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Vacance de la vice-présidence de Transition : Violation de la Charte et vice de procédure

Peu après leur accession au pouvoir, les officiers putschistes ont publié, en octobre 2020, la seconde version de leur Charte de Transition. Après le coup d’État de mai 2021, qui a écarté Bah N’Daw de la présidence, la valeur constitutionnelle du texte a été reconnue par la Cour constitutionnelle, tout comme sa supériorité à la loi fondamentale de la IIIe République. Les juges ont alors désigné Assimi Goïta comme président de la Transition, avec rang de chef d’État, parce qu’il occupait la vice-présidence. Mais, curieusement, personne n’a été ni désigné ni élu pour lui succéder, comme si cette charge était désormais un embarras.

 

Un poste aux attributions ambiguës

En instaurant une vice-présidence, fonction inédite dans l’histoire du Mali, l’armée a voulu un rôle dans l’exécutif, pouvoir également détenu, jusqu’en mai 2021, par un colonel retraité, Bah N’Daw, et un civil, Moctar Ouane, respectivement Président et Premier ministre. Présentées dans l’article 7 de la Charte, les prérogatives dévolues à ce poste sont toutefois ambiguës : « Le président de la Transition est secondé par un vice-président. Il est désigné suivant les mêmes conditions que ce dernier. Le vice-président est chargé des questions de défense et de sécurité ». Dès lors, que penser du raisonnement de la Cour constitutionnelle quand elle a octroyé le pouvoir suprême au colonel Goïta, en remplacement de Bah N’Daw ? Pour nous, le vice-président n’est qu’un partenaire privilégié du Président, non son possible suppléant. Par conséquent, nous pensons que la Charte, de façon paradoxale, n’envisage pas de continuité de la fonction présidentielle et que l’arrêt prononcé par les juges encourage les aventures déjà nombreuses de la junte en matière politico-constitutionnelle.

Le risque d’une plus grande instabilité

En effet, suivant le raisonnement de la Cour, en l’absence de vice-président, quel parti les organes de la Transition prendraient-ils si le Président ne pouvait plus assurer ses fonctions, pour une raison ou pour une autre ? Étant donnée l’emprise énorme de l’armée sur les institutions du Mali, il est probable que la junte chercherait à conserver le pouvoir, et non à le remettre aux civils. Une fois encore, l’État risquerait d’être déstabilisé. De toute façon, le mal est, pour ainsi dire, déjà fait, car la vacance de la vice-présidence est désormais irréparable, à moins de modifier la Charte.

Une situation illégale et paralysée

L’article 7 de la Charte indique que le vice-président « est désigné suivant les mêmes conditions » que le Président, c’est-à-dire, selon l’article 4, « par un collège […] mis en place par le Conseil national pour le Salut du Peuple ». Or, le CNSP a été dissous en janvier 2021 ! Comment, alors, désigner un vice-président ? La junte est parvenue à paralyser les institutions qu’elle a elle-même créées et à rendre donc impossible, notamment, l’application de l’article 10 selon lequel le Président et le vice-président prêtent serment le même jour.

Malheureusement, au nom de la prétendue « rectification de la trajectoire de la transition », la Cour constitutionnelle, une bonne partie de la classe politique et du peuple acceptent – c’est une coutume – que la junte viole sa propre Charte. La stratégie politique continue de primer le droit constitutionnel. Bis repetita placent.

Balla CISSÉ, docteur en droit public de l’Université Sorbonne-Paris-Nord et diplômé en Administration électorale de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

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