Nous sommes au domicile de Mamadou Bertrand Ndiaye à la veille de la finale de la 60e édition de la Coupe du Mali. Assis dans son salon autour d’une tablette garnie de jus, nous sommes invités à la partie de dégustation en guise de bienvenue. A la télé, se joue un match de basket-ball de la NBA. Comme de juste, l’homme reste attaché à la balle au panier, une discipline qu’il a éclaboussée de son talent dans notre pays à travers le Stade malien et l’équipe nationale. Mamadou Bertrand est l’aîné de l’autre icône du basket-ball, Penda Ndiaye dite Pinpin. Contrairement à sa cadette, qui est strictement Rouge (le Djoliba), Bertrand a passé toute sa carrière au Stade malien de Bamako. Il est l’un des éléments de la génération talentueuse des Blancs de Bamako, qui a fait dix ans au sommet du basket-ball malien, avec à la clé des coupes d’Afrique de clubs champions. Après sa retraite, en 1981, il devint membre de la Ligue du district et responsable de la section basket-ball de son ancien club. Dans la vie Mamadou Bertrand Ndiaye aime le sport, la musique et le bâtiment. Il déteste l’égoïsme et la rancune. Mamadou Bertrand Ndiaye est marié et père de quatre enfants, dont deux filles. Cadre de l’urbanisme, il a pris congé de la fonction publique en 1986 pour créer son entreprise dénommée : Cabinet d’études techniques en construction d’architectures et urbanisme (Cetcau). Qui est ce grand basketteur des années 1970-1980 ? Comment il a forgé sa carrière ? L’enfant de Missira revient sur ses années de gloire du Stade malien masculin, dans le cadre de la rubrique “Que sont-ils devenus ?”
A l’entame de notre conversation, Mamadou Bertrand Ndiaye ouvre une brèche pour exprimer un coup de gueule et lancer un cri de cœur à l’endroit de son mentor : Amadou Daouda Sall, l’un des pionniers du basket-ball malien, pour avoir été formateur, entraîneur du Stade malien et des équipes nationales du Mali.
- Ndiaye s’offusque du fait qu’aucune initiative n’a été prise pour immortaliser le nom de Sall dans l’histoire du basket-ball malien. Or, dit-il, l’homme n’a œuvré que pour l’essor de cette discipline, et parfois dans des conditions difficiles de vie et de voyage.
Qui ne se rappelle de ses agissements chaque fois qu’il rencontrait l’ancien président Alpha Oumar Konaré ? s’interroge-t-il. Et de répondre : Sall demandait plus de moyens et de conditions au ministre de la Jeunesse et des Sports pour le basket-ball malien.
Pour poser de beaux actes, rien n’est tard, et dans l’espoir que cette injustice à l’égard de son ancien entraîneur, Mamadou Bertrand N’Diaye exhorte la Fédération malienne de basket-ball à faire une proposition au département des Sports, pour immortaliser Sall.
Autre fait qui a marqué notre héros du jour, cette demi-finale de Coupe d’Afrique des clubs champions qui a opposé le Stade malien au Zam?lek du Caire. L’élimination du représentant malien à cette phase finale a choqué le monde sportif en son temps. Et les joueurs ont de la peine à oublier ce coup dur. De quoi s’agit-il ?
“D’abord, il faut préciser que la délégation s’est déplacée dans des conditions difficiles. L’on pensait acheter les chaussures et survêtements au Caire, malheureusement le Stade n’a pu trouver de bonnes qualités pour se tirer d’affaires. Les joueurs ont été obligés de jouer avec leurs vieilles chaussures. Malgré tout, nous avons battu les deux adversaires de la poule pour croiser le Zam?lek en demi-finale et devant son public. Le club égyptien qui portait les mêmes couleurs que le Stade a refusé de changer de maillot au motif qu’il ne reçoit pas. Or, à l’époque je n’ai pas souvenance que les règlements géraient une telle situation. Le Stade avait un autre jeu de maillot à l’internat, mais il fallait trois heures pour effectuer ce déplacement.
A défaut d’un consensus, les deux équipes sont retournées à leur base. Le lendemain, à l’issue d’une réunion, le Stade malien est éliminé pour problème de maillot. La déception, le découragement étaient à leur comble. Alioune Badra Diouf, le chef de la délégation, a tout fait pour nous, mais il ne pouvait rien face à notre élimination. Et la Fédération n’a entrepris aucune démarche pour contester cette décision partiale, injuste et aux antipodes du fair-play. Bref, c’était dommage et regrettable !”
Il est très facile de comprendre pourquoi et comment Mamadou Bertrand Ndiaye est devenu ce grand basketteur constant sur la durée. Parce qu’il a pris les B.a.-ba de ce sport dans l’adolescence, une période propice de rétention de savoir-faire. Il se rendait à l’Ecole des postes et télécommunications (ETP) avec des camarades de classe, parmi lesquels Charlie Jondot, fils de Charles Jondot (à l’époque surveillant général de l’ETP et par la suite devenu entraîneur du Stade malien de Bamako).
Le talent et la force du poignet
Ces jeunots assistaient tous les soirs aux entraînements de l’équipe scolaire jusqu’à prendre goût au basket-ball. D’ailleurs un étudiant nigérien du nom de Berthé appréciera leur intéressement au basket-ball à sa juste valeur et se porta volontaire pour leur apprendre les connaissances élémentaires de la balle au panier.
Un aîné nous a fait savoir que, certes il était très tôt de prédire sur l’avenir et le devenir du jeune Bertrand sous le cerceau. Mais son courage et sa détermination annonçaient à coup sûr un bel avenir.
Lequel prendra forme durant son séjour à Dakar chez son oncle entre 1966 et 1968. A Rufisque, il développe son basket-ball avec les amis dans les compétitions interscolaires. La grève générale des étudiants précipitant son retour au pays, Charles Jondot qui fréquentait sa famille s’oppose à son retour et l’inscrit aux Cours Bouillagui.
Bertrand a encore l’occasion de jouer au basket-ball, en plus des duels entre les quartiers de Missira et Médine. En 1971, il rejoint l’équipe fanion du Stade malien de Bamako par le truchement d’Amadou Daouda Sall. La raison est simple : Babou Traoré avait amené sa sœur cadette, Pinpin au Djoliba. Donc pour couper court à toute éventualité, Sall a pris le devant avant que les Djolibistes ne rentrent dans la danse.
Il veillera de façon particulière sur le jeunot Mamadou Bertrand N’Diaye, qui retrouve ceux-là qui deviendront ses compagnons d’infortune durant une décennie. Il s’agit des Balla Guèye, Abdoulaye Touré dit Ablo, Abdramane Coulibaly dit Draba, Mamadou Diallo dit Blinki, Mamadou Doumbia dit l’Homme de la Radio Kledu, Thomas Bruce, Djamary Samaké dit Laurent, Diakalia Ouattara, Abdoulaye Diataga (un étudiant nigérien de l’Ecica). Le départ de certains cadres de l’équipe A pour des études à l’étranger précipitera leur montée en grade.
Avec cette pléiade de jeunes talentueux, encadrés par le technicien Amadou Daouda Sall, la suprématie du Stade malien pendant au moins dix ans, en termes de titres de champion, de trophées simples, et de Coupe du Mali ne saurait être un fait du hasard. En plus d’être un maillon important de l’effectif des Blancs de Bamako, Mamadou Bertrand Ndiaye est sélectionné en équipe nationale en 1972, pour y rester durant huit ans, avec cinq championnats d’Afrique masculin
(1974, 1975, 1978, 1980, 1981). Sous le coup de la fatigue des nerfs après un si long parcours, il prend sa retraite en 1981, pour servir dans l’administration du basket-ball.
Comme bons souvenirs, il jette un regard sur l’exploit du Stade malien durant dix ans. Le titre de champion contre le Djoliba en 1976 est un premier mauvais souvenir. Le second ? La défaite contre l’AS Réal en finale de la Coupe du Mali. Parce qu’elle s’est jouée dans un contexte exceptionnel. Et pour cause !
Le car du Stade malien de retour de Mopti où s’est disputée la demi-finale, est tombé en panne. L’équipe est transférée dans le bateau. L’alimentation provoqua une diarrhée collective. Les joueurs sont arrivés à Bamako le dimanche. Le temps de récupérer, la finale fut programmée pour le jeudi pour la simple raison que le président de la République devait voyager. Ce qui devrait arriver, arriva. Le Stade malien s’inclina devant l’AS Réal en finale de la coupe du Mali de 1980.
O. Roger Tél (00223) 63 88 24 23
Source: Aujourd’hui Mali