La Communauté économiques des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) devrait accompagner le Mali à se doter d’une nouvelle fondation. Elle doit guider les réformes proposées dans la feuille de route pour des élections donnant du sens à la démocratie.
Aujourd’hui le 15 septembre, les dirigeants de la Communautés économiques des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) se réunissent à nouveau pour discuter de la situation au Mali, après le coup d’État du 18 août. Cette fois-ci, ce sera en présence des représentants du Comité national pour le salut du peuple (CNSP). Les sanctions imposées au Mali par l’organisation sous-régionale après le coup d’État et l’architecture de la transition seront au cœur des discussions.
Les conséquences d’un bras de fer entre la Cedeao et le CNSP se feront sentir au-delà des frontières du Mali. Le monde regarde, car c’est un moment de vérité : quel est l’engagement de la Cedeao au sujet de la démocratie ?
Échec collectif
Si la communauté internationale prétend soutenir les valeurs démocratiques, sa position doit être conforme aux intérêts du peuple malien. Soyons d’accord que punir le peuple malien avec des sanctions économiques ne l’est pas.
Soyons d’accord aussi que dans une démocratie, les coups d’État n’ont pas lieu d’être. Toujours est-il que le coup d’État au Mali est un échec collectif du personnel politique malien et de la communauté internationale, qui n’ont pas réussi à sauvegarder les principes démocratiques.
Au fil des ans, le plus petit dénominateur commun de la politique au Mali est devenu un ensemble de stratégies de redistribution du pouvoir et des richesses, et d’atténuation de la «capacité de nuisance» des autres au sein du champ politique. Elle n’est guère encore un instrument de développement ou d’intérêt général. Se précipiter vers les élections, comme si cela changerait la donne par magie, n’est pas seulement inutile mais également dangereux. Cela a été le cas en 2012, et a conduit aujourd’hui à « une sortie de route ».
La démocratie va au-delà des élections
Les élections sont essentielles pour la démocratie, mais loin d’en garantir la qualité. Pour que les élections jouent leur rôle, elles doivent être de véritables instruments de représentation et d’orientation politique. Ces dernières années, cependant, l’insécurité, les graves soupçons de fraude et la manipulation des résultats ont gravement sapé la crédibilité des élections aux yeux des Maliens.
Mais il y a autre chose, même si on en parle moins, à savoir que les élections sous-entendent des programmes politiques. L’étude de l’Institut néerlandais pour la démocratie multipartite (NIMD) sur le coût des campagnes électorales a montré que la politique au Mali tourne fortement autour de l’argent. Lorsque l’argent remplace les programmes politiques, la représentation en souffre. Compter sur l’électorat pour élire des représentants crédibles, malgré la fraude électorale et l’achat de consciences à grande échelle, semble inefficace en tant que stratégie.
Il est important de se rappeler que la démocratie n’est pas une fin en soi. Il s’agit de placer le développement et les services de base au cœur de la gouvernance, et non servir les intérêts d’une élite politique et économique. Aujourd’hui, les voix sont concordantes : l’extrémisme violent, les conflits locaux et les migrations ont été favorisés par la mauvaise gouvernance.
Concertations
Effectivement, les concertations qui ont eu lieu au Mali ces derniers jours montrent qu’il existe un large consensus sur le fait que la transition devrait être plus qu’une course aux élections. Cette période de transition est l’occasion de s’attaquer aux causes profondes des coups d’État et des soulèvements populaires à répétition.
La charte et la feuille de route, issues des concertations, sont donc très précises sur les missions et la moralité des membres des organes de transition. Contrairement à l’accord-cadre de 2012, cette fois-ci la question principale n’est pas de savoir comment aller vite aux élections. Elle doit être plutôt : que faire pour que les Maliens retournent aux urnes avec la confiance que leur voix compte? C’est ainsi qu’on pourrait faire en sorte qu’il n’y ait plus de coup d’État.
Établir le programme de réforme démocratique
Concentrons-nous sur cette feuille de route qui aidera le Mali sur la voie d’une démocratie fonctionnelle répondant réellement aux besoins de la population, à ses frustrations et ses déceptions.
Faisons bon usage du Protocole additionnel de la Cedeao sur la démocratie et la bonne gouvernance, non pas pour soutenir des chefs d’État quand leur légitimité est mise en question. Encore moins pour sanctionner une population qui souffre déjà d’une crise multidimensionnelle. Utilisons-le plutôt pour guider les réformes proposées dans la feuille de route pour des élections crédibles et pour un meilleur équilibre institutionnel.
Et, comme nous sommes en pleine crise de représentation, acceptons que cette charte ne puisse jamais faire l’unanimité en si peu de temps, mais le consensus est suffisamment large pour pouvoir avancer. Parce que le pays souffre de l’embargo. Par contre, restons à l’écoute de cette population, qui s’exprime en ligne à travers le hashtag #MaTransition et #MonNouveauMali. Profitons de cette opportunité qu’offre la transition pour permettre aux Maliens d’élaborer, de manière participative, les réformes et des orientations politiques pour la période postélectorale.
Les yeux braqués sur la Cedeao
Ne l’oublions pas : le monde n’a jamais été aussi interconnecté, l’information n’a jamais été aussi facile à obtenir. Les citoyens d’autres pays d’Afrique de l’Ouest regardent ce qui se passe au Mali. Ce serait une erreur stratégique de la Cedeao de continuer à s’appuyer sur les «principes démocratiques et républicains» dans le seul but de défendre un statu quo, quand de larges pans de la société malienne voient leur démocratie comme défaillante. Cette démarche ne servirait qu’à discréditer la communauté internationale, ses conventions et la démocratie.
Alors, au lieu d’étayer désespérément un château de cartes, la Cedeao devrait accompagner le Mali à se doter d’une nouvelle fondation et, de ce fait, d’une nouvelle vie.
Mirjam Tjassing est directrice régionale pour le Sahel de l’Institut néerlandais pour la démocratie multipartite (NIMD)
Source : Benbere