Cette affaire ne tombe pas du ciel. En 2013, le général Sanogo et plusieurs hauts cadrés de l’armée ont été arrêtés et déférés à la prison centrale, puis éparpillés entre différents endroits du pays. Cela, sous l’accusation « d’enlèvement de personnes ; d’assassinat commis sur 21 commandos parachutistes communément appelés ‘’bérets rouges’’ ». L’enquête a été confiée au juge d’instruction du 2ème cabinet du pôle économique de Bamako. Ça a d’abord commencé en 2013, et s’est poursuivi jusqu’en 2015, explique Me Konaré. Date (2015) où la chambre d’accusation saisie avait fini avec le dossier, mais transmis l’arrêt de renvoi à la cour d’Assises de Bamako. Entre-temps, poursuit l’avocat de Amadou Aya Sanogo, le gouvernement du Mali s’est rendu compte que le procès de Sanogo avait de très sérieuses difficultés politiques. « Parce qu’un gouvernement qui décide de juger Sanogo et compagnons, c’est-à-dire les bérets verts de Kati, ne pouvait plus s’en passer de juger les bérets rouges eux-aussi », a-t-il argué. D’après lui, ce jugement n’était pas le seul problème du gouvernement à l’époque. Parce qu’il y avait les rebelles de la Coordination des mouvements de l’azawad (CMA) qui s’étaient aussi soulevés contre le Mali. Des gens qui en 2012, dit-il, avaient envahi le nord en dominant le Mali.
Ces rebelles avaient finalement signé un accord appelé l’Accord d’Alger. Cela est fait en juin 2015. Suivant ses précisions, «si vous jugez Sanogo et autres, il vous faut juger les bérets rouges. Et si vous jugez les bérets rouges, vous ne pouvez pas ne pas juger les rebelles de la CMA qui avaient commis un crime de trahison. Parce que le code pénal du Mali dit : sera puni de mort pour trahison, tout Malien qui prend les armes contre le Mali ». Étant donné que le gouvernement n’a même pas de pouvoir pour contrôler ces rebelles au nord, l’avocat se demande si les autorités avaient de moyens pour juger à la fois les bérets routes et bérets verts incriminés dans cette histoire, en plus desdits rebelles militaires. Non, l’État n’a pas ces moyens. C’est pourquoi, enchaine-t-il, le gouvernement contraint et forcé, mais aussi et surtout encouragé par la communauté internationale a décidé d’offrir le pardon de la nation à l’ensemble des hommes armés ou des hommes militaires dont les dossiers étaient concernés par la période de trouble de 2012.
C’est ainsi que le gouvernement a initié en 2019 une loi dite d’entente nationale qui a été votée par l’Assemblée nationale, promulguée par le président de la République et publiée dans le journal officiel, a-t-il énoncé. Donc, estime l’avocat, les juges n’avaient pas d’autres missions que d’appliquer cette loi. La loi d’entente nationale a été, lors du procès, soulevée par les avocats de Sanogo pour alors être appliquée.
Que dit cette loi d’entente nationale ?
Elle dit en son article 1 que ceux qui sont concernés par la rébellion au nord peuvent bénéficier de l’amnistie, c’est-à-dire, le pardon de la nation. En son article 3, M. Konaré, la loi d’entente nationale précise que ceux qui ne sont pas concernés par les problèmes du nord mais qui ont commis des crimes ou des délits lors des évènements de 2012 bénéficient du pardon de la Nation. Ce pardon se manifeste comment ? Lorsque votre dossier se trouve au niveau du procureur de la République, il (ce pardon national) demande de classer le dossier et c’est terminé, détaille l’avocat. Lorsque votre dossier se trouve au niveau du juge d’instruction, la loi d’entente nationale lui demande de rendre une ordonnance de non-lieu. Lorsque les dossiers se trouvent entre les mains de la chambre d’accusation qui est la juridiction d’instruction du 2ème degré, la loi d’entente demande de rendre un arrêt de non-lieu. Lorsque votre dossier se trouve en phase de jugement devant le tribunal correctionnel quant aux délits, la loi d’entente nationale demande au tribunal de rendre un jugement de relaxe. C’est-à-dire, de dire non coupables tous ceux qui sont poursuivis. Et lorsque vous devez être jugés devant la cour d’Assises pour n’importe quel crime visé dans le cadre de cette loi d’entente nationale, souligne Me Konaré, la loi demande aux juges de la cour de prononcer un acquittement. Ce qui a d’ailleurs été fait dans ce procès Amadou Aya Sanogo et autres. Ainsi, lors de l’ouverture de ce procès en date du 11 mars 2021, les avocats de la défense ainsi que le parquet général ont demandé l’acquittement des incriminés au bénéfice de cette loi d’entente nationale. Parce que les faits qui leur sont reprochés se sont produits conformément à l’article 3 d la loi d’entente nationale, et à la foulée des évènements de 2012.D’où cette expression de l’avocat : « C’est ainsi que les juges de la cour d’Assises ont accepté la plaidoirie de la défense pour déclarer que dans ce dossier de Sanogo, la loi d’entente nationale devait s’appliquer ». Quand le procès s’est ouvert le 11 mars, les parties civiles (les plaignants), constituées en collectif se sont présentées à la barre pour annoncer qu’elles ont déjà trouvé un accord d’indemnisation avec le gouvernement du Mali. Laquelle indemnisation était effective. Donc, cautionne ce dernier, le collectif s’est retiré du procès en désistant de sa collection de partie civile. Pour ceux qui ne savent, Cheick Oumar Konaré maintient que « tous les parents des 21 bérets rouges décédés se sont retirés du procès par le fait qu’ils ont été indemnisés ».Parlant de l’action publique dans le dossier, le spécialiste de droit révèle que c’est la loi qui demande à ce que le procureur déclare éteinte l’action publique dans ce cas précis. Ce, en raison de l’intérêt national. Donc c’est la loi qui a éteint l’action publique dans ce procès, et non les juges qui n’ont fait qu’appliquer la volonté du législateur, estime le connaisseur du droit. Cette loi d’entente permettra de panser les plaies de la nation. Et d’être on ne peut plus clair : « Ceux qui sont morts sont des Maliens comme nous, ce sont nos frères. Mais le fait qu’ils soient morts ne signifient pas que ceux qui sont poursuivis sont des coupables ».Au sujet de sa plaidoirie en faveur d’Amadou Aya Sanogo, une chose se doit d’être retenue suivant les précisions de Cheick Oumar Konaré : « En âme et en conscience, je suis convaincu que Sanogo n’a pas tué les bérets rouges et ni n’a ordonné de les tuer. Si j’étais convaincu du contraire, je ne l’aurais pas défendu », a-t-il dit.
Mamadou Diarra
Source: Journal le Pays- Mali