Le coup d’État du 26 juillet 2023 qui a renversé le président nigérien Mohamed Bazoum est-il une atteinte à l’ordre constitutionnel de trop dans la sous-région où ce sont les sanctions infligées à la hussarde par la CEDEAO contre le Niger (les auteurs du coup d’État, mais en vérité contre l’économie, les finances, la production, la population) qui draine les tsunamis de solidarité à travers le continent ?
Il faut dire que le coup de force du Général Abdrahmane Tchiani et de ses hommes contre le protégé de l’Occident a provoqué une vive et prompte réaction compréhensive en raison de sa soudaineté, mais aussi à la vérité en raison de surprise.
A moins de jouer à Bazoum une Comédie, de mauvais goût, Paris et Washington, étaient sur dents : elles n’étaient pas dans le coup, comme on dit. Toute chose qui constitue une humiliation pour les superpuissances militaires et de renseignements qu’elles prétendent être. Dès lors, comme le laisse fuiter un diplomate français, «le président peut multiplier les déclarations martiales, en réalité, nos services de renseignement ont été incapables de prévoir le coup d’État et la France n’a pas les moyens de ses ambitions en Afrique». Aussi, faudrait comprendre comment les 1500 soldats français et les 1100 soldats américains n’ont pu rien faire pour protéger et sauver Bazoum.
C’est après ce coup, au propre comme au figuré, que la CEDEAO appuyée par l’Union africaine est appelée à monter au créneau pour extirper l’élu démocratiquement des griefs de ses ravisseurs ; ce qui élève le putsch au même rang que le terrorisme.
Gonflé à blanc, à la suite de leur conclave de ce dimanche 30 juillet 2023 à Abuja, les dirigeants africains, dont certains mal élus et mal installés, choisissent de faire dans le déni et dans la dysphonie. Au moment où l’Union africaine part du postulat du fait accompli en parlant de coup d’État, la très comique CEDEAO parle de «une tentative de renversement de l’ordre constitutionnel dans le pays (Niger) par des membres de la Garde présidentielle».
Dans une rhétorique mensongère, l’organisation sous régionale affirme sans honte que «la tentative de coup d’État et la détention illégale du Président Bazoum et des membres de sa famille et de son gouvernement ont fait l’objet d’une condamnation par les pays voisins» alors qu’à part l’Algérie, aucun des sept (7) pays voisins de Niger individuellement n’a condamné formellement le coup d’État du 26 juillet ; en tout cas pas à notre connaissance.
Si en estimant que Bazoum est l’otage de sa garde présidentielle et rejette toute forme de prétendue démission, en exigeant le «rétablissement (de Bazoum) dans ses fonctions de Président de la République (et) la restauration de l’ordre constitutionnel en République du Niger», la CEDEAO reconnait in fine le coup d’État qu’elle abhorre énoncer.
Pour ce faire, et parce qu’il y a eu coup d’État, la CEDEAO qui vit ses dernières heures, si elle ne prend garde, projette de lever une force, et par la force pour aller déloger le CNSP (Conseil national pour la sauvegarde de la patrie) afin de libérer Bazoum et le réinstaller dans ses fonctions comme on le voit dans les films sur Netflix. L’embargo contre le Niger, c’est l’embargo contre les populations déjà meurtries, contre toutes populations du Sahel.
Mais bon, en dépit du bon sens, puisqu’il faut exécuter les ordres (selon le général Christopher Gwabin Musa, chef d’État général du Nigéria), pardon les désirs des puissances étrangères qui échangent avec ces pions, la CEDEAO n’exclut pas d’intervenir militairement au Niger pour rétablir la légalité constitutionnelle et la légitimité d’un président élu démocratiquement. Mais la question est par qui ? Ceux qui le font sont-ils légitimes à le faire ? Oublions les réserves (et les menaces du trio sous la transition) qui sont-ils ces présidents ? Des gens élus suite à un coup d’État, des gens qui ont soutenu des coups d’État (dont Bazoum lui-même), des gens qui ont fait des coups d’État constitutionnels.
Pour la CEDEAO, comme pour Paris ou Washington, Bazoum vaut mieux que toutes les populations du Sahel. Parce que pour lui, on fait une intervention militaire en violation de toutes les règles, mais pour protéger les populations du terrorisme et du racisme sur le chemin de l’émigration, les peuples d’Afrique de l’Ouest et notamment la jeunesse ne peuvent compter sur la CEDEAO. On comprend dès lors la colère légitime des pays qui clairement conditionné leur maintien ou pas au sein de la CEDEAO à cette intervention laquelle la France et les États-Unis ne semblent pas renoncés et que le CEDEAO est obligée d’envisager.
Que serait la CEDEAO si les nations souverainistes et panafricanistes claquaient la porte ? Et quelle conséquence cela pourrait engendrer sur les autres peuples d’Afrique de l’Ouest en forte quête de liberté, de dignité et de souveraineté ? Faut-il préparer l’oraison funèbre de la CEDEAO ou sa réforme ?
Affaire à suivre
PAR MODIBO KONE
Info Matin