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Tentative de coup d’État: où est la vérité ?

Au lendemain de sa décision de “se retirer de tous les organes et instances du G5-Sahel, y compris la Force conjointe”, le Mali annonce dans un communiqué rendu public ce lundi 16 mai 2022 avoir déjoué un coup d’État dans la nuit du 11 au 12 mai 2012. Selon le colonel Abdoulaye Maïga, ministre porte-parole du gouvernement qui rapporte l’information à la télévision nationale, cette tentative de putsch a été planifiée par un groupuscule d’officiers maliens antiprogressistes depuis un pays voisin avec l’implication d’un chef de l’État viscéralement contre notre pays et le soutien logistique d’une puissance connue. Parmi le groupuscule qui rame à contre-courant des aspirations légitimes des peuples du Mali et d’Afrique, un officier proche d’un des colonels et un général arrêtés ce mardi.

 

En attendant l’issue des enquêtes promises par les autorités de la Transition, on ne peut ne pas jeter un œil dans le rétroviseur pour passer en revue la longue série de coups et de contrecoup que le Malia connu en soixante ans d’indépendance : celui de 14 officiers subalternes du Comité militaire de libération nationale (CMLN), celui avorté de Diby Syllas Diarra, celui déjoué du 28 février de la «Bande des trois (Kissima, Karim, Tiécoro), celui du Conseil de réconciliation nationale (CRN) dirigé par le Lieutenant-colonel Amadou Toumani Touré (ATT), celui déjoué dit de Birus et de Diabira, celui du 22 mars de Kati dirigé par le capitaine Amadou Haya Sanogo, celui déjoué du 30 avril 2012 des bérets rouges massacrés par la suite par les bérets verts, celui de Kati du 18 août 2020 piloté par les 5 colonels avec à leur tête, Assimi Goïta, celui de la rectification du 24 mai 2021 dirigé par le même Colonel Assimi Goîta…
Comme on voit, entre les putschs et les contrecoups d’État, la bonne foi peut tanguer d’autant que les juntes militaires nous ont habitués, partout au monde, à des purges et des règlements de compte souvent saignants. Qu’à Dieu ne plaise !
Aussi, entre crédulité et scepticisme, certains observateurs évoquent le risible de la dénonciation d’un contre-putsch par des «doubles putschistes». Quelle serait la moralité d’une telle dénonciation ?
Le coup d’État étant par essence une atteinte à l’ordre constitutionnel. Une atteinte à l’atteinte contre l’ordre constitutionnelle, disent-ils, à l’ordre de la vertu et de la morale constitutionnelle et démocratique. L’argumentaire tiré de la légitimité démocratique, quoique charmant et entraînant, peine difficilement à trimbaler l’adhésion populaire qui voit depuis peu en la chose politique et démocratique un subterfuge pour flouer le peuple et contourner ses aspirations et attentes légitimes. « Démocratiquement », un mot qui n’a d’usage qu’en Afrique, le coup d’État est une abomination, inacceptable dans une gouvernance internationale qui se veut de plus en plus démocratique. Aussi, est-ce condamné et condamnable sous tous les cieux. Toutefois, la même communauté internationale fait de plus en plus un distinguo entre les différentes entorses à l’ordre constitutionnel. Certains sont qualifiés d’inévitables, voire de bons (qu’on condamne du bout des lèvres et d’autres de mauvais d’inacceptables (qu’on s’en presse de condamner urbi et orbi).
L’élasticité de la position suspicieuse de la Communauté internationale envers certains et pas d’autres bat l’argumentaire en brèche. En effet, ceux qui dénoncent l’illégalité du régime des «doubles colonels putschistes de Bamako» (la France par exemple) ont été les premiers à applaudir à travers leurs plus hautes autorités le coup d’État du 18 août 2020.
Le président français, Emmanuel Macron, parrain du G5-Sahel, en marge du Sommet de N’Djamena élargi aux partenaires tenu le 16 février 2021, disait, pour rappel à propos de ceux qu’il appellera par la suite «enfants issus de deux coups d’État » : «les autorités de la Transition malienne (NDLR : pas les putschistes) sont désormais alignées sur les trois axes fondamentaux sur lesquels nous les attendons. J’ai pu l’apprécier lors de la visite à Paris du président N’Daw. La feuille de route de la CEDEAO pour la tenue des élections dans un délai de 18 mois, la feuille de route de Pau, en matière de lutte contre le terrorisme, tous les engagements pris pour les FAMa ont été tenus par les autorités de Transition…Je le dis ici avec beaucoup de clarté. Et la relance de la mise en œuvre de l’Accord d’Alger comme en atteste la tenue symbolique du Comité de Suivi à Kidal le 11 février 2021, était l’engagement qui avait été pris par le président de la Transition à mon égard, qui a été scrupuleusement tenu. Je pense que ce réengagement des autorités politiques, en particulier dans la région de Kidal, oh combien sensible, est extrêmement fort…En quelques mois, je dois bien dire que ces autorités de transition ont donné plus de gages que les autorités précédentes en trois ans ».
Ça ne s’appelle pas ça faire une fleure à une junte militaire qui vient renverser un régime démocratiquement élu qu’on s’est empressé de féliciter avant même les résultats de la cour constitutionnelle, mais faire une apologie de l’ordre kaki.
Autre temps, autres mœurs. Le même Emmanuel Macron, six mois plus tard, le 30 septembre 2021, lors de la clôture de saison Africa 2020 à l’Élysée, se trompant d’époque et d’analyse pense que la France est au Mali à la demande des Maliens. Comme s’il ignore que les autorités qui ont demandé l’aide à la France n’avaient pas de déficit de légitimité et n’avaient pas été flouées par la France. « Sans la France, le Mali serait dans les mains des terroristes» ? Peut-être. Qu’à cela ne tienne, du haut de sa condescendance, Macron dicte ses desiderata à ceux qu’il appelle désormais « dirigeants de la junte » : «qu’ils respectent leurs engagements : qu’en février il y ait des élections, qu’ils arrêtent de mettre en prison les opposants politiques, qu’ils fassent leur travail, c’est-à-dire le retour de l’État, ce qu’ils ne font pas depuis des mois». Or le même Macron disait le 16 février que «tous les engagements pris pour les FAMa ont été tenus par les autorités de Transition… En quelques mois, je dois bien dire que ces autorités de transition ont donné plus de gages que les autorités précédentes en trois ans » !
Mais voilà du verdict du Roi Macron qui change de langage comme une fille de joie, le gouvernement du Mali «n’est même pas un gouvernement». Pensant connaitre les Maliens plus que les Maliens eux-mêmes, Macron multiplie par zéro la relation entre le gouvernement et le peuple : « la légitimité du gouvernement actuel», issu de deux coups d’État depuis 2020, était «démocratiquement nulle ».
C’est quoi la légitimité ? La perception de Macron, pardon de la communauté internationale sur un régime ou l’affection du peuple, la conformité à un principe supérieur qui dans une société et à un moment donné est considéré comme juste ? Il est sûr qu’on ne peut trancher la question suivant l’avis changeant de Macron en fonction de ses intérêts ou de la soumission des dirigeants africains à son égard.
Dès lors, ce n’est pas parce qu’un régime légitime, fusse-il issu d’un quadruple coup d’État, qu’il faut le renverser ou applaudir à une tentative consistant à le renverser. Faut-il renverser tous les régimes illégitimes sur la planète pour satisfaire à l’appétit démocratique de certains ? N’y a-t-il que les seuls régimes issus de coups d’État qui soient illégitimes ?
En attendant la fin de cette guerre informationnelle entre le Mali et la France, ou guerre froide entre la France et la Russie, beaucoup gagneraient à être clairvoyants.

Par Abdoulaye OUATTARA

Source : Info-Matin

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