La fermeture des frontières, l’imposition d’un embargo commercial, la suppression de l’aide financière et le gel des avoirs du pays à la Banque Centrale des États d’Afrique de l’Ouest (BCEAO)… ce sont entre autres coups d’assommoir ressentis par le Mali du fait des sanctions décidées par la CÉDÉAO et l’UEMOA. Ces restrictions, qui pèsent sur le quotidien des Maliens, frappent aussi de plein fouet les Organisations Non-Gouvernementales, les faîtières et les organisations de la Société civile.
C’est plus précisément le 9 janvier 2022 que des sanctions diplomatiques et financières ont été prises contre notre pays en réponse à la prolongation de fait de la Transition par les autorités maliennes. Depuis lors, les activités économiques, financières et même humanitaires tournent au ralenti dans le pays. Si une majorité de la population affiche ouvertement son satisfecit pour cette quasi-rupture entre le Mali et le tandem CÉDÉAO-UEMOA, les ONG, quant à elles, font la grise mine. Et à raison. Car, aussitôt les sanctions entrées en vigueur, le microcosme de l’humanitaire malien a vu le flux de son robinet financier se réduire de manière inquiétante.
Essentiellement alimentés par des financements émanant des circuits de coopération de l’Union Européenne, l’Union Africaine, l’UEMOA, le système des Nations Unies, la coopération Belge, l’Agence Française de Développement, la GIZ, etc. ; les organismes non-gouvernementaux et autres associations maliennes de développement sont à court d’argent et peinent (c’est un euphémisme !) à poursuivre leurs actions au bénéfice des populations.
Le Coordinateur de l’Association des Jeunes pour le Développement des Communes du Mali (AJDCM), Sabane Touré, déplore une réduction de 50% des activités que son regroupement mène. A cela, il évoque deux raisons principales. La première, dit-il, est liée à la pandémie de coronavirus : « d’abord, depuis un an et demi, le Covid-19 a impacté beaucoup de nos activités prévues dans les communes rurales du Mali. Car les partenaires ont revu leurs apports financiers à la baisse. Clairement, nous sommes présentement réduits à la portion congrue ! ». En plus du Covid-19, poursuit le coordinateur, la crise avec la CEDEAO est venue s’ajouter comme effet aggravant. De ses explications, les projets-programmes, pour l’exécution desquels l’association recrutait à temps partiel des jeunes pour les enquêtes sociologiques, ont été arrêtés. « Nous avons été contraints de nous séparer de tous ces jeunes enquêteurs qui étaient au nombre d’une soixantaine car, faute de financements, les projets-programmes sont en stand-by », regrette-t-il.
Autre problème soulevé par le coordinateur de l’AJDCM, c’est la quasi-impossibilité des transferts bancaires avec les pays voisins. En guise d’exemple, il a fait savoir qu’à la veille du Forum mondial sur l’eau, qui s’est tenu du 21 au 26 Mars 2022, beaucoup de faîtières maliennes n’ont pas pu envoyer de représentants parce que « les inscriptions en ligne et paiements venant du Mali étaient de facto bloqués en conformité des sanctions prises par l’UEMOA et la CÉDÉAO ». Et M. Touré d’émettre des inquiétudes sur l’avenir des plannings arrêtés par son association : « Je crains que les mois à venir ne soient plus durs encore parce que les financements que nous attendons des partenaires sont soit suspendus, soit fortement réduits à cause des restrictions sur les transferts bancaires concernant le Mali ».
De son côté, Francis Dembélé, Secrétaire permanent de l’Association Malienne de Solidarité et de Coopération Internationale pour le Développement(AMSCID), explique que les activités et la marge de manœuvre de son association connaissent une réduction de 40%. Selon lui, les sanctions contre le Mali empêchent les bailleurs partenaires de faire des transactions importantes vers les comptes bancaires des ONG. Ce qui a donné lieu au ralentissement de l’exécution des projets de développement conduits par l’AMSCID, notamment dans le cercle de Kita. « Depuis deux mois, nous devions commencer la rénovation et l’extension d’une école communautaire dans une commune rurale de Kita. Malheureusement, le partenaire a décidé de surseoir au décaissement des fonds », fait-il savoir avec dépit. Avant d’enchaîner : « Dans le cercle de Yélimané, nous sommes aussi sur un projet de réalisation de plusieurs forages d’eau. Mais les difficultés de transactions bancaires avec nos partenaires extérieurs nous ont amenés à mettre le projet en suspens. Pire, les matériels et les équipements qui constituent l’installation des forages géants, et que nous avons commandés de Dakar, sont toujours bloqués au port dakarois ».
Même constat chez Youssouf Sanogo, le coordinateur national de la Plateforme pour la Lutte contre la Corruption et le Chômage au Mali (PCC). De ses explications, il ressort que la PCC a, depuis quelques mois, mis en place un projet de sensibilisation sur la gouvernance et l’auto-gouvernance démocratique, en partenariat avec l’UE. Hélas ! se désole M. Sanogo, « le partenaire tarde à poser des actions dans le sens du financement ». La faute au climat délétère de sanctions qui compromet les possibilités de flux financiers vers le Mali.
Siguéta Salimata DEMBELE
Source: Les Échos-Mali