Il est des hasards de calendrier qui ressemblent à des réponses de bergers aux bergères. Samedi 21 mai, à la demande expresse des autorités du Burkina, la force Barkhane honnie par la présidence malienne déployait, depuis le Niger, une patrouille de chasse Mirage 2000 en appui au détachement militaire burkinabè de Bourzanga aux prises avec deux centaines de jihadistes.
La veille, l’indéboulonnable chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, qui recevait à Moscou Abdoulaye Diop, le ministre malien des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, qualifiait de « récidive de mentalité coloniale dont les Européens devaient s’être débarrassé depuis longtemps » le mécontentement présumé de la France face au désir de certaines autorités africaines de demander de l’aide à d’autres forces de sécurité étrangères.
Tout en déclarant comprendre « les tentatives de la France et d’autres pays de l’UE de prétendre à un rôle dominant en Afrique », Sergueï Lavrov juge carrément « inadmissible » que le pays présidé par Emmanuel Macron cherche à « dicter sa conduite » à Bamako, et notamment à décider « avec qui » les Maliens « peuvent communiquer et avec qui ils ne sont pas autorisés à le faire ».
Formation militaire et livraisons de blé
Le ministre russe a alors promis un soutien constant dans la formation des militaires et des policiers maliens par des conseillers russes – « rien à voir avec des combattants du groupe militaire privé Wagner », a-t-il affirmé – mais aussi de nouvelles livraisons de blé, d’engrais minéraux et de produits pétroliers.
La vigueur de la poignée de mains entre Sergueï Lavrov et Abdoulaye Diop indique que chacun des deux hommes buvait du petit lait. Le premier connaît les sanctions occidentales qui mettent à mal les capacités d’exportation de son pays suite à l’offensive russe en Ukraine. Le second déploie avec cohérence le storytelling nationaliste du régime qui l’emploie, un régime lui aussi sous sanctions. « Chaque jour, on essaie de nous rendre la vie difficile, parce que le seul problème que nous avons, c’est que les Maliens ont décidé de prendre leur destin en main », a déclaré Abdoulaye Diop à Moscou.
Une position que le putschiste du Burkina voisin tente également d’adopter, dans sa propre version et à son propre rythme. Le 20 mai, soit juste avant l’opération militaire menée avec la France ce week-end, Paul-Henri Sandaogo Damiba s’est montré agacé par une question publique sur sa stratégie vis-à-vis de Paris, formulée par une personne ayant soutenu le blocage d’un convoi de l’armée française au Burkina, fin 2021. « Si vous êtes forts comme vous le prétendez, vous faites votre coup d’État et vous faites ce que vous voulez », a réagi un chef de l’État manifestement agacé.
De quoi faire sourire en coin quelques diplomates maliens droits dans leurs bottes, au moment où ils dégustaient le bortsch aux betteraves de Sergueï Lavrov…