En Afrique de l’Ouest, il est « un maillon essentiel de la sécurité alimentaire ». Voici comment l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, la FAO, décrit le fonio. Une céréale cultivée dans la partie subsaharienne de la région depuis des millénaires. La plante est très tolérante à la sécheresse et a besoin de très peu d’eau. Une perspective intéressante après un été 2022 marqué par une importante sécheresse. Et « ce que nous vivons cette année préfigure ce qui va devenir une nouvelle norme », prévient l’hydrologue Agnès Ducharne, sous l’effet du changement climatique.
Le fonio, d’où ça vient ?
Après récolte et décorticage, le fonio ressemble à de la semoule et, une fois blanchi, à « un grain de riz minuscule », précise Jean-François Cruz, chercheur au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), auteur de l’ouvrage Le fonio, une céréale africaine.
Certains lui trouvent un goût de noisette, d’autres assurent qu’il est assez fade au naturel. Aujourd’hui le fonio devient tendance, surtout dans la cuisine de ceux qui prônent la nourriture saine.
Où en est la production ?
Le fonio a bien failli disparaître. Sa culture a diminué dans les années 1960-1980. Depuis les années 2000, elle connaît un regain d’intérêt. Grâce notamment à la mécanisation de la partie « décorticage », qui était jusque-là très pénible.
« Le fonio est une céréale “vêtue”, comme l’avoine et l’orge. Pour ne garder que l’amande, le fonio doit être décortiqué. Une tâche qui revenait souvent aux femmes, avec pilon et mortier. Comme c’est une opération pénible, petit à petit, la culture du fonio disparaissait », explique Jean-François Cruz. Avec le Cirad et des équipementiers de Bamako (Mali), il a participé à mettre au point un modèle de décortiqueuse.
Alors que pour décortiquer manuellement 1 kg de fonio il fallait une heure, désormais, pour le même temps, une machine spécialement conçue pour la taille de la céréale permet d’en décortiquer une centaine de kilos ! Depuis, le chercheur observe que les surfaces cultivées avec du fonio augmentent. « Les exportations contribuent à donner une nouvelle image de la céréale, indique Jean-François Cruz. Avant, elle était négligée, car considérée comme la culture du pauvre. Aujourd’hui, elle fait la fierté des paysans qui la cultivent. »
La production de 2015 en Afrique de l’Ouest (Guinée, Nigéria, Mali, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Niger, Sénégal, Bénin, Guinée-Bissau), s’élevait à 620 000 tonnes pour 710 000 hectares cultivés.
Quel est l’intérêt de cette céréale ?
D’un point de vue agricole, le fonio est facile à cultiver. « Il pousse partout, sauf sur les terrains argileux. Mais il peut pousser où plus rien ne pousse, notamment sur des terres fatiguées », souligne le chercheur. La plante, très tolérante à la sécheresse, a besoin de très peu d’eau.
D’un point de vue nutritionnel, attention aux idées reçues : « On a tendance à trouver aux nouveaux produits toutes les qualités du monde. Or, le fonio n’est pas riche en fibres ni en protéines (à la différence du quinoa), comme on peut le lire parfois. En revanche, il est léger à consommer, possède les mêmes qualités nutritionnelles que le riz, mais est plus riche en acides aminés souffrés. »
La céréale emblématique de l’Afrique de l’Ouest se digère bien. Elle est notamment donnée aux femmes enceintes, aux enfants, aux vieillards ou aux personnes qui souffrent de surpoids.
Mais en Afrique, le fonio coûte deux à trois fois plus cher que le riz. Il est encore réservé à la consommation de la petite bourgeoisie locale. L’objectif en mécanisant sa transformation est d’en « réduire le coût, pour que plus de gens puissent en acheter », ajoute Jean-François Cruz.
Pourquoi le fonio est-il à la mode ?
En 2014, le quotidien britannique The Guardian voyait déjà le fonio voler la vedette au quinoa, chéri par ceux qui prônent la nourriture healthy. Et d’égrainer, avec un brin de sarcasme, les arguments en faveur du fonio : « Il est sans gluten et nutritif grâce à deux acides aminés, la cystine et la méthionine, ce qui fait de lui un bon ingrédient pour du faire du pain pour les diabétiques, ceux qui sont intolérants au gluten. C’est, en résumé, le nouveau grain parfait pour les yogis soucieux de leur régime alimentaire adeptes des jus détox. »
Trois ans après, Pierre Thiam, chef sénégalais reconnu à New York (États-Unis), donnait une conférence TedX, lors de Ted Global 2017 en Tanzanie pour vanter le fonio, la céréale du futur selon lui. C’est grâce à lui que la chaîne de magasins bio Whole Foods commercialise la céréale aux États-Unis.
Comment la cuisiner ?
La céréale exportée coûte assez cher. Elle reste un marché de niche, destinée aux magasins biologiques ou qui défendent une démarche équitable. Pour les gourmets, elle présente des avantages. C’est « une graine délicieuse et versatile qui peut s’adapter à tous styles de cuisine et se substituer à toute autre graine », assure Pierre Thiam, dans une interview au magazine National Geographic.
La méthode la plus simple pour préparer le fonio est de le passer à la vapeur. Mais il peut aussi être cuit à la casserole comme le riz. Habituellement cuisiné sous forme de couscous, ou de bouillies, comme un porridge, le fonio peut être un élément d’une salade, servir de farine pour des gâteaux, des beignets… Jean-François Cruz ajoute : « En Guinée, on en mange matin, midi et soir ! »
Source: ouest-france.fr