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MME L’AMBASSADRICE VICTORIA NULAND SOUS-SECRETAIRE D’ÉTAT AUX AFFAIRES POLITIQUES AMÉRICAINES EN EXCLUSIVITÉ POUR NOUVEL HORIZON

« Nous craignons qu’avec Wagner il sera plus difficile d’organiser des élections »

 

Arrivée au Mali dans la soirée du lundi 17 Octobre, l’Ambassadrice Victoria Nuland, sous-secrétaire d’Etat aux affaires politiques américaines accompagnée d’une forte délégation a effectué une visite de 24 heures à Bamako au Mali, avant de continuer sa tournée vers d’autres pays du Sahel. Lors de ce passage « éclair » Madame NULAND a pu s’entretenir avec des membres du gouvernement de transition notamment le premier ministre par intérim, Colonel Abdoulaye Maïga, le ministre de la défense et des anciens combattants, colonel Sadio Camara, le ministre de la réconciliation nationale, Colonel Major Ismaël Wagué. L’occasion lui a aussi été donné d’échanger avec le président du Conseil National de Transition Malick Diaw et des membres d’organisations de la société Civile. Objectif principal : s’imprégner de la situation politico-sécuritaire, du déroulement de la poursuite de la transition vers l’organisation d’élections libres et transparentes mais aussi transmettre aux autorités maliennes la nouvelle stratégie des Etats Unis d’Amérique destinée aux pays d’Afrique subsaharienne.

C’est au terme de sa mission au Mali et à quelques minutes de prendre son vol à destination du Niger que son excellence madame Victoria Nuland nous a accordé quelques instants. Nous vous délivrons ici, en exclusivité, ses propos :

NOUVEL HORIZON : QUELLES SONT LES RAISONS DE VOTRE VISITE DANS NOTRE PAYS ?

AMBASSADRICE VICTORIA NULAND : Nous sommes ici avec une forte délégation comprenant des hauts fonctionnaires du département d’État, de la Maison Blanche, du ministère de la Défense, de notre armée, et nous nous rendons dans quatre pays au Sahel, notamment la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger. Pour examiner notre propre politique envers les pays de la région du Sahel, et écouter chaque gouvernement, et la société civile de tous ces pays pour savoir comment nous pouvons faire mieux ensemble, dans le but de soutenir la sécurité, la démocratie, le retour à la démocratie, dans le cas précis du Mali, et la prospérité. Parce que le voisinage devient de plus en plus dangereux, et moins sûr en termes de sécurité. Nous devons donc travailler davantage à cela ensemble.

N H : QUELLES SONT LES AUTORITÉS QUE VOUS AVEZ RENCONTRÉES ?

AMB. V. NULAND : Donc, ce matin (ndlr : Mardi 18 octobre) , nous avons rencontré le chef du conseil national de transition et son équipe, puis nous avons eu aussi une réunion d’une  heure et demie avec le Premier ministre par intérim, en présence  du ministre de la réconciliation, du ministre de la Défense et leurs équipes. Nous avons également eu la chance d’échanger avec les dirigeants de la Minusma, à la fois civils et militaires, et avons par la suite rendu un hommage en l’honneur des soldats qui ont été récemment tués. Et puis nous avons échangé avec des membres de la société civile, ceux impliqués dans la préparation et l’inclusion lors des élections. Ce fut une conversation très intéressante avec des gens impliqués dans le règlement des problèmes liés  aux femmes, les problèmes d’esclavage par ascendance, l’inclusion des populations du nord, entre autres… Une très bonne journée.

N H : vous avez évoqué la nouvelle stratégie des Etats- Unis d’Amérique pour les pays d’Afrique subsaharienne, en quoi consiste-t-elle ?

AMB. V. NULAND : Nous avons publié il y a environ un an la nouvelle stratégie de l’administration Biden-Harris pour le Sahel et l’idée ici est que nous ne pouvons pas seulement combattre les terroristes et essayer de faire face aux choses militairement. Si nous voulons réussir contre le terrorisme, nous devons également soutenir cela avec la sécurité civile, la police, la gouvernance, les emplois, la prospérité, si vous voulez améliorer le climat Social. Et donc la théorie était que nous devons rassembler tous ces instruments dans la façon dont nous abordons tous les pays de cette région.  Mais nous devons aussi faire mieux avec d’autres alliés et partenaires qui sont également impliqués, et avec les institutions africaines qui sont impliquées. Nous en sommes donc venus à regarder comment les choses se passent et essentiellement ce que nous concluons, c’est que nous devons faire un meilleur travail, non seulement en étant compréhensif envers chaque pays avec lequel nous sommes partenaires, mais en essayant de mettre les pays voisins ensemble pour mieux travailler les uns avec les autres. C’est particulièrement compliqué ici, étant donné les relations du Mali avec ses pays voisins.

N H :   QUEL CONSTAT FAITES-VOUS DE LA SITUATION QUI PREVAUT AU MALI ?

AMB. V. NULAND : En ce qui concerne l’engagement de revenir à un régime constitutionnel, à travers des élections démocratiques, je pense que nous sommes assez optimistes. Les engagements pris par le gouvernement étaient sincères, nous voyons des mesures concrètes prises : l’adoption de la  loi électorale, la commission, l’effort pour inclure plus de gens dans le processus, toutes ces choses sont bonnes. Je pense que, comme nous sommes préoccupés partout dans le monde, mais particulièrement en Afrique, les conséquences de la guerre de Poutine en Ukraine ont accru la pauvreté, l’insécurité alimentaire, et contribué à l’augmentation des prix.

Mais s’il y a un secteur qui nous préoccupe, je pense que c’est du côté de la sécurité. Nous sommes préoccupés par certaines des restrictions qui ont été imposées à la Minusma et sa capacité à fonctionner dans l’accomplissement de son mandat à travers le Mali. Nous avons été très francs avec le gouvernement à ce sujet et nous sommes également préoccupés par le fait qu’au cours des six derniers mois, d’autant plus que le gouvernement s’est associé plus étroitement à Wagner et à la Russie, ce qui est évidemment le droit du gouvernement s’il veut choisir ce partenaire, mais l’incidence du terrorisme a augmenté d’environ 30%, de sorte que les choses empirent et qu’il y a des rapports sur de très graves violations des droits de l’Homme.  Il y a des zones qu’il n’est plus possible pour la Minusma d’y accéder, et donc, nous avons été très clairs avec le gouvernement que nous craignons que ce choix ne rende pas le Mali plus sûr, il rend le Mali moins sûr.

Et nous voulions aussi parler de cette stratégie plus large dans laquelle nous sommes impliqués, obtenir leur point de vue, comprendre comment nous pouvons intégrer le Mali dans notre stratégie et ne pas le laisser derrière, même si nous craignons que plus les relations avec la Russie et Wagner s’approfondirons, plus ce sera difficile. Et nous avons beaucoup d’expérience dans ce domaine. Nous voyons comment ils se comportent mal en Ukraine, en République centrafricaine, en Libye, en Syrie, et nous voulions donc nous assurer que le gouvernement Malien est conscient de ce qu’il fait.

N.H :   COMMENT LES ETATS-UNIS PROJETTENT LA FUTURE COLLABORATION AVEC L’ETAT MALIEN DANS LA MESURE OU NOS RELATIONS AVEC LA RUSSIE SE SONT APPROFONDIES ?

AMB. V. NULAND :  Nous comprenons les liens historiques que le Mali entretient avec la Russie et ce n’est pas un problème pour nous. Ce qui nous préoccupe, c’est la façon dont cet ensemble particulier de partenaires militaires fonctionne. Ils ont un bilan épouvantable en matière de droits de l’Homme et ils sont là pour l’argent. Ils refusent souvent même au gouvernement local, sans parler des soldats de la paix, l’accès aux zones où ils opèrent, parce qu’ils sont centrés sur eux-mêmes. Et nous nous demandons si c’est le meilleur choix pour le peuple malien. Donc, vous savez, encore une fois, nous avons eu notre propre longue relation avec la Russie, le Mali a une relation de longue date avec la Russie, la question est, est-ce que Wagner est là pour protéger le Mali ou pour s’enrichir.

N.H : DANS LA MESURE OU L’APPUI MILITAIRE AMÉRICAIN A ÉTÉ SUSPENDU ET QUE LES FORCES FRANÇAISES NE SONT PLUS PRÉSENTES, QUELLE ALTERNATIVE, LES ETATS-UNIS PROPOSENT AU MALI DANS LE CADRE DE LA LUTTE EFFICACE CONTRE LE TERRORISME ?

AMB. V. NULAND :  Tout d’abord, permettez-moi de dire que la plupart de vos meilleures forces, vos forces spéciales, ont été formées par les États-Unis et ce que nous voulons, c’est que dès que le pays reviendra sur la voie de la démocratie, nous voulons être votre premier partenaire de choix. Vous savez que dans la loi américaine, nous sommes limités dans ce que nous pouvons faire en matière de soutien à la sécurité lorsque le pays a eu un coup d’État. Alors ce dont nous parlions aujourd’hui, c’est de savoir comment planifier, pendant ce laps de temps, en attendant les élections, et nous pourrons revenir par la suite ensemble à la coopération sécuritaire.

Maintenant, nous formons toujours les gendarmes maliens, nous continuons à le faire. Nous pourrions faire plus de cela par conséquent. Mais encore une fois, vous avez la Minusma ici et plutôt que d’utiliser toutes les compétences et les opportunités que la Minusma offre à la sécurité des citoyens, la façon dont Wagner fonctionne, ils les poussent de plus en plus hors de certains secteurs. Donc, nous pensons que les forces de défense maliennes sont très bonnes, nous pensons qu’elles sont bien entraînées, elles ont même une formation dans le domaine des droits de l’Homme. Donc, elles peuvent être au-devant. Beaucoup de pays sont prêts à leur donner l’équipement et d’autres types de soutien dont ils pourraient avoir besoin. Mais ce qui nous préoccupe particulièrement, c’est la façon dont Wagner opère quand il y a un partenaire pauvre qui donne les objectifs comme ceux que le gouvernement du Mali a donné à nous et au peuple, qu’ils veulent accroitre la souveraineté, la sécurité, le désir de protéger le peuple. Et ce n’est pas ce pour quoi Wagner est connu dans le monde entier.

N.H : QUEL AUTRE MESSAGE AVEZ-VOUS À TRANSMETTRE AUX AUTORITÉS MALIENNES ?

AMB. V. NULAND : Nous sommes encouragés par l’engagement des autorités maliennes en faveur d’un retour à la démocratie et par les mesures qu’ils prennent. Nous voulons être leur partenaire alors qu’ils restent sur cette voie pour obtenir des élections libres et transparentes. C’était aussi notre message à la société civile. Mais nous craignons que la voie qu’ils empruntent avec Wagner pour la sécurité, ne rende le Mali plus dangereux, le peuple plus en danger et il sera plus difficile d’organiser des élections.

Propos recueillis par Awa Chouaïdou TRAORÉ

Source : NOUVEL HORIZON

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