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L’interview du célèbre politologue sénégalais Babacar Justin NDIAYE sur l’élection présidentielle du Mali, interview accordée au Groupe Futur Médias (IGFM) du Sénégal

IGFM-Le déroulement de l’élection présidentielle au Mali peut être considéré comme une performance voisine du miracle. Selon le politologue Babacar Justin Ndiaye, il était illusoire d’envisager un scrutin impeccable dans un pays aussi esquinté que le Mali. Rien à voir cependant avec le Sénégal.

Comment analysez-vous le déroulement de l’élection présidentielle au Mali ?

Au vu du faisceau très épais de défis qui coincent le Mali, le déroulement assez heurté mais abouti du scrutin peut être apprécié comme une performance voisine du miracle. Bien entendu, une pluie de critiques s’est abattue sur le ministère de l’Administration territoriale, sur la Cour Constitutionnelle, sur la Délégation Générale aux Elections – coiffée par le fameux Général Sangaré – et sur la CENI, pourtant mixte et paritaire dans sa composition. Dans le détail, on a pointé les bourrages d’urnes, la descente musclée de la Sécurité d’Etat, sur ordre du Général Moussa Diawara, au QG de l’opposant Soumaïla Cissé etc. Bref, tout un magma de magouilles et d’entorses à la Loi électorale qui ont installé un climat de suspicion. Malheureusement, ces ratés étaient prévisibles et normalement prévus par les protagonistes de la vie politique malienne. Dans un Mali si grandement esquinté, il est illusoire d’envisager une élection aussi impeccable qu’au Botswana ou au Danemark. Par ailleurs, les consignes n’ont pas été ouvertement données, mais habilement voire secrètement orientées vers IBK, pour le second tour. Cheick Modibo Diarra a une inclinaison pour IBK, conformément au choix de son beau-père, l’ex-Président Moussa Traoré ; tandis que le milliardaire Aliou Boubacar Diallo a privilégié les calculs, dès que son ambition a sombré au premier tour. Comme tout homme d’affaires, il redoute l’épée de Damoclès fiscal au-dessus de sa tête. L’impôt étant une arme de destruction massive entre les mains d’un Président réélu et revanchard. De leurs côtés, les électeurs maliens, bien avisés et imprégnés des réalités, ont lucidement interprété la neutralité de façade des « faiseurs de roi » et massivement voté en faveur d’IBK. D’où son score semi-fleuve de 67,17%.

Les résultats donnent IBK vainqueur, mais le camp de Soumaïla Cissé conteste. Sur quoi cela pourrait déboucher ?

Comme en 2013, Soumaïla Cissé conteste les résultats. Donc refuse sa défaite. Cette fois-ci, l’ancien Président de la Commission de l’UEMOA conteste avec plus de vigueur, de virulence et de vivacité. Depuis quelques heures, Soumaïla Cissé a lancé à Bamako, les caravanes contre la fraude. Ce sont des foules en colère et en balade dans la capitale et prochainement dans les régions. En vérité, Soumaïla Cissé a, dès l’amorce du second tour, joué sur deux tableaux : la participation et la déstabilisation. Sur le tableau de la participation, il a engrangé un succès relatif, car son score a arithmétiquement évolué le 12 août comparativement au 29 juillet. Au chapitre du bras de fer, le leader de l’URD possède-t-il les moyens et les leviers d’une action d’envergure contre le gouvernement d’IBK ? Le rapport de forces post-électoral est globalement favorable à IBK. D’autant plus que les salons et les chancelleries de Bamako bruissent de tractations entre le candidat malheureux Aliou Diallo et l’Exécutif, dans la perspective d’un gouvernement d’union nationale plus apte à résoudre les sérieux problèmes du Mali. Une démarche que piloterait le Premier ministre Soumeyla Boubèye Maïga, désireux d’être reconduit après la cérémonie d’investiture du 4 Septembre.

Ne risque-t-on pas de voir le Mali sombrer dans le chaos, avec une exacerbation de la violence ?

Le Mali frôle déjà l’abîme. Tellement il est éprouvé et ébranlé dans ses fondations territoriales, institutionnelles et communautaires. Si l’on y ajoute l’Accord d’Alger, qui est si mauvais qu’on le surnomme « le Linceul d’Alger », on obtient le tableau complet de toutes les inquiétudes et de toutes les incertitudes, à très moyen terme. Soumaïla Cissé est sûrement un patriote très conscient de la conjoncture de son pays. Pour répondre à la question, je signalerai que les leviers d’une déstabilisation sont endogènes et exogènes. Certaines interférences extérieures et occultes peuvent négativement opérer dans un contexte post-électoral déjà explosif. Or, le Mali est grandement inondé d’armées étrangères et de convoitises étrangères.

Est-ce que le même scénario pourrait se produire au Sénégal ?

Les différences plurielles répondent à votre question. Le Mali est en guerre. La partie non contrôlée ou mal contrôlée de son territoire est plus vide et plus vaste que le reste du pays. Une dizaine d’armées étrangères sont présentes sur le sol malien, soit sous le drapeau de BARKHANE, soit sous la bannière de la MINUSMA. Soit en marge des deux, comme les unités mauritaniennes et tchadiennes qui grouillent dans le G5 Sahel. Rien à voir avec le Sénégal, qui a la maitrise de son espace. Dans la plus petite sous-préfecture du Sénégal, les scrutins sont organisés en présence de l’administration, des partis et de la presse. D’un point de vue strictement politique, la comparaison tient difficilement la route, car le Sénégal a une tradition de consignes claires et nettes. Au deuxième tour, les partis ne logent jamais les deux candidats à la même enseigne. D’habitude, Ils trucident électoralement le Président sortant et candidat à sa propre succession. Le syndrome malien reste malien par rapport au Sénégal.

ADAMA DIENG

 

La rédaction 

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