L’intervention militaire prévue au Niger dans les prochains jours, probablement dans le cadre de l’Ecomog, est juste encore du bluff, du vent. Elle est impossible pour les principales raisons suivantes :
Sans être un expert, il semble évident que cette intervention militaire est très complexe à concevoir en si peu de temps et à exécuter. En effet, l’armée de l’Ecomog pourrait être confrontée à 6 armées notamment celles du Niger, du Mali, du Burkina, de la Mauritanie, de la Guinée et surtout de l’Algérie, puissance militaire et premier partenaire de la Russie en Afrique. L’Algérie entend s’impliquer davantage dans la sécurité au Sahel. Elle a en mémoire que ces pays lui ont ouvert leur porte dans les moments difficiles des années 90. Un million de Nigériens vivent en Algérie. Ce pays considère qu’une déstabilisation du Niger est une menace pour sa sécurité. Tous ces pays semblent sûrs d’eux. On peut raisonnablement penser qu’ils ont reçu l’assurance du soutien de la Russie et de ses alliés. D’ailleurs, l’Algérie, dès l’annonce de l’intervention militaire de la CEDEAO au Niger, aurait dépêché une mission en Russie avec qui elle a un accord de coopération militaire.
Par ailleurs, les espaces aériens nigériens sont fermés aux pays de la CEDEAO, ennemis du Niger.
Enfin, cette intervention semble ne pas avoir eu les temps de réflexion et de préparation nécessaire pour pouvoir avoir lieu dans un proche avenir. Ci-dessous quelques questions auxquelles Ecomog doit avoir des réponses claires : quelles sont les armées participantes? Seul le Sénégal pour le moment a annoncé officiellement sa participation; ses forces se sont-elles entraînées ? L’évaluation des 6 forces ennemies et de leur stratégie a-t-elle été faite ? La stratégie d’intervention a-t-elle été définie et adoptée ? Quels sont les besoins en armements et les délais de livraison ; les coûts et le budget ? Comment le financer ? Quelle est la durée de l’intervention ? Les risques ont-ils été bien évalués et les mesures d’atténuation bien définies? Si les 6 pays alliés attaquent, en représailles, les pays participants à la guerre, que fera la CEDEAO? La stratégie de sortie en cas d’enlisement a-t-elle été définie ? La première réunion des etats-majors de la CEDEAO a eu lieu seulement hier. Selon certains experts une telle opération, du fait de sa complexité, nécessite plusieurs mois de préparation préalables. L’OTAN qui a un bureau à la CEDEAO apportera probablement un appui. Cet appui sera-t-il suffisant ?
Le Nigeria devrait apporter l’essentiel des forces militaires.
Le Sénat Nigerian n’a pas approuvé la participation du Nigeria à cette opération jugée coûteuse et inappropriée. Au Nigeria, des manifestations syndicales pour la cherté de la vie suite à la suppression des subventions sur l’énergie par le nouveau président ont débuté. Une grande grève des travailleurs couvent.
Et le Niger et le Nigeria partagent le même peuple : les haoussas. Par ailleurs, les autres pays membres de la CEDEAO ont-ils été autorisés par leurs pouvoirs législatifs à participer à cette guerre éventuelle? Les effets économiques négatifs de la covid et de la guerre en Ukraine ont accru les tensions financières dans beaucoup de pays de la région. Des élections sont prévues dans un certain nombre de pays de la CEDEAO. Participer à une guerre aussi complexe semble politiquement risqué.
Les interventions de l’Ecomog dans le passé au Liberia et en Sierra Leone n’ont pas laissé que de bons souvenirs : 2000 militaires tués, 2 milliards de dollars usd dépensés, plusieurs cas d’actes de viols et d’exactions contre les populations par les militaires, des cas de vols, etc.
Sans être un expert, il semble évident que cette intervention militaire pourrait déboucher sur un embrasement et une déstabilisation de l’Afrique de l’ouest et du Sahel avec des effets négatifs plus importants que la déstabilisation de la Lybie par l’OTAN. Cette très vaste région pourrait devenir, comme la pauvre Ukraine, le champ d’affrontement entre l’OTAN et la Russie, un no men’s land de tous trafics.
Bazoum, grand préfet de l’OTAN qui passait son temps à se moquer de son armée sous équipées, la traitant, devant la nation, d’inférieure aux forces terroristes, est maintenant aux mains de cette armée. Lui et sa famille, sont en otage. Si l’objectif de la CEDEAO est vraiment de restaurer la démocratie et installer Bazoum dans son fauteuil, peut-on être sûr que Bazoum sortira indemne d’éventuels affrontements armées?
Ce sont pour ces raisons que plusieurs pays avisés y compris occidentaux ont déconseillé cette intervention militaire et recommandé le dialogue. La France qui semblait vouloir intervenir militairement au départ a reculé. Ses forces sont sous commandement nigérien.
Il est naïf de penser que les dirigeants de la CEDEAO et leurs maîtres ne sont pas conscients des faiblesses et des risques d’une telle intervention militaire. Par ailleurs, les présidents préfets de la CEDEAO et la France ne peuvent prétendre aimer le Niger plus que les Nigériens eux-mêmes. Ces derniers ont élu Bazoum mais apparemment, soutiennent massivement les putschistes. On a deux expressions inverses de la démocratie occidentale.
Alors pourquoi cet ultimatum de guerre bien qu’intenable a été lancé par la CEDEAO ? Pourquoi des sanctions illégales aussi lourdes ont été infligées au Niger aussi rapidement ?
Selon nous, ces décisions extrêmes d’entrée, qui laissent peu de chance à la négociation, ont été motivées par les trois facteurs suivants :
Le premier est que le président nigérian de la CEDEAO vient d’être élu dans son pays. Jouant sur la puissance de son pays, il a juré trop tôt de faire en sorte qu’il n’y ait plus de coup d’état dans la région. Le coup d’état au Niger est une gifle et il doit absolument le mater. Sa crédibilité personnelle est en jeu. Il a poussé la CEDEAO à prendre cette décision d’intervention militaire avant même de consulter le congrès nigérian. C’est donc une décision solitaire, impulsive pour satisfaire son ego ; le deuxième tient au fait que la CEDEAO a perdu beaucoup en crédibilité dans les affaires du Mali et du Burkina. A travers cet ultimatum de guerre et ces lourdes sanctions illégales prises précipitamment, il s’agit de regagner cette crédibilité perdue auprès de l’OTAN, son maître et l’opinion africaine.
Le troisième réside dans l’exécution de l’ordre reçu de ses maîtres otaniens de protéger à tout les prix leurs intérêts vitaux sérieusement en danger au Niger. En effet, le Niger est leur dernier refuge dans la région. Être chassé de ce pays est, sur le plan géopolitique, une véritable humiliation. Ensuite, il y a l’uranium nigérien dont dépend surtout la France dont le mixte énergétique est constitué à 90% d’énergie nucléaire et l’uranium à d’autres usages industriels importants. Il y a enfin le grand projet de gazoduc transaharien Nigeria-Niger-Algérie sensé alimenter en gaz l’Europe en attente depuis 2019. La crise énergétique actuelle et l’arrêt de l’approvisionnement des européens en Russie ont rendu ce projet très urgent. La sécurité de Orano, l’entreprise française exploitant l’uranium nigérien, est assurée actuellement par l’armée nigérienne. Orano pourrait être nationalisé suite à une remise en cause du contrat par les militaires. Et la Russie ou la Chine pourrait mettre le grappin sur cet uranium. La CEDEAO doit donc sauver les intérêts géopolitiques et énergétiques vitaux de ses maîtres. Elle joue sa survie.
Donc, la décision d’intervention militaire avec ultimatum prise par la CEDEAO n’a pas pour but d’instaurer la démocratie et d’installer Bazoum dans son fauteuil. Elle n’est non plus basée sur une étude sérieuse de faisabilité militaire et financière. Elle semble avoir été motivée par l’enthousiasme et l’ego du nouveau président nigérian de la CEDEAO, l’ego des préfets présidents de la CEDEAO et le besoin crucial de plaire aux maîtres français et européens dont les intérêts énergétiques et géopolitiques vitaux sont sérieusement menacés.
Conclusion : Pour les raisons supra, nous parions que cette intervention militaire n’aura jamais lieu. Les militaires nigeriens soutenus par leur population et par leurs alliés, n’abdiqueront jamais. Un adage dit que ” si un aveugle te provoque c’est qu’il a un pied sur un gros cailloux”.
Dans cette affaire, qu’il y ait guerre ou pas, la CEDEAO et son nouveau président perdront définitivement leur crédibilité avec des risques d’implosion de la CEDEAO et de l’UEMOA et la BCEAO. Ce qui serait la bienvenue pour l’Algérie qui incite depuis quelques années, la création d’une zone de libre-échange avec les pays ouest africains du Sahel et la Tunisie, avec lesquels elle partage une histoire commune et les mêmes peuples. Par ailleurs, le Mali, la Guinée, le Burkina ont également lancé l’idée des États-Unis d’Afrique. Enfin l’Alliance de coopération avec les BRICS existent. Elle permet aux pays non membres, de coopérer avec les BRICS et les BRICS plus. L’ancien Ministre ivoirien Don Melo, ingénieur, en est le responsable pour l’Afrique de l’ouest et l’Afrique centrale.
La France, les 1500 militaires français et les autres forces otanienes seront probablement chassés de leur dernier refuge nigérien cette année. Et les Nigériens, désormais libres, assureront la sécurité de leurs pays avec les partenaires de leur choix, prendront le contrôle de leur destin politique et économique comme tout Etat normal.
« C’est une HONTE que la CEDEAO ne soit pas à l’écoute des peuples africains et qu’elle soit devenue, contrairement à son mandat, un instrument pour diviser les africains, leur infliger des traitements inhumains et servir, sans pitié, les intérêts de ses préfets présidents et des neo colonisateurs ».
Dr H. Kouassi