J’ai connu Salif dans les années 1958/1959 au Stade Fréderic Assomption, aujourd’hui appelé Stade Ouenzzin Coulibaly, où, tous les enfants de Bamako se retrouvaient qui, pour jouer au foot, qui pour faire du vélo sur la piste cyclable qui entoure l’aire de jeu principale. Tout autour de cette piste cyclable, il y avait quelques petits terrains sur lesquels des enfants de différents quartiers de Bamako livraient des matchs amicaux.
C’était sur l’aire principale de ce stade que se jouaient les matchs du District de Bamako. Les 2è Divisions le dimanche matin, et les 1ères Divisions, le même dimanche après-midi.
Au lendemain de l’accession à la souveraineté nationale de notre pays, nous avions 15/16ans et appartenions tous, à une petite équipe de quartier dont la mienne s’appelait A.S.M (Association Sportive de Medina Coura.) Celle de Salif dont je n’ai jamais su le nom réel, s’identifiait à la personne de Salif. Nous, on l’appelait, “fleur tou equipou” puisque l’équipe s’entrainait dans un bosquet situé à moins de cent mètres de la demeure familiale de Salif.
C’est ainsi qu’un jour, quelqu’un est venu nous demander de jouer un match contre l’équipe de Salif dans la cour de l’école de Bozola. Mon équipe a gagné le match, (3-1) et, j’ai eu le privilège de ravir la vedette à Salif ce jour-là. Voilà que c’est Salif qui fait de moi, une star pour l’avoir battu. Puisqu’ il n’aimait pas perdre sur un terrain de foot, le lendemain, il est venu lui-même nous demander une revanche sur le terrain de la place de la République, situé entre la Mosquée de Bagadadji et l’Assemblée nationale. Ce match s’est soldé par un nul (2-2).
Pendant les vacances scolaires qui ont suivi cette période, les autorités nationales ont or ganisé des compétitions sportives, artistiques et culturelles entre les différents quartiers de Bamako. C’est ainsi que l’équipe de football de Medina Coura, dans laquelle j’évoluais, a éliminé celle de N’Tomikorobougou en ¼ de finale et s’est faite éliminée en 1/2 finale par Bagadadji. La finale opposa Bagadadji à Ouolofobougou et c’est Bagadadji qui gagna ce match. Ce jour-là, Salif était inconsolable. Le Président de la République qui remit la coupe s’est évertué en vain pour le consoler. Le garçon n’aimait pas perdre sur un terrain de football.
La saison de football de la Ligue de Bamako (1962-1963) nous propulse en compétitions des Juniors : Salif au Réal, et moi au Stade. Par son énorme talent, il domine cette compétition sauf qu’il n’a pas pu battre le Stade Junior… par contre, si je ne me trompe, jusqu’ à son départ en France, le Stade en 1ère division, n’a jamais pu battre le Réal.
Après la fermeture de la saison 1962-1963, alors qu’on avait entamé nos 18 ans, nous fûmes appelés en équipe nationale pour préparer les Jeux du Ganefo qui regroupaient les pays non-alignés à Djakarta. Je n’aurai pas la chance d’y aller, mais je sais que Salif a été le héros de ce tournoi.
Plus tard, j’ai eu le privilège de jouer quatre matchs contre le Sénégal, en éliminatoires de deux coupes d’Afrique des Nations. Sa popularité au Sénégal, se passe de commentaire. Le plus célèbre journaliste sportif de Radio Sénégal nommé Alou, oubliait qu’il était Sénégalais dès qu’il voyait Salif. Il le prenait par le bras, caressait sa tête et lui murmurait son admiration à l’oreille.
Nous nous retrouvâmes sous les couleurs du Stade Malien de Bamako, pour les éliminatoires de la première édition de la coupe d’Afrique des Clubs Champions. Jusqu’ à notre élimination en finale contre l’Oryx de Douala en Février 1965, il a été tout simplement SUBLIME, tout le long de ces compétitions.
En 1966, le Réal de Bamako me fit appel pour un match contre une équipe de la Guinée dans le cadre des éliminatoires de la 2ème édition de cette même Coupe d’Afrique des Clubs Champions. Nos liens de compétitions s’arrêtent-là!
Sa carrière européenne et américaine a été une suite logique de sa carrière malienne et africaine. Son Ballon d’or africain, en 1970, en tant que premier, n’a rien de surprenant. A son retour au Bercail, il fut ministre dans un gouvernement de transition. L’homme était un grand patriote. Avec lui, on s’est battu pour l’avènement de la Démocratie dans notre pays.
Fondateur d’un Centre de formation de football, qui porte son nom, il offrit au Mali l’une des plus belles générations de jeunes footballeurs talentueux.
Président de la Fédération Malienne de Football, j’ai joué un rôle de Conseiller Spécial dans cette structure avec lui. Il avait un programme de développement de football que les autorités de l’époque ont freiné pour des raisons inavouées. Alors qu’il venait de signer un contrat de 1,2 milliard pour quatre ans avec IKATEL, aujourd’hui, Orange Mali, dont le Directeur à l’époque avait bondi sur ce projet de contrat, dès lorsqu’il a su que c’était Salif le Président de la Fédération Malienne de Football. Après la signature du contrat, IKATEL, au prorata des mois passés de l’année, a versé immédiatement 110.000.00 de FCFA. Le Bureau Fédéral a aussitôt partagé 100 millions entre les Ligues du Mali et les Clubs de 1ère Division.
Le PDG de IKATEL, par la suite, a écrit à la Fédération Malienne de Football pour dire qu’ il était malheureusement obligé de résilier ce contrat pour des raisons d’ordre politique. Salif, aussitôt, décida de rendre sa démission. Il fut convaincu par son équipe de finir son mandat.
Si le football n’aimait pas perdre, l’homme, lui, n’acceptait pas l’affrontement dans la vie courante. Voici en gros, la contribution de celui que Salif appelait affectueusement, Amkoulel.