La crise de petites pièces de monnaie est une épine dans le pied des vendeurs et acheteurs, usagers et prestataires. De nombreuses transactions tournent court à cause de cette pénurie
Ramatoulaye (nom d’emprunt), la quarantaine, est salariée dans une société de la place. Elle prend un taxi à sa descente du travail à 17 heures pour se rendre chez elle, au quartier de… Le taximan l’informe : «Les frais de transport coûtent 1.750 Fcfa.» Arrivée à destination, elle lui tend un billet de 5.000 Fcfa duquel doivent être soustraits les 1.750 Fcfa. «Warimissin téyi» : pas de monnaie en bambara, répond le taximan.
Embarassée, elle lui donne un billet de 2.000 Fcfa. «Warimissin téyi», insiste-t-il. Ne sachant plus que faire, «j’ai été obligée d’acheter 250 Fcfa de crédit téléphonique chez un boutiquier du coin qui hésitait également à faire la monnaie», confie-t-elle.
Cette situation est loin d’être un cas isolé. À Bamako, les opérations d’achat/vente avortent de plus en plus à cause de l’absence de pièces de monnaie allant de 5 à 500 Fcfa. Ce problème est surtout récurrent dans les officines, les supermarchés, les boutiques, chez les chauffeurs de taxis et Sotrama, dans les cybercafés, les restaurants, etc. Le client a souvent le choix entre, aller lui-même chercher la monnaie ou annuler son achat.
Awa Magassouba vend des bijoux au Marché rose de Bamako. La relative pénurie de pièces d’argent donne envie d’arrêter le commerce chaque jour, se plaint-elle. «Généralement, la plupart de mes clients donnent 500 Fcfa pour des achats de 200 ou 300 Fcfa. Pour avoir des pièces d’argent, je suis obligée d’acheter souvent des sachets d’eau de 25 Fcfa, même quand je n’ai pas soif», explique la marchande. Elle ajoute qu’elle perd de nombreux clients, chaque jour, faute de monnaie à retourner. Pour pouvoir conserver sa clientèle, Awa renonce souvent à la monnaie. Elle invite les établissements financiers à mettre les pièces d’argent à la disposition des usagers.
Le manque de pièces de monnaie est un calvaire dans les échanges entre ménagères et vendeurs de condiments. Il paraît plus aisé de trouver la monnaie de 5.000 Fcfa que de 500 Fcfa, à en croire certaines d’entre elles.
Vendeur de condiments au marché de Ouolofobougou, en Commune IV du District de Bamako, Boubacar Camara explique ce problème par la commercialisation des pièces d’argent. «Avant, les mendiants nous donnaient des pièces en échange de bonbons ou autres articles. De nos jours, ils monnayent les pièces de 450 contre un billet 500 Fcfa», selon Boubacar. Pour éviter la perte des clients, notre épicier remet certaines de ses marchandises telles que les bouillons aux clients en lieu et place de leur monnaie.
Dans les Sotramas, passagers et apprentis chauffeurs sont très souvent à couteaux tirés à cause de la monnaie. Apprenti Sotrama à Daoudabougou, Fousseyni Touré a été plusieurs fois obligé de laisser des clients partir avec des monnaies. «Deux clients m’ont donné 500 Fcfa alors qu’ils avaient confirmé être en possession de 450 Fcfa. J’ai donc refusé de leur retourner la monnaie de 50 Fcfa», explique Fousseyni.
Certains expliquent la situation par la cherté de la vie, la commercialisation des pièces et le manque d’argent. Un cambiste de pièces d’argent qui a requis l’anonymat, réfute cette affirmation, précisant qu’il s’approvisionne auprès des grands commerçants, des mendiants et des banques. Quand tu as un chèque, tu peux demander aux banquiers de te donner des pièces et c’est gratuit, dit-il. Dans la pratique, il échange 500 contre des jetons de 450 Fcfa.
Les usagers sollicitent ce genre de service pour éviter les longues files d’attentes qu’ils sont obligés de suivre au niveau desbanques pour avoir des pièces de monnaie.
Interrogé à ce propos, le directeur de l’Agence principale de la Banque de développement du Mali (BDM) explique que la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) délivre les jetons selon un calendrier bimensuel ou trimestrielle. «Elle nous avise de la mise à disposition des pièces de monnaie à des dates spécifiques», indique Ibrahima Mahamadou Sow. C’est en ce moment que la BDM va exprimer le besoin pour pouvoir avoir accès aux jetons.
Ainsi, lorsque les agences sont approvisionnées, il y a une grande quantité de jetons à leur disposition pour pouvoir payer les chèques et faire face à la demande de la clientèle. Un client qui a un chèque de 500.000 Fcfa peut avoir jusqu’à 100.000 Fcfa en pièces s’il en fait la demande. Cependant, des mesures sont prises pour ne pas épuiser le stock avant la prochaine provision. Les agences qui en expriment le besoin sont fournies. Celles de Bamako sont les plus fournies en pièces de monnaie parce que le petit commerce est plus développé dans la capitale. Selon le patron de la BDM-SA, les entreprises telles que les pharmacies, les grandes surfaces, les alimentations ont le droit de s’inscrire à la BCEAO pour avoir accès aux jetons.
Notre banquier rejette l’allégation de rareté de jetons sur le marché. C’est une situation qui est apparente mais pas réelle, parce qu’on en trouve lorsqu’on fait la demande à la banque», assure-t-il. Selon lui, c’est l’utilisation qu’on en fait qui donne cette impression. Le directeur de l’Agence principale 1 de la BDM-SA regrette que les agents préfèrent garder les jetons pour les donner par affinité aux entreprises ou à d’autres personnes qui leurs sont proches.
Fatoumata M. SIDIBÉ
Source : L’ESSOR