prises d’otage et le trafic de drogue (otages français, suisse, autrichien, « Air cocaïne »…) représente un danger qui a dégénéré par la conquête de plus de la moitié de notre territoire par des irrédentistes, des terroristes et des narco-trafiquants.
L’UA, à la différence de la France en janvier dernier, n’a pu intervenir en dépit des tardifs appels au secours des autorités maliennes. A toutes les rencontres sur le Mali, elle s’est bornée à réaffirmer « son attachement indéfectible à l’unité nationale et à l’intégrité territoriale du Mali, ainsi que son rejet total du terrorisme et de la rébellion armée comme moyen de faire valoir des revendications politiques ».
Si militairement, l’organisation continentale s’est révélée impuissante, elle s’est, par contre, employée au plan diplomatique, soutenant les initiatives de la CEDEAO, aidant à aplanir les divergences entre acteurs maliens, participant à l’élaboration d’un concept d’opérations harmonisé, qui a organisé l’arrivée des troupes africaines.
L’UA a aussi aidé à la transformation de la MICEMA en une Mission internationale de soutien au Mali (MISMA) sous conduite africaine. La « continentalisation » de l’initiative est donc à mettre à son actif. L’UA a, enfin, milité avec la France, le gouvernement malien, la CEDEAO et d’autres acteurs internationaux pour obtenir le déploiement de Casques bleus au Mali dans un concept stratégique situant l’action militaire dans une perspective plus globale.
A. M. C.
Source: Essor