9 Avril 2018 – La vaste région de Kidal, situé en bordure de Sahara au nord du Mali, abrite des populations nomades habitant pour la plupart loin des structures de santé. En 2018, l’organisation Médecins Sans Frontières (MSF) a lancé sa première campagne de vaccination multi-antigènes au Mali, avec pour objectif de vacciner plus de 10,000 enfants.
Se faire vacciner contre des maladies comme la diphtérie, la rougeole, la coqueluche ou encore la tuberculose, est un évènement banal pour de nombreux enfants. Mais à Kidal au Nord Mali, où règne l’insécurité et où les communautés vivent isolées loin des centres de santé aux capacités limitées, se prémunir contre de telles maladies peut se révéler extrêmement compliqué.
Présente dans cette région du Nord Mali depuis 2015, l’organisation avait remarqué la nécessité de mettre à jour le calendrier vaccinal des enfants, pour la plupart non immunisés contre les maladies fréquentes. Pour protéger les plus vulnérables contre ces maladies qui peuvent être invalidantes voire fatales, MSF a donc lancé, en collaboration avec le Ministère de la Santé et de l´Hygiène Publique et les autorités locales et régionales, sa première campagne de vaccination multi-antigènes en janvier 2018, visant à immuniser près de 10,000 enfants âgés de 0 à 5 ans.
La campagne, qui implique de parcourir entre 100 à 250 km de routes désertiques dans la journée sous un soleil de 40 degrés pour atteindre le maximum d’enfants, est un véritable défi.
« Mettre en œuvre cette campagne exige de nombreuses ressources. Avant tout, il faut rendre les vaccins disponibles et développer d’importants moyens logistiques pour permettre aux équipes d’accéder à des populations isolées. C’est compliqué », explique Patrick Irenge, Coordinateur médical pour MSF au Mali. « Les vaccins doivent être conservés entre 2 et 8 degrés, dans une région où les températures avoisinent les 40 degrés Celsius. Et pour finir, la mobilisation de tant de monde, du personnel médical qualifié aux chauffeurs qui doivent connaître la région sur le bout des doigts, n’est pas un mince exploit ».
La campagne se déroule en trois étapes, de manière à respecter le calendrier vaccinal au Mali. Une seule dose de vaccin est nécessaire pour vacciner les enfants contre la rougeole, la fièvre jaune ou encore la méningite. D’autres vaccins doivent être administrés en trois dosages, ce qui explique les trois passages des équipes MSF. Retrouver les communautés nomades peut s’avérer difficile car, mobiles par nature, elles ne restent pas toujours au même endroit plusieurs semaines d’affilé.
« En plus de ces difficultés, l’insécurité qui prévaut dans la région réduit les possibilités pour ces communautés d’avoir accès aux soins de santé de base», poursuit Patrick. « C’est pourquoi la vaccination est importante : il s’agit d’une mesure préventive pour protéger les plus vulnérables ». Ses équipes viennent de terminer le deuxième passage de la vaccination, qui se terminera début mai.
L’organisation médicale humanitaire Médecins Sans Frontières (MSF) est présente au Mali depuis 1985. Elle est intervenue à Kidal pour la première fois entre 1998 et 2008, avec un projet de santé maternelle. L’organisation est retournée à Kidal en 2015 dans le but donner aux plus vulnérables, les femmes et les enfants des communautés isolées, un accès aux soins de santé. Les équipes de MSF travaillent aussi dans les districts d’Ansongo (région de Gao), Koutiala (région de Sikasso), Ténenkou et Douentza (région de Mopti).
Questions/Réponses Dr. Patrick Irenge – Vaccination Kidal
- Pourquoi cette campagne vaccination multi-antigènes à Kidal ?
Cette campagne, unique en son genre, a été organisée pour plusieurs raisons. La première est liée à la cartographie de Kidal. Dans cette région vaste et désertique, aux infrastructures de santé de capacité limitée, la majorité de la population vit au-delà de 5 kilomètres des centres de santé communautaires et par conséquent il leur est difficile d’accéder aux services de vaccination. La deuxième raison vient du fait qu’un grande partie des habitants de la région sont nomades et se déplacent en priorité, avec leur bétail, là où sont l’eau et les pâturages. Cela pose, une fois encore, un problème d’accès aux activités de vaccination. Enfin, l’insécurité persistante dans toutes les régions du Nord a un impact considérable sur la mobilité et l’accès en général aux soins de santé de base. La vaccination est ainsi une mesure préventive et efficace permettant de protéger les plus vulnérables.
- Contre quelles maladies les enfants seront-ils protégés?
La campagne de vaccination à Kidal est une campagne multi-antigènes qui comprend tous les vaccins administrés d’habitude par le Programme Elargi de Vaccination (PEV) du Ministère de la Santé malien : diphtérie, rougeole, coqueluche, pneumonie et d’autres maladies dangereuses pour les jeunes enfants. En principe, ce type de vaccination au Mali est destiné aux enfants âgés de 0 à 11 mois.
Cependant, dans le cadre de notre projet d’appui à 6 centres de santé communautaires à Kidal depuis 2015, nous avons constaté que beaucoup d’enfants n’avaient pas été immunisés au cours des dernières années. Nous avons alors proposé au Ministère, avec qui nous collaborons dans tous nos autres projets au Mali, d’élargir la cible pour cette campagne de vaccination à tous les enfants jusqu’à 5 ans.
- Comment se déroule cette campagne de vaccination?
Nous vaccinerons les enfants de 0 à 5 ans dans les quatre districts sanitaires de la région de Kidal. Plus de 8,800 enfants ont déjà reçu une première dose de vaccin. La réalisation d’une telle campagne requiert beaucoup de moyens. Il faut avant tout rendre disponible les vaccins, ensuite apporter un soutien logistique pour faciliter les déplacements des équipes dans une zone vaste où l’accès aux populations isolées est compliqué et pour finir, investir dans des ressources humaines qualifiées. Sans oublier le volet de sensibilisation de la population qui est primordial si l’on veut que cette dernière adhère à l’activité.
Cette campagne se fera en trois passages pour respecter la politique de vaccination au Mali : les vaccins contre la rougeole, la fièvre jaune ou encore la méningite ne seront administrés qu’une seule fois. D’autres antigènes (pentavalent et pneumo 13) seront injectés en 3 doses et dans un intervalle de 4 semaines.
- Quel impact cette campagne aura-t-elle sur la santé des populations vivant dans la région ?
Son impact est considérable car les doses, contenant plusieurs antigènes, permettront de protéger les enfants contre de plusieurs maladies évitables par la vaccination telles que la, la rougeole, la méningite, les différents types de diarrhée, diverses pathologies respiratoires ou encore la fièvre jaune. De plus, étant donné que les enfants ne tombent pas malades à terme, il y aura également une incidence sur les finances des familles qui n’auront pas à débourser de l’argent pour les soins de santé. Et dans un contexte tel que celui de Kidal, ou l’insécurité entrave le bon déroulement de certaines activités économiques, ce n’est pas négligeable.
- Quels sont les plus grands défis auxquels vous avez été confrontés ?
Les difficultés ont été nombreuses. L’accès aux populations dans une zone aussi vaste et aride a demandé beaucoup de moyens logistiques telles que motos et autres véhicules adaptés au terrain. De plus, les vaccins nécessitant une conservation entre 2 et 8 degrés, un important matériel permettant de respecter la chaîne de froid a été déployé entre Bamako et Kidal. Enfin, mobiliser autant de monde, à savoir du personnel médical qualifié ou encore des chauffeurs connaissant parfaitement la région, n’a pas été un mince affaire. Mais grâce à la bonne collaboration avec les autorités locales, le Ministère de la Santé et tous les autres partenaires sur le terrain, nous avons réussi à surmonter les difficultés et sommes déjà dans la réalisation du 2ème passage.
- De quoi êtes-vous le plus fier au sujet de cette campagne ?
Ayant été moi-même sur le terrain pour contribuer au lancement des activités, j’ai été marqué par la forte implication et l’incroyable motivation à tous les niveaux. Des leaders communautaires et des communautés elles-mêmes, en passant par les autorités locales et régionales ou encore le staff MSF, tous reconnaissent le caractère vital de cette campagne pour tous les enfants de la région.