Libres ! Enfin libres ! Soumaïla Cissé, Sophie Pétronin et les autres otages retrouvent leurs familles. Les dignitaires du régime d’IBK arrêtés lors du coup d’État, eux aussi, retrouvent la liberté, tandis que les Maliens retrouvent un gouvernement, et le Mali, ses droits et prérogatives au sein de la CEDEAO. Peut-on donc considérer que tout est en ordre, et que ce pays va pouvoir, à présent, renouer avec une vie normale ?
Non, hélas ! Non ! Mais, avant de revenir sur les enjeux et défis que doit affronter ou relever le gouvernement de transition, quelques mots sur les otages. Sophie Pétronin est, si l’on ose dire, un otage classique. La mode, dans le Sahel, ayant, jusqu’alors, consisté à enlever des Occidentaux, en espérant monnayer très cher leur libération. Par contre, prendre en otage l’homme politique le plus en vue du Mali après le chef de l’Etat, était d’une hardiesse peu banale. Et c’est probablement lui, surtout, que les jihadistes voulaient, pour l’échanger contre tant des leurs. Et ce n’est guère étonnant.
Pourquoi donc ?
Parce que cet homme discret, courtois, était un réel facteur d’équilibre, dans la vie politique du Mali. Même s’il a fallu qu’il soit enlevé pour que le grand public réalise quel homme exceptionnel il est. Patient, modéré, profondément démocrate, et légaliste. Avec le recul, même l’ancien président IBK a dû déplorer son absence. Car, s’il avait été là, jamais un imam, aussi respectable soit-il, n’aurait pu se muer en leader de l’opposition, pour fédérer tous les mécontents, et abréger le mandat en cours du chef de l’Etat. Certes, l’armée, tel un troisième larron, s’est glissée dans le jeu, mais c’est bien l’imam Dicko, à la tête d’un mouvement des plus hétéroclites, qui a créé les conditions du coup d’Etat. Au regard de leur poids électoral, nombre des membres de ce mouvement ne pouvaient espérer être des convives, au banquet du pouvoir, qu’à la faveur d’une transition provoquée par la rue. Ceux-là ne sont donc que plus frustrés d’avoir été privés de leur part du butin. Et leurs frustrations, bientôt, pourraient alimenter les pires traquenards, et même contrarier l’action du gouvernement de Moctar Ouane.
Ils ont pourtant annoncé que pour eux, l’essentiel était d’aller aux élections…
Oui. En politique, il y a les bonnes dispositions et le fairplay que l’on proclame, en public, pour sauver les apparences de dignité, puis les rancœurs que l’on nourrit en coulisse, pour faire mal. Les Maliens ont, du reste, pu apprécier, ces dernières semaines, à quel point certains de ceux qui se battaient pour faire partir IBK étaient davantage motivés par la part qu’ils pouvaient prendre dans un gouvernement de transition que par le « Mali nouveau » que tous ont à la bouche. Ils étaient si prévisibles que, lorsqu’il leur a été demandé de proposer quelques noms pour le poste de Premier ministre, ils ont aligné une liste de quatorze noms ! Vous imaginez !…
À présent que le gouvernement est formé, leurs récriminations sont de plus en plus audibles, et lourdes de sous-entendus. A cela s’ajoutent les incertitudes sur la loyauté des ministres. Ira-t-elle aux intérêts qui ont porté chacun à son poste, ou au gouvernement, au Premier ministre et à la nation ? De la réponse à cette question dépendra la destinée du navire Mali : il ira à bon port, dans l’intérêt de tous, ou, très vite, deviendra ingouvernable. Le peuple, demain, devrait alors retourner dans la rue, pour interrompre un mandat en cours du prochain président. Comme si la classe politique malienne ne pouvait supporter un chef d’Etat, au-delà d’un mandat et demi….
Par Jean-Baptiste PLACCA