Le jeudi 27 aout 2021, l’ancien Premier ministre, Soumeylou Boubeye Maiga, a été placé sous mandat de dépôt par la chambre d’accusation de la Cour suprême du Mali dans le cadre de l’affaire dite du marché des équipements militaires et de l’achat de l’avion présidentiel pendant la présidence d’IBK. La nouvelle de l’arrestation de ce grand homme, jugé comme puissant et intouchable a provoqué un tollé au sein de l’opinion publique nationale. La jeunesse de son parti (ASMA) à travers une conférence de presse, la semaine écoulée, a demandé de meilleures conditions d’incarcération de leur Président. Les autorités de la transition vont – elles accéder à cet appel ?
Traitée de rumeur dans un premier temps, la nouvelle de l’incarcération du président du parti ASMA ne tardera pas à se confirmer. Elle a suscité des réactions, favorables comme défavorables. Au regard de son statut d’ancien Premier ministre, son âge et son parcours, la justice va-t-elle accorder des circonstances atténuantes à Soumeylou Boubeye Maïga ? Notamment sur ses conditions de détention, en le transférant dans une autre structure pénitentiaire plus commode que la Maison Centrale d’Arrêt de Bamako Coura.
Il était craint à cause de son statut d’ancien patron des services de renseignement, au sein desquels il a laissé des poulains. Il était respecté pour avoir réussi en 30 ans de carrière politique, à faire et défaire le plus grand parti politique de la place, l’Adema PASJ, avant de créer son propre parti, l’ASMA-CFP. Mais au-delà de toutes ces considérations, Soumeylou Boubèye Maïga est celui qui a activement participé à la gestion des affaires durant les 7 ans du régime d’IBK. D’abord comme ministre de la Défense, puis Secrétaire Général de la Présidence, avant de prendre les rênes de la Primature. Il est surnommé, le «Tigre de Badala ».
C’est surtout après son passage à la tête du ministère de la Défense et des Anciens combattants que la justice lui reproche de nombreux chefs d’accusation : surfacturation, détournement de fonds publics, fraude etc. Cela dans le cadre des enquêtes ouvertes dans l’affaire dite du marché des équipements militaires et l’achat de l’avion présidentiel sous le premier mandat d’Ibrahim Boubacar Keita. En sa qualité de ministre de la Défense au moment des faits, son nom vient en première ligne dans cette affaire, à laquelle d’autres personnalités du régime d’IBK seraient impliquées. Des irrégularités financières signalées par le Bureau du Vérificateur Général notamment dans l’achat des équipements militaires à nos FAMAs. Des scandales financiers qui ont paralysé l’Etat et favorisé le chute du régime d’IBK. Ces dossiers de détournements de fonds publics présentaient certaines complexités puis que des anciens ministres sont impliqués. Et dans la loi malienne, seule la Haute cour de justice a la vocation de juger des anciens ministres. Lors de son passage sur le plateau du Renouveau TV, Soumeylou Boubeye Maiga avait déclaré que l’affaire dite « l’achat de l’avion présidentiel et des équipements militaires » était close et classée sans suite par la Cour suprême sur ordonnance de l’ancien Président Ibrahim Boubacar Keita. Ce qui poussa le Procureur Général près de la Cour suprême, Mamoudou Timbo à se présenter devant les écrans de l’ORTM pour déclarer que le dossier sur l’achat de l’avion présidentiel et des équipements militaires n’est pas classé et que les enquêtes sont en cours.
Réactions discordantes au sein du corps des magistrats :
L’arrestation de l’ancien Premier ministre par la Cour suprême, a provoqué une discorde entre les juges. Si les uns pensent que cette Cour peut s’auto saisir d’une telle affaire, en revanche d’autres pensent le contraire. Pour ces derniers, au vu de la Constitution et les règles judiciaires la Cour suprême n’a aucun droit de s’impliquer dans une telle affaire et que seule Haute Cour de Justice en a vocation. C’est dans ce contexte que deux regroupements de magistrats, en l’occurrence l’association malienne des Procureurs et poursuivants (AMPP) et la référence syndicale des magistrats (REFSYMA), ont dans une déclaration dénoncé cette arrestation qu’ils qualifient de l’« auto saisine irrégulière » de la Cour suprême. Pour ces deux regroupements, si on se fonde sur la Constitution qui a refusé aux membres du Conseil National de la Transition(CNT) la qualité de député, seule donnant pouvoir de statuer sur des questions de mise en accusation des personnalités justiciables par la Haute Cour de Justice, cette décision de la Cour suprême est illégale en ce sens que seuls les députés pourraient voter une motion de censure afin d’envoyer un ancien ministre devant la Haute Cour de Justice. S’opposant à la déclaration de l’AMPP et du REFSYMA, le Syndicat autonome de la magistrature(SAM) et le Syndicat libre de la magistrature (SYLIMA) défendent la Cour suprême dans cette affaire de détournements de fonds publics et condamnent les attaques multiformes et gratuites contre la Cour suprême. Au regard de ces chevauchements entre les différents corps de la magistrature, on constate que la justice malienne a besoin des reformes afin que les juges puisent s’entendre sur de nombreuses décisions judiciaires telles que celle de cette affaire.
Le parti de l’ASMA- CFP parle d’un règlement de comptes politiques :
Suite à l’arrestation de son président par la Cour suprême, le parti ASMA (Alliance pour la solidarité au Mali ), a fait une déclaration le jeudi 26 aout 2021. Dans laquelle il exprime son soutien indéfectible et solidarité à son président. Pour le parti ASMA, ce dossier après les enquêtes avait été classé sans suite par le Parquet près le Tribunal de Grande Instance de la Commune 3 du District de Bamako, chargé du pôle économique et financier de Bamako. Il condamne l’action d’auto saisine de la Cour suprême. Et déclare que cette arrestation n’est que politique. « Mais n’en est toutefois pas surpris et le prévoyait d’ailleurs depuis les prises de position du Président du parti sur des sujets politiques, ce, compris le respect de la durée de la Transition ».
Sans tomber dans ces déclarations de soutien et de guerres intestines, il sied de revoir les conditions d’incarcérations de l’ancien Premier ministre, Soumeylou Boubèye Maïga. Cela, pour lui trouver un autre cadre de détention, différent de la Maison d’arrêt de Bamako-Coura, où se côtoient tous les petits et grands délinquants du pays.
De nombreux observateurs sont convaincus que la transition ne se privera pas de faire cette concession au nom de la clémence et la solidarité qui caractérisent les relations dans notre pays.
Adama Tounkara LE SURSAUT
Source: LE COMBA