Le Mali est confronté ces dernières années à un phénomène de plus en plus inquiétant. On n’en parlait dans le passé que si rarement, mais il est devenu de nos jour le quotidien des conjoints. Il s’agit du divorce. Le nombre de cas divorce est en augmentation si exponentielle d’années en années qu’on est en droit l’assimiler à un phénomène de mode.
Selon la définition universellement admise, le mariage est l’union entre deux personnes (homme et femme). Mais, dans la conception traditionnelle malienne, le mariage va au-delà de cette perception car elle se caractérise avant tout par l’union de familles, de communautés, de régions, etc. Viennent ensuite les mariés, dont la vie en couple peine de plus en plus à s’inscrire dans la durée. Le divorce connait ainsi une montée si spectaculaire qu’on se demande s’il n’est pas devenu la mode. Le divorce est la rupture officielle d’un mariage civil ou religieux liant deux personnes (homme et personne). Jadis avec le poids de la religion et de la coutume, le phénomène était beaucoup moins fréquent au Mali et était même considéré comme un sacrilège. Mais avec les jeunes couples, les cas de divorce sont devenus se ramassent désormais à la pelle et les unions atteignent à peine une année de vie commune. Ils se dénouent au rythme de la précipitamment avec laquelle ils sont noués par des conjoints qui abrègent au maximum le temps nécessaire pour la connaissance mutuelle. D’autres se lancent dans l’aventure sans être psychologiquement préparés à ses implications en termes d’exigences et de devoirs. Et, une fois dans le foyer, le changement radical de la vie et les dures réalités du nouveau statut matrimonial les contraignent souvent à un autre regard.
De nombreuses recherches s’accordent ainsi vers une amplification du phénomène des ruptures précoces au Mali. Rien que pour l’année 2017, le nombre de divorces enregistrés était de 126 286, dont la majorité des cas est à la demande des femmes sur toute l’étendue du pays.
Les causes de ces divorces sont nombreuses et varient d’une localité à une autre. Dans toutes les localités des injures graves sont présentes dans 100% des cas de divorces. Dans les communes de Bamako, les coups et blessures et l’adultère sont en majorité la cause de divorce. On y dénombre aussi l’alcoolisme, la drogue, l’insuffisance ou refus de contribution aux dépenses, le non-paiement de la dot à la date prévue, la mésentente avec la belle famille, l’impossibilité du conjoint de satisfaire les obligations maritales ou la polygamie comme causes de divorce.
Pour en savoir un peu plus sur la question, nous avons recueilli les avis et témoignages des citoyens. Mlle SD (elle a requis l’anonymat) explique : «On sortait ensemble avant qu’il ne parte. Une fois en Europe, on a scellé le mariage. J’avais de bons rapports avec mon époux. Mon problème c’était les membres de ma belle-famille, surtout ma belle-mère. Elle était insupportable et me rendait la vie difficile. Je n’ai pas pu supporter cette situation». De son côté Mlle BC confie qu’au départ tout se passait très bien dans son couple avant qu’une incompréhension ne survienne avec le temps et l’infidélité que son mari lui cachait à peine. «J’ai donc décidé de rompre avec lui», s’est-elle justifiée. Quant à MD, enseignant de son état divorce en moins d’une année de mariage d’avec une connaissance rencontrée nous sur Facebook, il fait partie des grandes victimes de la précipitation en la matière. «Nous avons commencé à échanger, à discuter et avons décidé de nous marier mais elle s’est révélée très loin celle que j’avais crue et m’en a fait de toutes les couleurs. Les séparations sont en effet très régulières et fréquentes entre couples tissés à partir des réseaux et finissent et qui rencontrent plus de désillusions que d’attentes comblées.
Nous avons aussi recueilli l’expertise et conseils pertinents d’une vielle maman du quartier de Doumanzana. «Les jeunes filles, de nos jours, ne savent pas gérer un ménage. Elles ne connaissent même pas le sens du mariage. Pourtant, elles ont des avantages que nous, leurs mères, n’avions pas à notre époque. Mais nos mariages ont duré grâce à notre capacité à se soumettre, à notre endurance et à notre patience. Il faut qu’elles incarnent ces valeurs ancestrales pour mener à bien leur mariage et avoir une bonne progéniture», a expliqué notre interlocutrice.
Difficile d’évoquer par ailleurs divorce sans référence aux coutumes, à la religion ainsi qu’aux exégètes des textes sacrés.
Selon la religion musulmane, le mariage représente à la fois la consécration divine et un contrat civil entre un homme et une femme. Le divorce n’est ainsi pas un tabou et est autorisé en cas de problèmes insolubles dans un couple. Il est néanmoins assujetti à une procédure et n’est pas prononcé qu’après épuisement de tous les recours et tentatives de réconciliation possibles.
Du côté des chrétiens catholiques, le mariage à l’église n’est pas un simple contrat; il crée un lien sacré entre les époux engagés pour tout la vie. L’église est ainsi opposé au divorce sur la base d’une parole d’Evangile selon laquelle «l’homme ne peut séparer ce que Dieu a uni». Autrement dit, les liens du mariage ne peuvent être rompus. Et s’il arrive que le divorce intervient, le divorcé n’est plus admis nouer un autre mariage religieux à l’église d’autant qu’il est impossible de rompre les liens sacrés du mariage pour en célébrer un deuxième.
Selon Mamane Diabaté, griot et gardien des coutumes, la fondation d’un foyer solide repose surtout sur la nature des partenaires et leurs convenances l’un à l’autre. Et d’expliquer qu’il y’avait autrefois moins de divorces au Mali parce que les gens se choisissaient comme maris et femmes en fonction de la réputation morale de leurs familles respectives et suite à certaines investigations préalablement menées : «Dans les temps anciens, ce sont deux familles qui se mariaient à travers le mariage de leur fille et fils. L’implication des deux familles dans l’union faisait ainsi régner une sorte de pression morale sur le couple qui devait s’atteler à toujours maintenir l’équilibre au sein du foyer. Mais de nos jours, de nombreux foyers sont vulnérables et peuvent se disloquer à tout moment parce que n’ayant pas été bâtis sur des critères sains».
Or de l’abondance des divorces découle la taille de ses multiples conséquences sociales dont le traumatisme des enfants et l’équilibre éducatif des enfants issues des couples séparés.
Aly Poudiougo
Source: Le Témoin