«Le système électoral malien souffre de nombreuses vulnérabilités qui peuvent être exploitées par des acteurs malveillants pour créer des nouvelles instabilités politiques». Tel est le principal constat qui ressort du rapport dit «Evaluation de l’intégrité électorale au Mali» de la Fondation internationale pour les systèmes électoraux (IFES). Un document partagé avec les médias le jeudi dernier (5 août 2021) à l’hôtel de l’Amitié de Bamako. Ce rapport fait ressortir des zones de vulnérabilité sur l’ensemble du système électoral malien tout en ébauchant des recommandations.
«Il urge donc de s’attaquer à ces vulnérabilités (du système électoral malien) notamment au niveau constitutionnel» ! Telle est l’une des principales recommandations de la Fondation internationale pour les systèmes électoraux (IFES) dans le rapport dit «Evaluation de l’intégrité électorale au Mali». Dans son rapport d’une vingtaine de pages, l’IFES indique que l’intégrité électorale malienne souffre de plusieurs vulnérabilités susceptibles de créer de nouveaux désordres politiques.
D’où l’urgence de s’attaquer à ces vulnérabilités pour prévenir un chaos politique lors des prochaines échéances électorales. «Comme en 2018 et 2020, des acteurs malveillants pourraient à nouveau exploiter les vulnérabilités résiduelles à leur avantage. Ce risque souligne l’urgence de s’attaquer aux vulnérabilités du Mali notamment au niveau constitutionnel», a indiqué le document. Dans son rapport, l’IFES a identifié 14 vulnérabilités prioritaires (VP) dont la structure de la gestion électorale (VP 1), le cadre et calendrier électoraux (VP 2), la réforme de la loi électorale (VP 7), la sécurité des élections ou encore la résolution des litiges électoraux.
Ces insuffisances en matière d’intégrité électorale au Mali découlent de trois distinctions que sont la manipulation systématique, la mauvaise administration et la fraude. «Les parties prenantes, les candidats perdants ont tendance à mal interpréter ces irrégularités involontaires de fraudes ou de manipulation systématique», explique le rapport. La division asymétrique des fonctions liées aux élections entre les institutions et l’absence de séparation des pouvoirs génèrent des vulnérabilités importantes en matière de mauvaise administration tout comme l’absence de dispositions et d’institutions pour le contrôle des dépenses des partis politiques, selon ce document.
L’absence de cadre contraignant pour le calendrier électoral et pour la création des nouvelles institutions indépendantes constituent aussi des risques dont le dérapage peut retarder le retour à l’ordre constitutionnel et entraîner l’imposition des calendriers de transition pour des impératifs politiques sans tenir compte des besoins opérationnels pour la mise en œuvre d’élections inclusives.
Une batterie de recommandations pour pallier les vulnérabilités
La réforme de la loi électorale et la résolution des litiges électoraux constituent aussi des difficultés qui rendent vulnérable l’intégrité électorale de notre pays. «Le Mali ne dispose toujours pas d’un mécanisme efficace pour la réforme de la loi électorale et certaines lacunes du cadre juridique sont probablement dues à un manque de volonté politique pour une meilleure gouvernance et s’apparente à une manipulation systématique», déplore le rapport de l’IFES. Cette organisation poursuit en rappelant que «les dispositions de résolution des litiges électoraux du Mali ne permettent pas un arbitrage efficace, accessible transparent et rapide des griefs».
Pour pallier toutes ces difficultés qui entravent l’intégrité électorale au Mali, la Fondation internationale pour les systèmes électoraux formule plusieurs recommandations réparties entres les 14 vulnérabilités prioritaires. Pour éviter des problèmes politiques à l’avenir l’IFES (International foundation for electoral systems) recommande de veiller à ce que les organes nouvellement consacrés dans la constitution soient par exemple conçus de manière à préserver leur indépendance fonctionnelle, de transposer dans la constitution le principe reflété dans l’article 2.1 du protocole de la Cédéao sur la démocratie. Celui-ci interdit les amendements de la loi électorale moins de six mois avant les élections. Le rapport recommande aussi d’inscrire le calendrier électoral à la fois dans la Charte de la transition et dans les dispositions transitoires de la nouvelle constitution afin de garantir le rétablissement en temps opportun de l’ordre constitutionnel et du gouvernement démocratique après l’adoption de la constitution.
Le rapport de l’IFES recommande également d’achever le découpage administratif dans le nord à temps pour préparer une carte des bureaux de vote pour les élections locales et permettre aux partis politiques et aux candidats de préparer les campagnes électorales locales, de sensibiliser les parties prenantes aux conséquences involontaires potentielles d’un choix tardif du système électoral.
Pour aussi accompagner le Mali, l’IFES développe une initiative dénommée «Projet de transformation électorale du Mali» financé par l’USAID et mis en œuvre par l’IFES. Elle vise, entre autres, l’amélioration de la capacité, l’intégrité et la transparence du système électoral tout en renforçant l’inclusivité et les résultats. A noter que l’IFES est une organisation internationale indépendante basée aux Etats-Unis. Non partisane, elle travaille dans plus de 145 pays à travers le monde. Son expertise concerne les questions électorales et de réforme politique et institutionnelle.
Oumar Alpha
Source: Le Matin