Les périphéries anticipent et cherchent à se faire légitimer. Si les groupes: GATIA, CMA et autres se rencontrent pour signer la paix, ce sera une paix beaucoup plus solide qu’un accord sous haute surveillance des Nations Unies.
La paix se construit, mais ne se décrète jamais dit-on. Depuis le départ, nous avions signalé en termes très clairs qu’ils mettent la charrue avant les bœufs. Sinon si les représentants au dialogue étaient légitimes, si les négociateurs étaient à la hauteur…, on aurait vu un autre résultat. Parce qu’en Afrique de chez moi, la parole donnée ne se retire pas, même si on est devant un précipice.
Qu’en-est-il exactement ?
Les périphéries sont constituées par des éléments ethniques, religieux et économiques. Pendant des siècles, les hommes et les femmes qui habitent cette zone septentrionale du Mali ont construit des relations socio anthropologiques pour faire face aux chocs naturels et culturels. Cette construction va de la légitimation de l’esclavage à la commercialisation de toutes sortes de marchandises, mêmes humaines. C’est après que les Etats- nations, imposés de dehors ont pris place à partir des références prohibées pour certains. En cas de conflits, les causes profondes sont à rechercher en surveillant les causes superficielles. Mais quant à la démarche des négociations d’Alger, elle a été totalement le contraire. Les populations à la base ne savaient même pas que veut dire feuille de route à plus forte raison régionalisation. Comment ne pas savoir qu’il fallait faire parler les intercommunautaires avant le supranational ? Quels sont ces concepteurs qui veulent utiliser les éléments non dits pour légitimer l’accord ou les accords déjà signés.
Alors, la leçon est venue du peuple ou est entrain de venir du peuple. Ils ont compris que la paix entre eux, parler entre eux souvent sans intermédiaire avait plus de sens et de contenu que d’aller directement à Alger sans interroger le détenteur de la solution, resté dans le campement. Les groupes, GATIA, CMA,… se sont rencontrés, ainsi cette paix signée est beaucoup plus solide qu’un accord sous haute surveillance des Nations Unies. Même s’il n’y a pas eu de papier signé, cet accord verbal aura une plus grande légitimité que toute la série signée avant. En même temps, c’était l’occasion pour ses animateurs de se faire légitimer. On ne se légitime pas parmi les siens en temps de conflit, mais aux groupes d’en face que c’est toi qui a été désigné pour discuter de l’avenir d’un peuple.
Ces canaux de conciliation et de réconciliation existent encore dans notre pays. Ces groupes viennent de donner l’exemple et il s’agit de saisir la perche et aller dans le bon sens en ramenant la charrue derrière les bœufs sans passion ni émotion. D’autres canaux ont été négligés et sont entrain d’être négligés davantage : nos cultures diversifiées et riches d’un peuple pacificateur. On peut juste prendre un seul exemple : la démarche utilisée par l’Association Ginna Dogon. En effet, cette association a été la seule à parcourir sans risque l’extrême Nord du Mali et rencontrer les leaders des groupes armés en vue de trouver une solution ou ouvrir des voies de solutions. Mais hélas à leur retour, des gens ont pensé que Personne ne peut et ne doit réfléchir ou être intelligent avant eux. C’est tout simplement un manque d’humilité ! Cette même association a participé à des échanges de prisonniers sous le serment de cousinage par alliance. Ce qu’il faut savoir, c’est que, entre les dogon et certains peuples du Mali, il ne s’agit pas de cousinage à plaisanterie comme disent beaucoup de gens, mais c’est un cousinage par alliance (par le sang pour la plupart). Le cousinage à plaisanterie existe à l’intérieur du peuple dogon qui a découvert l’étoile ‘’Sirius’’ avant l’Egypte, n’en déplaise à d’autres voisins. Que vous vouliez ou non, l’espace physique n’existe pas sans l’espace culturel. Rien n’est donné hors culture comme le dit Michael Singleton ; anthropologue ressaisi. La culture détermine tout, même la géographie et les mathématiques. Les Etats ne peuvent se construire qu’autour des espaces culturels et vouloir contourner ce fait, c’est faire le passager clandestin et la sécurité ou l’insécurité vous rattrapera un jour. Il ne s’agit pas de préférence culturelle comme ces gens l’ont fait au Rwanda ou au Burundi, mais de travailler la diversification culturelle, les échanges culturels capables de construire des résiliences durables au-delà des chiffres et des mots ou paradigmes importés ou imposés. Les outils de réconciliation sont mal pensés ou pensés avec de l’émotion au Mali. Sinon, sans entrer dans une sorte de revendication culturelle, comment comprendre qu’aucun membre de Ginna Dogon ne siège au sein de la « Commission vérité, justice et réconciliation», laquelle tarde à se mettre en place. On ne met pas en place une telle commission d’en haut, mais d’en bas. Quelle concertation véritable au niveau du peuple pour légitimer, ce qu’on appelle les forces vives de la nation restées à Bamako ou à l’extérieur du pays ? Qui a été consulté pour mettre en place cette commission ? Ce n’est pas encore tard, si on veut bien faire même si les capacités de réflexion sont basées sur les bureaux et voitures à occuper que de trouver des vraies solutions. Ginna Dogon peut, comme d’ailleurs d’autres cultures, apporter une valeur ajoutée durable à cette commission. On ne le dit pas pour quelqu’un, mais on le dit pour le Mali. Sinon, De Maupassant a déjà dit que l’équilibre du monde sied à l’amour propre que l’individu a sur lui-même. Personne n’aime l’autre plus que lui, ce qui donne l’espoir de vivre ?
Ce qu’il faut retenir :
La solution à nos problèmes ne viendra pas des bureaux climatisés, mais des campements et villages. Si toutefois le peuple est bien responsabilisé sans brutalité mentale et culturelle. On peut être docteur en littérature française sans savoir comment les touaregs respectent leur femme mais aussi que pour une question de femme un pays peut brûler.
Dans l’élaboration de la stratégie de réconciliation, de grâce, ne restez pas avec la seule logique du droit, appelé positif, imposé par les autres. Dans ce cas, vous continuerez à faire saigner l’Afrique. Faites appel à nos propres sociologies et visions du monde qui ne sont pas que matérielles. Même si on ne trouve pas assez de non travestis culturels pour faire le combat. On tombe trop vite sous le charme de Satan : technologies, aller sur la lune, l’alcool portant l’histoire des autres, etc.
Valoriser les connaissances locales à travers un cri d’alarme vers le peuple. Disons-le qu’on est humain et qu’on se trompe en pensant mieux faire.
Au pays dogon, le pouvoir appartient aux faibles !
SDF
Source: Le Canard de la Venise