Nous sommes encore sous le choc. Nous sommes encore sous le choc de la mort du chef de cabinet du président de la Transition dans les conditions que nous ne savons pas hormis les conditions qui nous ont été présentées. Il nous est encore difficile de comprendre comment une délégation de la Présidence, conduite par le Chef de cabinet du Président de la Transition, a pu être lâchée dans la nature, en zone dangereuse, voire hostile, sans aucune mesure de sécurité, sans aucune escorte militaire.
Nous sommes encore sous le choc, parce que c’est une première, parce que l’homme dont on a vu les photos sur les réseaux semble être très jeune, nous sommes encore plus sous le choc parce que nous faisons de la publicité gratuite pour les terroristes qui ont revendiqué l’attaque. Mais nous ne sommes pas les seuls à être sous le choc. De toute évidence, nos amis de la DIRPA (Direction de l’information et des relations publiques des armées) ont été littéralement soufflés par la nouvelle. Ils ont dû traverser un long moment de déni, de refus d’admettre ce qui est advenu au Chef de Cabinet et à ses compagnons d’infortune avant de produire un communiqué 24 heures après la triste nouvelle, un communiqué qui restera dans les annales de la communication comme un modèle. Comme dirait l’autre, la DIRPA a produit un communiqué ampoulé et superfétatoire, sans tête ni queue. Le seul mérite du fameux communiqué c’est qu’il a confirmé les rumeurs qui avaient commencé à courir sur ce qui s’est passé, sans grande amplitude parce que personne ne voulait prendre la responsabilité d’annoncer la funeste nouvelle.
Tout le monde était dans le déni. Jusqu’au démenti du ministère de la Sécurité qui ne s’est pas limité à nier la paternité d’un communiqué relatif à l’attaque qui lui a été attribué sur les réseaux. Le faux communiqué comportait de vraies informations sur les circonstances de l’attaque et sur l’identité des victimes. De quoi désarçonné les responsables du ministère de la Sécurité. Non seulement ils ont nié être les auteurs du communiqué, mais ils ont fait ce que personne ne leur a demandé, démentir l’information sur l’attaque. Mieux ou pire, ils ont ajouté que le faux communiqué fait « état d’une prétendue embuscade dans laquelle serait tombée une délégation de la Présidence ». Comme le dirait Jacques Chirac : « on ne rit pas ». Toujours sur sa lancée, le ministre affirme que le faux communiqué est l’œuvre « de personnes mal intentionnées qui distillent des informations infondées avec comme objectif de manipuler l’opinion publique sur les questions nationales ». Rien que ça. Toutes proportions gardées, ce cafouillage rappelle les bons moments du Kotèba national, notamment avec la pièce de théâtre Férékégnamibougou. Mais ce qui est plus grave, c’est que cet épisode jette un doute sur l’ensemble de la communication servie par la DIRPA. Sans le dire ouvertement, de nombreux Maliens pensent qu’il y a plus de propagande que d’informations. Certains se demandent même si ce n’est pas dans cet objectif que tous ceux qui peuvent apporter des informations, donner un autre éclairage ont été chassés.
En matière de mensonge et de déni des réalités, les Maliens sont non seulement vaccinés mais ils ont effectué le rappel de tous les vaccins. Ils sont nombreux les Maliens à se demander ce que sont devenus certains dossiers qui leur avaient été présentés comme faciles à boucler. Il y a par exemple le dossier des tueries des 10, 11, 12 juillet 2020. Avant d’être nommé Premier ministre, Choguel parlait beaucoup et sur tous les sujets. Dès qu’un micro passe à côté de sa bouche, hop il se met à parler. Concernant les tueries, il accusait les militaires au pouvoir de mauvaise foi et qu’avec un peu de volonté politique et un soupçon de bonne foi, le dossier pouvait être bouclé rapidement. « On n’a pas besoin de 4 mois pour ça, il suffit de voir au niveau des camps et on saura qui était sur le terrain et sur ordre de qui » disait-il.
Mais comme Dieu ne dort pas, il a été nommé Premier ministre, c’est-à-dire chef de l’administration. Et cela fait plusieurs fois 4 mois qu’il est à la Primature. Et pourtant on n’a rien vu venir. Un jour, le chef de la Forsat avait été arrêté pour être conduit à la prison. On connaît la suite, cela a fini en eau de boudin. Des communiqués avaient été pompeusement rendus publics au nom du parquet pour convier certaines personnes. Là aussi, nous ne sommes pas sûrs que l’instruction avance. Les victimes sont tombées dans l’oubli. De temps en temps, on les traite comme des mendiants et des nécessiteux, on leur apporte quelques kilos de riz, quelques morceaux de viande, un peu de sucre et du sel et parfois, un peu d’argent. Or ce dossier devrait être facile à boucler dans la mesure où tous les acteurs sont là. Avec une simple enquête administrative, il est facile de commencer la traçabilité de ce qui s’est passé sur lequel les Maliens ont l’impression d’avoir été roulés dans la farine et proprement abusés, c’est bien celui de la LOPM (loi d’orientation et de programmation militaire). Ceux des Maliens qui suivaient les responsables du M5 à l’époque des marches et qui buvaient leurs déclarations rions comme paroles d’évangile se rendent compte de la supercherie. En effet, il leur avait été dit que les 1230 milliards de la LOPM avaient été détournés. Et on leur promettait que les coupables rendront gorge. Or, là aussi, silence de cimetières. Le dossier semble avoir eu un enterrement de première classe. Pire pour l’es braillards de l’époque, les montants annoncés comme détournés semblent voir fait pschit. On ne parle plus de cette histoire. Et pourtant les tenants de ce discours sont les tombeurs du régime d’IBK et sont au pouvoir. Cela fait presque 3 ans qu’ils ont les leviers du pouvoir, mais rien n’a été entrepris. Il y a certes eu un petit coup de bluff, mais pas plus.
En effet, on avait annoncé la mise sous mandat de dépôt de certains officiers supérieurs. Mais le silence et l’opacité qui entourent ce dossier laissent croire que les mis sous mandat sont peut-être mis en liberté. Si c’est le cas, c’est que le juge s’est rendu compte qu’il y a plus de bruit que de faits avérés et que dans tous les cas nous serions bien loin des montants astronomiques avancés pour distraire les Maliens et les embobiner. Mais les Maliens ne sont pas dupes. Ils savent où se trouve le pouvoir et connaissent les limites du Premier ministre face aux militaires. Pour preuve affriolent -ils, tout le monde a entendu le Premier ministre, interpellé par les membres du CNT sur la moralité des marchés des équipements militaires, déclarer que de n’était pas de son ressort et qu’il faudrait plutôt s’en référer aux militaires. Fermer le ban comme dirait l’autre.
Les Maliens savent depuis un moment que le mensonge prospère en matière de gouvernance. Les mêmes pratiques contre lesquelles on a traîné les Maliens dans les rues, ces pratiques continuent au vu et au su de tout le monde. On nous avait dit que les marchés étaient attribués de gré à gré, à des amis et à des parents; on avait même livré certains opérateurs économiques à la vindicte populaire. Il faut croire que ces pratiques ont la vie dure. Il faut croire que ces pratiques sont en pleine prospérité. Elles ont la vie dure. Elles continuent de plus belle. Tout comme la corruption dont plus personne ne parle. Il faut croire qu’elle a disparu comme par enchantement. Alors que tout le monde sait qu’elle se pratique presque à ciel ouvert. Mais comme pour les autres, nous sommes dans le déni. Et nous pensons qu’en en parlant pas, elles ont toutes été éradiquées. Or il ne fait jamais se lasser d’en parler, il ne fait jamais baisser les bras, il ne faut jamais se taire, il ne faut jamais arrêter de les dénoncer.
En matière de mensonges et de déni, la France de Macron se défend bien. Ou pour être juste, disons que Macron joue les autruches en enfonçant sa tête dans le sable. Or le président français le sait, le sort des autruches qui enfonce leur tête dans le sable c’est d’avoir les poils du cul arrachés. Depuis une semaine, Macron veut se convaincre que tout va bien et que les chaudes périodes que la France a connues dans le dossier de la retraite à 64 n’étaient que mauvais rêves, même pas un cauchemar. Or il faut rappeler que le gouvernement a été obligé de dégainer le fameux 49.3 pour un passage en force peu glorieux à l’Assemblée nationale; que les syndicats ont paralysé le pays trois mois durant; que le nouveau Roi d’Angleterre a été contraint d’annuler son voyage, le premier depuis qu’il accédé au trône. Pour montrer que tout va bien, Macron, dans un total déni des réalités, a entrepris d’effectuer des visites terrain. Très vite,les syndicats ont assimilé sa démarche à de la bravade. Quoi de mieux pour faire face à un bravache, c’est de lui montrer la réalité du terrain. Pour donner un goût amer à ses visites de terrain, les syndicats ont décidé de lui réserver un accueil plutôt bruyant. En effet, c’est au son des casseroles que le Président est accueilli sur les lieux qu’il visite. Il est obligé de faire preuve de beaucoup d’ingéniosité pour échapper à la vigilance des syndicalistes. Et même là, les syndicats ont opté pour être radicaux. S’il leur échappe dans la rue, ils attendent qu’il soit installé pour couper l’électricité. Il paraît que dans l’entourage de Macron on pense sérieusement à se déplacer avec un groupe électrogène pour palier les coupures et également emprunter un hélicoptère. Mais ce qui est sûr, c’est que certains maires ont pris des mesures contre les casseroles qui éloignent de la réalité: interdiction de dispositifs sonores portatifs. Ça ne s’invente pas.
Tiégoum Boubèye Maïga
Source : La Nouvelle République