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Niger : l’option de l’intervention militaire de la CEDEAO a du plomb dans l’aile (très sérieusement)

Si l’on s’en tient au plan de Bola Tinubu, le président du Nigeria et président en exercice de la CEDEAO, c’est, aujourd’hui, 6 août, que l’option de l’intervention militaire doit être mise en œuvre. Afrique Education (votre magazine préféré parce qu’il dit ce que vous pensez) a, toujours, considéré celle-ci comme une véritable folie de la CEDEAO si les militaires ouest-africains étaient envoyés à l’abattoir (pour certains d’entre eux) étant entendu que l’armée du Niger n’est pas composée d’enfants de choeur et qu’elle riposterait à toute attaque avec la dernière énergie, comme l’a déclaré son état-major.

En cela, elle est, militairement, soutenue par les armées du Mali, du Burkina Faso et de la grande majorité du peuple du Niger, qui n’est pas sorti pour demander le retour de Mohamed Bazoum au pouvoir. (Alors qu’il aurait été démocratiquement élu).

Ce qui énerve le plus les Africains (les médias occidentaux se gardent de le dire), c’est que ce soit la France qui mette une forte pression sur les présidents de la CEDEAO parmi les plus interventionnistes, à savoir, l’Ivoirien, Alassane Ouattara (notre photo), le Sénégalais, Macky Sall, et le Béninois, Patrice Talon. Ces derniers, à leur tour, encouragent Bola Tinubu dans cet exercice de folie.

L’actuel président du Nigeria est, fortement, contesté par ses adversaires politiques de l’élection présidentielle, qui l’accusent d’avoir triché, voilà pourquoi ils ont saisi la Haute Cour de justice fédérale pour invalider son élection. La requête fait l’objet d’examen auprès cette instance judiciaire et il n’est pas exclu que l’élection de Bola Tinubu soit tout simplement annulée. La justice dans les pays africains anglophones, contrairement à celle dans les pays francophones où le président de la République est à la fois la loi et le juge, est capable d’invalider une élection présidentielle. On l’a vu, par le passé, au Kenya, en Zambie, en Tanzanie, ou même en Afrique du Sud, quand la justice a promis de faire arrêter le président, Vladimir Poutine, pour le remettre à la CPI, s’il mettait les pieds à Johannesburg pour participer, fin août, au Sommet des BRICS. Finalement, le président russe s’est résolu à assister par visio-conférence, depuis le Kremlin, aux travaux des BRICS, au grand regret de son homologue sud-africain, Cyril Ramaphosa. Bref, la justice dans les anciennes colonies anglaises d’Afrique, est plus indépendante que la justice dans les anciennes colonies françaises d’Afrique. Autrement dit, Bola Tinubu ne peut pas encore dire qu’il est, vraiment, assis dans son fauteuil de président, tant que la Haute Cour de justice n’a pas rendu un arrêt dans ce sens.

Le Sénat du Nigeria lui a opposé une fin de non recevoir à la requête qu’il lui a adressé pour obtenir son feu vert en faveur d’une intervention militaire au Niger. Les sénateurs des sept Etats du Nord qui partagent 1.500 kilomètres de frontière avec le Niger sont montés au créneau pour solliciter l’appui de leurs collègues de la haute chambre afin de bloquer l’initiative (toute de folie et irréfléchie) de Bola Tinubu. Ils ont eu gain de cause, le président du Sénat ayant, officiellement, invité Bola Tinubu à privilégier l’option politique et diplomatique. Sous-entendu qu’il nomme un médiateur pour entreprendre les va et vient entre le CNSP et la CEDEAO. Comme c’est le cas avec le Mali, le Burkina Faso et la Guinée.

Les sénateurs du Nord du Nigeria frontaliers du Niger, ont, d’ailleurs, accusé Bola Tinubu de minimiser les conséquences d’une guerre qu’il déclencherait avec le Niger car le front du Nord serait dégarni sur le plan militaire, ce qui donnerait libre champ à Boko Haram et aux bandits coupeurs de route qui écument le Nord, pour déstabiliser, complètement, cette partie du pays. D’autre part, les chefs traditionnels du Nord Nigeria refusent que les Haoussa du Nord Nigeria fassent la guerre à leurs frères Haoussa de l’autre côté de la frontière. Les conséquences au Nigeria seraient donc incalculables et aucunement comparables au gain recherché avec une éventuelle réinstallation de Mohamed Bazoum dans son fauteuil.

Quant à l’opposition politique, elle a carrément accusé Bola Tinubu d’être « irresponsable » en prenant une telle option, qui ne tient compte d’aucun paramètre politique et économique sur le plan national ; ils ont demandé l’annulation immédiate de cette option militaire. Bola Tinubu, en écoutant Alassane Ouattara et Patrice Talon, croyait-il qu’il rencontrerait autant d’obstacles dans la mise en œuvre de cette décision ?

Après l’échec de la mission de la CEDEAO à Niamey, Bola Tinubu a envoyé une autre mission en Libye et en Algérie. En Algérie, la réponse du président, Abdelmadjid Tebboune, ne s’est pas fait attendre : il refuse catégoriquement toute intervention militaire, une très mauvaise solution pour son pays qui partage 1.000 kilomètres de frontière avec le Niger. Il prescrit, plutôt, une solution politique et diplomatique. Tebboune rappelle, par ailleurs, le précédent libyen (pays détruit par la France, les Etats-Unis et l’OTAN) pour refuser, systématiquement, toute option militaire au Niger.

Premier président de la Guinée, Ahmed Sékou Touré avait coutume de dire : « Si la France t’applaudit, c’est que tu as trahi tes frères. Si elle te déteste, tu es sur la bonne voie ». Appliquez cette maxime à tous les chefs d’Etat interventionnistes de la CEDEAO (Ouattara, Talon, Macky Sall), qui, à la demande de la France, cherchent à réinstaller Mohamed Bazoum dans son fauteuil. Avant de vous poser la question suivante : Si démocratiquement élu qu’il dit être, Mohamed Bazoum l’était vraiment, pourquoi au lieu de faire appel au peuple nigérien pour le remettre au pouvoir, il fait plutôt appel aux puissances étrangères ?

A Niamey, après les nominations dans l’armée rendues publiques ces dernières heures, on attend, maintenant, de manière imminente, la composition du premier gouvernement du président du CNSP, le général, Abdramane Tchiani. Equipe qui aurait à cœur de discuter avec la CEDEAO (ou ce qu’il en reste, cette institution étant vouée à être dissoute) pour le retour à l’ordre civil.

Professeur Paul TEDGA

est docteur de l’Université de Paris 9 Dauphine (1988)

Auteur de sept ouvrages

Fondateur en France de la revue Afrique Education (1993)

SOURCE: https://www.afriqueeducation.com/

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