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Tiéman Hubert Coulibaly : “les problèmes du Mali ne sont pas techniques, c’est politique”

Invité de Renouveau TV, l’ancien chef de la diplomatie malienne et président de l’Union pour la démocratie et le développement (UDD), Tiéman Hubert Coulibaly, s’est prêté aux questions des journalistes. De l’actualité aux questions d’intérêt national, le président de la plateforme ARP a donné toute sa part de vérité.

Renouveau TV : À l’heure actuelle du bilan, est-ce que vous êtes fier de la gouvernance actuelle ?

Tiéman Hubert Coulibaly : Vous êtes déjà au bilan. Pourtant, il reste encore trois ans de mandat, il est plutôt possible de faire des analyses sectorielles pour savoir si les objectifs ont été atteints dans certains domaines. Alors, je peux vous dire que lors du premier quinquennat, il y a certains objectifs économiques assez importants qui ont été atteints en termes de production agricole ; il y a des objectifs techniques qui ont été atteints en termes d’amélioration de la gestion et de la pratique des finances publiques. Des objectifs institutionnels engagés ont occasionné un certain nombre de difficultés parce que simplement le contexte politique dans notre pays est encore difficile. Mais, à l’issue du premier mandat du président IBK, nous avons pu enregistrer en termes de résultats économiques un certain nombre de résultats dont nous pouvons être fiers. L’objectif principal est le retour de la paix, la restauration de l’unité de notre pays.

Nous avons pu préserver son intégrité territoriale, nous avons obtenu la signature d’un accord pour la paix et la réconciliation qui a permis aux Maliens de se parler dans un premier temps avec des facilitateurs puis de manière directe, sans intermédiaires. Aujourd’hui, la paix n’est pas totalement revenue, on a vu la rechute dans le centre du pays, aussi un certain nombre de phénomènes sociaux se développer en raison du contexte d’insécurité, de déstabilisation qui a gagné un certain nombre de régions du centre. En somme, nous ne sommes pas encore à l’heure du bilan.

Quand vous marchez, avez-vous la tête haute en disant que j’ai participé à la constitution de ce bilan positif ? Ou vous rasez le mur ?

Encore une fois, je vous rappelle que nous ne sommes pas à l’heure du bilan et nous ne rasons pas le mur. Nous avons conscience des difficultés.

Vous dites qu’en termes d’intégrité territoriale, il y a des acquis. Pourtant, je ne vois pas trop ces acquis auxquels vous faites référence car il y a encore une très grande partie du pays qui reste encore entre les mains d’anciens rebelles comme on les appelle, ensuite les représentations de l’Etat qui y sont ne sont que fictives…

C’est votre point de vue si vous estimez que l’Etat est fictif dans ces endroits-là. Ce que j’observe c’est qu’en la faveur d’une mobilisation intérieure en 2012 et de toute l’aide qui nous été apportée par nos partenaires, à commencer par la CEDEAO, l’Union africaine, l’ONU, un certain nombre de dispositions internationales ont été prises afin de protéger le Mali dans ses frontières. Ceux-là qui avaient pris les armes avaient pour but la création d’un Etat, pourtant aujourd’hui, le Mali existe toujours dans ses frontières. Ceci étant, la déstabilisation a été apportée sur notre territoire. L’ennemi est sur notre territoire.

Que pouvez-vous nous dire de la situation de Kidal ?

Qu’entendez-vous par la situation de Kidal ?

Est-ce que l’administration, l’Etat est de retour véritablement à Kidal ?

L’Etat est de retour à Kidal, les représentations de l’Etat y sont. Il y a une partie de l’armée qui s’y trouve et aussi des démembrements techniques de l’Etat y sont. Quand on parle de processus de paix, en une nuit, nous ne pouvons pas changer les paramètres intégraux d’une situation qui a atteint le niveau de gravité que nous savons. Ainsi, on peut dire que l’Etat est de retour à Kidal même si ce retour ne comble pas totalement les Maliens.

La décision de maintien des élections législatives, si vous étiez à la place du président de la République, qu’auriez-vous fait ?

Pour commencer, je ne me mettrai pas à la place du président de la République car il est bien à sa place et je suis bien à la mienne. La décision de tenir les élections a été soutenue par l’ensemble de la classe politique du pays. Je crois, à l’exception du CNID et du MPR, si ma mémoire est bonne.

Est-ce qu’il n’y a pas lieu de ressentir un bémol à ce niveau car la responsabilité de la santé du peuple malien n’incombe pas à la classe politique mais au président de la République…

Vous m’avez posé la question à savoir si j’étais président ce que j’aurais fait alors ne parlons pas de la santé du peuple. En dépit du COVID 19, on a décidé de maintenir les élections parce que la stabilité du Mali en dépendait. Dans notre situation, il faut savoir qu’un vide au niveau de l’Assemblée nationale nous préparait à des chocs que vous n’imaginez même pas.

Après deux ans de report, il fallait se hâter à régler ce problème-là. La théorie qui consiste à vouloir établir un lien entre la propagation de l’élection et la tenue des élections ne repose sur aucune base scientifique. Est-ce que nous pouvons prendre le taux de malades déclarés au Mali et dans un autre pays ayant une population similaire à celle du Mali où il n’y a pas eu d’élection. Vous pouvez comparer, personne ne peut scientifiquement dire que la tenue des élections a été un facteur accélérant de l’épidémie.

Dans le contexte sécuritaire que nous connaissons, pensez-vous qu’il fallait organiser ces élections ?

Soumaïla Cissé que Dieu nous le ramène en bonne santé, est président de l’URD, qui est un parti ayant participé aux élections. Alors, pourquoi vous me faites un procès d’avoir participé tandis que malgré sa détention, son propre parti a participé aux élections.

En termes de sécurité, nous sommes dans une descente aux enfers au Mali depuis le 23 mai 2006, le jour où ATT, en tournée à l’intérieur du pays, s’est adressé au peuple à partir de Diéma. Donc, c’est depuis là que notre descente aux enfers a commencé. Je suis un ancien ministre de l’administration territoriale, à l’époque, on m’a opposé ce même paramètre sécuritaire alors je leur ai dit que ce n’est pas parce qu’une partie du territoire est menacée que nous allons nous asseoir sur notre agenda républicain.

Donc, il faut organiser les élections là où on peut les faire. Ce n’est pas parce que nous sommes en difficulté qu’il faut mettre la République entre parenthèses. En plus de l’insécurité militaire ou paramilitaire, s’ajouteront d’autres insécurités de type politique qui pourront être des ferments à des phénomènes qui deviendraient des adjuvants terribles à notre situation. Même la crise sanitaire aujourd’hui est une question de sécurité et même une question de défense nationale.

Est-ce que nous n’allons pas devoir vivre avec le COVID 19 ?

Ce n’est pas parce que nous sommes dans une situation d’insécurité aiguë qu’il va falloir prendre des décisions qui empêcheraient tel exercice du droit individuel ou un tel autre exercice du droit des droits collectifs ! Non, nous savons que sur tel aspect de notre vie nationale, nous avons des difficultés majeures. Il faut tenir compte de la difficulté, et c’est ce qui se passe. Quand vous voyez tous les jours des soldats maliens qui tombent, qui sautent sur des mines, des soldats de la Minusma qui meurent, c’est normal qu’il puisse y avoir des réactions.

Il y a une guerre qui est conduite contre cette insécurité-là. Et pendant que nous menons cette guerre-là, il faut faire tourner l’économie, il fut que l’école fonctionne, il faut faire tourner les structures de santé, il faut payer des salaires ; il faut faire des investissements pour combler notre déficit de production d’énergie ; il faut faire des routes pour que les Maliens puissent aller et venir là où c’est possible. Et vous savez, même en zone de guerre, il y a eu des investissements pour faire des routes comme la région de Tombouctou. L’attaque de Soumpi, où du matériel important a été détruit, je crois que c’était en 2017, j’étais ministre de l’Administration territoriale. C’est que le Mali et ses partenaires s’étaient engagés à construire une route là-bas malgré ce contexte-là. Alors, on ne peut pas nous dire que nous regardions ça comme des spectateurs.

Pour combien de temps pensez-vous qu’on continuera à vivre dans cette situation difficile ?

La guerre contre le terrorisme est longue, ce n’est pas une guerre conventionnelle. Une armée, on la construit, à ce qu’elle puisse faire face à un ennemi extérieur. Le soldat qui fait face à une présence terroriste dans son propre pays est souvent confronté à son frère entre guillemets. Donc psychologiquement, c’est une situation extrêmement difficile pour lui.

Entre les résultats proclamés par la Cour constitutionnelle et ceux de l’Administration territoriales, les contestations n’ont pas tari. Que pensez-vous de la crédibilité des résultats de ces élections législatives ?

Moi-même je fais partie des contestataires. J’ai contesté les résultats de Mopti, de Tenenkou ; j’aurais pu en contester d’autres mais je me suis abstenu parce que je n’avais pas tous les éléments. Pour le cas de Tenenkou et Mopti, j’ai fait des enquêtes et j’avais des éléments qui prouvaient que j’avais gagné. Les résultats qui ont été proclamés nous ont fait perdre trois sièges au parlement. L’UDD aurait eu à l’Assemblée nationale 7 députés, mais on m’a volé mes résultats.

Nous avons protesté, dès le premier tour, en disant à Mopti, Dialoubé, Soye, Koubaye, dans ces communes, il n’y a pas eu d’élection mais des voix ont été fabriquées. Au second tour, la même chose s’est produite, et ce sont 16.500 voix à peu près qui ont été fabriquées dans une complicité entre l’Administration et nos adversaires pour faire passer cette liste que nous avons battue. Nous les avons battus dans 91% des quartiers urbains de la commune de Mopti. Mais, malgré ça, nous avons perdu. Pareil pour Tenenkou où nous avons gagné avec 96 voix de différence et dans deux villages, un dans la commune de Sougoulbè, l’autre dans la commune de Dia. Donc, à Tenema et Diboye, 500 voix ont été artificiellement fabriquées pour faire gagner la liste adverse. Nous avons donc protesté, nous avons fait des recours mais le juge a réglé l’affaire. Donc aujourd’hui, nous avons dit à nos militants de ne pas s’inscrire dans des actions qui vont à l’encontre des lois de la République (la violence, la dégradation des biens publique), il faut arrêter tout cela.

Nous avons adressé un message clair à nos militants, en tout cas, tous ceux qui sont proches de nous pour leur faire savoir qu’il faut respecter les lois. Je suis heureux de vous dire que lors du premier tour, quand ils ont accompli leur forfait, les services judiciaires s’en sont saisis et il y a eu une condamnation de 3 ans de prisons fermes pour 2 individus qui avaient fait ça au premier tour. Mais malgré cela, au second tour, il y a eu pire.

Vous venez de dire que le juge constitutionnel a réglé la situation. Vraiment ?

Non, pas qu’il a réglé la situation, il a parlé. Après lui, nous n’avons plus de recours.

Donc il fallait prendre la rue !

Non, il ne faut jamais prendre la rue. Les Maliens m’entendent, je leur ai dit, mes chers frères maliens, voilà ce qui s’est passé. Et sachez-le, il ne faut plus que ça se répète alors comment faire pour que ça ne se répète plus ? Il faut réformer le mode de scrutin des élections des députés car il faut passer au scrutin proportionnel ; ensuite, il faut interroger le rôle et l’efficacité de l’administration dans la gestion des opérations électorales ; ensuite quand on a interrogé le rôle de l’administration, il faut aussi interroger l’efficacité et l’intégrité des procédures qui vont devant le juge constitutionnel afin que, pour l’avenir, nous puissions éviter ce genre de situation.

Vous ne pensez pas que ça paraît un peu intrigant, paradoxal, qu’un ancien ministre conteste les résultats d’une élection au stade de la compilation ?

Être ministre ce n’est pas une nature mais plutôt une fonction. Mais républicain et démocrate, ça c’est une nature ! Alors, en 2016, souvenez-vous qu’en septembre 2016, comme certains de vos journaux l’avaient indiqué, j’ai quitté le ministère et je suis revenu au gouvernement en 2017, après l’appel que m’a adressé le Premier ministre Abdoulaye Idrissa Maïga, pour me confier le portefeuille de l’administration territoriale.

Quand vous êtes ancien ministre, si des choses qui ne sont pas bien se passent, votre dignité d’ancien ministre vous dicte de signaler ce qui ne se passe pas bien. Je suis un parti de la majorité, souvenez-vous-en ! D’autres partis de la majorité ont fait les mêmes reproches, donc c’est un phénomène qui touche tout le monde. Et faisons-en sorte que cela s’arrête. Et pour mettre fin à cela, il faut reformer ! Reformer le mode de scrutin, interroger encore une fois et engager une réforme sur la base des réponses que nous obtiendrons par rapport à la gestion des opérations électorales, et encore une fois, la prise en compte du contentieux électoral.

La bataille du perchoir a été rude entre les partisans de Diarassouba et ceux de Timbiné. Comment avez-vous suivi ces tractations pour la bataille du perchoir ?

Je n’ai pas suivi cette tractation parce que ce n’était pas mon problème.

 Étiez-vous étranger à ces débats ?

Oui, totalement ! Je suis président de l’UDD, membre de la majorité présidentielle, président de l’ARP (coalition de la majorité présidentielle). Mais c’était un débat entre des candidats de la formation politique qui a engrangé le plus de sièges à l’issue de l’élection, donc c’est un débat interne. Je savais que vous allez me poser cette question car l’élection de Moussa Timbiné fait beaucoup de bruits.

Mais, de grâce, ce président a été élu avec des voix des députés de son parti, des partis voisins, du parti cousin, du parti lointain, vous voulez que je continue ? Alors, c’est une affaire qui est terminée, maintenant, il faut que lui, élu de cette manière-là, puisse conférer à cette élection qui a les allures d’un plébiscite, tout le sens que ça comporte et faire son travail à la satisfaction du plus grand nombre qui l’aura élu. Donc, le RPM a tranché son débat, le parti a présenté son candidat, ainsi ceux qui étaient d’accord pour voter pour lui l’on fait et fin de l’histoire ! Celle qui commence maintenant est une législature qui est extrêmement importante pour le Mali.

Que pensez-vous de la personne du nouveau président de l’Assemblée nationale ?

C’est toujours mauvais de ramener les choses aux personnes mais comme vous insistez, Moussa Timbiné, est un cadre bien connu du RPM. Il était premier vice-président de l’Assemblée sortante, beaucoup semble l’oublier. Cela fait quand même un petit moment qu’il se trouve à l’Assemblée nationale. Il a juste franchi la marche suivante, donc pourquoi faire tout ce bruit autour cette histoire ?

Attendons de voir Moussa Timbiné à l’œuvre, arrêtons de le juger avant même qu’il s’asseye dans son fauteuil de président de l’Assemblée nationale. Il faut lui donner la chance d’exprimer le talent qu’il a. Nous avons de très bonnes relations, c’est un cadet qui me respecte beaucoup qu’aussi je respecte tout autant. Je suis convaincu qu’à travers les députés de l’UDD et ceux de l’ARP, nous entretiendrons des relations qui seront bénéfiques pour la République.

J’ai lu dans la manchette d’un journal que Moussa Timbiné est le dauphin, aussi une Assemblée doit être mise en place la même année que celle de l’élection du président de la République. Pourtant, celle-là a un retard de deux ans ; donc le mandat du président finira deux ans avant celui des députés. Alors, comment est-ce que ça va se passer ?

La constitution du Mali ne prévoit pas de dauphinat constitutionnel, ce qui est réservé en général aux monarchies. Mais il est prévu un mécanisme qui veut qu’en cas de vacance de président de la République, d’empêchement définitif, qu’il y ait un dispositif de reprise en main pour que puisse être organisée en quarante jours une nouvelle élection qui donnerait un nouveau président.

Aujourd’hui, les députés ont un mandat de cinq ans, le fait qu’il n’y ait pas de coïncidence entre le début du mandat du président de la République et celui des députés, en fait, ne concerne pas le président mais plutôt l’Assemblée parce que le prochain président peut dissoudre l’Assemblée nationale.

Comment l’UDD se positionne dans cette assemblée nationale ? On vous annonce du côté du MPM de Hady Niangadou

Le MPM est un parti membre de l’ARP, donc on ne m’annonce pas du côté de Hady Niangadou. Nous sommes ensemble, le MPM est membre de l’ARP. Forcément, il y aura un groupe parlementaire qui va réunir le MPM et l’UDD. Il y a un certain nombre de partis politiques dont les députés vont nous rejoindre. Si les informations qui me parviennent sont confirmées, nous disposerions d’un groupe d’à peu près 20 députés à l’Assemblée nationale.

Quelles pourraient être vos prétentions non seulement pour les futures instances parlementaires qui seront mises en place, mais aussi, pour ce qui est du nouveau gouvernement ?

J’ai donné des instructions pour les orientations assez claires à mes camarades qui sont à l’Assemblée nationale. C’est de faire en sorte de jouer un rôle important et se donner les moyens de jouer ce rôle important. Se battre pour obtenir des postes au sein de l’Assemblée nationale non seulement dans le bureau, mais aussi les différentes fonctions.

Concernant le gouvernement, c’est l’affaire du président de la République. Le PR désigne son Premier ministre à qui il confie une mission de former un gouvernement. J’ai dit que dans le contexte actuel, il est nécessaire qu’un gouvernement d’union nationale soit envisagé. En plus, je le dis depuis 2018, les problèmes du Mali ne sont pas techniques, c’est politique. Donc il faut que le président se donne toutes les chances pour faire participer l’ensemble des forces politiques.

Est-ce que vous êtes preneur d’un gouvernement resserré ?

Oui, il faut resserrer le gouvernement ! Il faut éviter d’avoir un nombre trop élevé de ministres.

Transcrit par Ahmadou Kanta

Source: Sud Hebdo

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