Une semaine après le 15e sommet des Brics à Johannesburg en Afrique du Sud, Modibo Mao Makalou, économiste, ex-sherpa de la Commission de l’Union africaine et du Nepad et ancien conseiller aux Affaires économiques et financières de la présidence du Mali revient sur les enjeux de cette rencontre.
Mali Tribune : Globalement, qu’est-ce qu’il faut retenir du 15e sommet des Brics, tenu la semaine dernière à Johannesburg ?
Modibo Mao Makalou : Les Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) se sont réunis en sommet à Johannesburg, en Afrique du Sud du 22 au 24 août 2023. Parmi les objectifs du 15e sommet des Brics on peut noter l’adhésion dès janvier 2024 de six nouveaux membres (Arabie saoudite, Argentine, Egypte, Emirats arabes unis, Ethiopie et Iran). Aussi, les thèmes suivants ont été abordés : la lutte contre les effets du changement climatique, le développement du commerce, les opportunités d’investissement et de l’innovation dans les pays en développement, ainsi que la réforme de la gouvernance mondiale.
Mali Tribune : En regardant leur poids économique, est-ce que les Brics ne rêvent pas de rééquilibrer la géopolitique mondiale dominée par l’Occident ?
M.M. M. : Le déclin des pays industrialisés est à prévoir, surtout des pays européens et des Etats-Unis car la démographie suit une tendance baissière dans les pays les plus industrialisés en général et le G7 (les 7 pays les plus industrialisés au monde) en particulier. A contrario, la partie du monde qualifiée souvent de Sud global (les pays asiatiques, l’Afrique, une partie du Moyen-Orient et une partie de l’Amérique latine) connaîtront un essor démographique.
Il est prévu qu’à l’horizon 2050, la plupart des Brics actuels vont faire partie des 10 économies les plus performantes au monde. Il faut comprendre que c’est la démographie qui va surtout jouer en créant une nouvelle classe moyenne avec un pouvoir d’achat conséquent qui stimulera les zones de croissance économique au sein des Brics qui vont tirer davantage la croissance économique mondiale, surtout l’Inde et la Chine qui constituent les deuxième et cinquième puissances économiques mondiales.
Mali Tribune : L’idée de créer une nouvelle monnaie commune était parmi les principaux dossiers étudiés lors du sommet des Brics. Une monnaie commune pour les Brics, est-ce bien réaliste ?
M.M. M. : En 2022, le PIB par parité de pouvoir d’achat des Brics (31,5 % du PIB mondial) a dépassé celui des pays du G7 (30,7 %) selon une étude de Refinitiv Datastream et Acorn Macro Consulting. Tandis que la population au sein des Brics représentait 42 % de la population mondiale. Toutefois, les conditions ne sont pas encore réunies pour créer une monnaie commune des Brics, car les disparités économiques sont très importantes au sein du groupe des 5 pays, la Chine représentant plus de 2/3 du PIB des Brics.
Pour créer une monnaie commune au sein d’une zone monétaire, un important préalable est que les économies des pays doivent converger au plan macroéconomique. Avec l’adhésion des 6 nouveaux membres, la possibilité de créer une monnaie commune n’est pas envisageable à court et moyen termes à cause des fortes divergences entre les économies des 11 pays. Par contre, une stratégie de dédollarisation au sein des Brics est en cours d’élaboration pour éviter la dépendance des Brics vis-à-vis du dollar américain qui constitue 70 % des transactions internationales et 60 % des réserves de change officielles des banques centrales.
Mali Tribune : Depuis des années des pays africains tels que l’Ethiopie, le Nigeria, le Sénégal, l’Egypte, la RDC font la cour pour rejoindre ce club de cinq. Selon vous qu’est-ce qui explique cet engouement pour les Brics?
M.M. M. : L’expansion du groupe des 5 pays était la priorité de ce 15e Sommet des Brics même si les critères d’adhésion qui semblent consensuels n’ont pas été rendus publics. Une quarantaine de pays avaient demandé leur adhésion et/ou manifesté leur intérêt. Cet engouement démontre l’influence grandissante des pays émergents sur la scène mondiale qui représentent 46 % de la population mondiale et qui souhaitent une plus grande inclusivité et représentativité des pays non occidentaux dans la gouvernance mondiale.
Propos recueillis par
Ousmane Mahamane
Mali Tribune