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Le Mali et le «Dialogue inter-maliens pour la Paix et la Réconciliation nationale»

Le peuple du Mali connait une époque de changements politiques, économiques, culturels et sociaux fondamentaux, un processus fait de mutations irrésistibles qui confèrent un dynamisme sans pareil à l’évolution positive de l’ensemble de nos villes et campagnes.

Un vaste chantier de restauration de la sécurité sur toute l’étendue du territoire national est en cours avec de brillants succès, concrétisés par la reprise de zones stratégiques telles que la ville de Ber le 13 aout 2023, Anéfis le 07 octobre, Tessalit le 18 octobre, Kidal le 14 novembre et Aguelhok le 20 décembre 2023. D’accord avec le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga qui dit: «Les FAMa ont restitué aux Maliennes et aux Maliens, leur honneur et leur dignité, mais surtout, la confiance et le sentiment d’être une grande nation, pour laquelle désormais rien n’est impossible».

Le Mali va amorcer et, j’espère, réussir «un dialogue inter-maliens» de  consolidation de notre Unité Nationale et du vivre ensemble.

Le 04 mars 2024, le Président de la Transition, le colonel Assimi Goïta, a reçu le rapport général des termes de référence du  «Dialogue inter-maliens pour la Paix et la Réconciliation nationale»,  qu’il a initié, des mains du Président du Comité de pilotage dudit Dialogue, M. Ousmane Issoufi Maïga, ancien Premier ministre.

Ces termes de référence définissent le contenu donné à ce dialogue.

Dans cette approche préliminaire, hautement Positive de la commission, je retiens certains aspects, à savoir:

– Comprendre les causes profondes des conflits qui assaillent le Mali depuis plus d’une décennie;

– Identifier les causes des échecs précédents et élaborer des solutions justes et fécondes;

– Explorer en profondeur les contours de la crise au Mali et poser des questions pertinentes pour aboutir à des réponses justes et efficaces;

– Interroger sans complaisance les valeurs maliennes afin d’y puiser les ressources nécessaires et susceptibles de poser de bonnes bases pour la paix et la réconciliation nationale.

– Le Mali a besoin de tous ses fils qui doivent se donner la main pour relever les nombreux défis qui assaillent leur pays;

– Dans ce Dialogue National, il n’y aura aucune place pour les ennemis de notre peuple qui veulent remettre en cause l’unicité et la laïcité de l’État, ainsi que l’intégrité du territoire malien.

– Appel est lancé aux maliens pour un Rétablissement de la paix à travers un sursaut patriotique afin de construire un Mali, où chaque citoyen a les mêmes chances d’épanouissement et où toutes les régions du pays peuvent se développer équitablement. Il se veut inclusif, offrant à chaque malien la possibilité de participer activement et de bénéficier des résultats.

Les termes de référence sont considérés comme préliminaires indispensables au démarrage du dialogue décentralisé.

Cinq thématiques sont retenues:

  1. Paix, Réconciliation nationale et cohésion sociale.
  2. Questions Politiques et Institutionnelles.
  3. Économie et Développement durable.
  4. Aspects Sécuritaires et Défense du territoire.
  5. Géopolitique et environnement international.

Au moment où toutes les maliennes, tous les Maliens, de l’intérieur du Mali et ceux résidents à l’étranger, vont  entamer ce dialogue, je suis heureux de donner une contribution en quelques mots sur nombre de questions qui me tiennent à cœur et que je souhaite partager.

 

Un héritage très lourd, de nombreux défis à relever

En effet, à l’entame de la présente Transition, nous avons  hérité d’un pays au bord de l’effondrement, un pays anxieux:

  • De nombreux problèmes sociaux au centre desquels il y a le problème de l’emploi qui nécessite une approche nouvelle.
  • Les indices sociaux en santé et en éducation étaient fort préoccupants (accès à la santé, taux de mortalité infantile élevé, l’espérance de vie à la naissance faible).
  • Les infrastructures en ville, l’assainissement des quartiers, le transport public, le système de l’enseignement en crise depuis des décennies etc… autant de problèmes sociaux qui sont loin d’être résolus.
  • L’économie malienne était en lambeaux et avait peine à se relever. De trop nombreuses entreprises en difficulté.

L’effondrement politique suite au coup d’État militaire du 22 mars 2012 est intervenu dans un contexte d’exaspération des populations après les revers militaires de l’armée malienne face à la rébellion du nord-Mali, alliée des groupes terroristes et des narcotrafiquants, la complicité des armées étrangères …avec pour toile de fond la corruption des élites, la mal gouvernance et son cortège de remise en cause de certains acquis démocratiques qui ont fragilisés l’État au point qu’il s’est trouvé au bord de l’effondrement.

Dans cette période, le pays a connu une instabilité militaire et sécuritaire dans les régions au Nord et au Centre, où l’Administration peinait à être fonctionnelle.

Sur l’ensemble du Territoire, des cohortes de bandits et autres coupeurs de routes qui profitent de cette situation pour sévir.

La présence sur notre sol de nombreuses armées étrangères au prétexte qu’elles allaient nous sauver du chaos, pose cependant de manière crue toutes les limites, les contraintes d’une coopération toujours à renégocier afin de maintenir le flux asymétrique du transfert financier, souvent accompagné de conditionnalités. Aussi nous n’étions pas entièrement maîtres de nos orientations et choix stratégiques. En outre, les forces politiques du pays étaient  très affaiblies, la cohésion sociale désastreuse,  dans un pays qui est condamné à reconstruire un avenir en commun.

L’héritage, c’est aussi un Mali avec un bâti économico-social qui a développé une logique de partage du pouvoir entre une ploutocratie commerçante et d’affaires et les groupes autocratiques chargés de gérer l’État. Cette logique s’est imposée sur les rapports entre groupes ethniques et minorités locales. Un clientélisme d’État généralisé s’en est suivi.

Avec la transition, nous nous engageons dans le processus de rétablissement de notre souveraineté, de la Démocratie et les corrections de nombreux écarts qui ont ébranlé les fondements de l’État. Aussi, nous estimons qu’il est impensable de réussir un dialogue national, si remède n’est pas apporté aux causes qui font que le Mali est en crise.

Déjà, bien de choses bougent dans ce Mali ni partout du même pas, ni à chaque instant au même point, ni sans doute également maîtrisées, et sur lesquelles il est tentant de porter une appréciation à la fois par la nostalgie de certitudes commodes, et par la fébrilité de l’impatience.

Des hommes nouveaux, nous le souhaitons, viendront, avec ce début de Refondation, occuper le devant de la scène dès que les conditions seront réunies pour renforcer la présente transition et rendre irréversibles les acquis. Une précision des orientations nouvelles verra le jour, lesquelles tenteront d’apporter réponse à des problèmes vitaux eux-mêmes en plein renouvellement.

Nous voyons  que les enjeux sont colossaux, une fois prise la mesure des défis posés au Mali au lendemain de ce Dialogue qui se veut franc.

Confrontés  à l’alternative vitale et angoissante de la réorganisation du pays dans tous les domaines, nous vivons des problèmes sociaux et socio politiques sans précédent:

Sous-développement économique, social, culturel, accès aux ressources et leur maîtrise, atteinte à l’environnement ou sa sauvegarde et sa restauration, liste loin d’être close.

Qu’en est-il des perspectives de développement qui s’offrent à nous ? Quelles possibilités s’ouvrent d’une libération de millions de maliennes et de maliens à l’égard des dépendances et des oppressions léguées et entretenues par la mauvaise gestion du pays ? Existe-t-il une issue rapide à la crise ? Sommes-nous en mesure et à quel prix, de nous survivre en un possible «sursaut national» ?

À enjeux gigantesques, questions brûlantes. C’est désormais à l’histoire réelle, à l’expérience d’ores et déjà accumulée embrassée dans son ensemble, et non plus à une prédiction de l’avenir, qu’il appartient de fournir les clefs de ces interrogations.

Cette situation nouvelle détruit bien des idées et opinions formées au cours de décennies et qui imposent des exigences nouvelles aux hommes et aux femmes, en particulier aux hommes et femmes politiques. Ces phénomènes vont de pair avec un élan exceptionnel de la conscience et de l’activité politique des populations ainsi qu’avec une accentuation des luttes pour plus de démocratie.

Les Maliens sont inquiets et cette inquiétude est fondée.

Le travail de changement radical de cap entamé, nécessaire et indispensable est ardu. Nous connaissons aujourd’hui une situation de crise sans précédent suite à la guerre qui nous a été imposée dans nos régions de Ségou, Mopti, Tombouctou, Gao, et Kidal, le coup d’état militaire du 22 mars 2012 et la crise institutionnelle qui a suivi. Dans ce contexte, la réorganisation du territoire et le nouvel ordre institutionnel qui s’imposait depuis a connu un début de réalisation.

Aussi, nous allons partir d’un ensemble de constats factuels qui font partie de notre réalité à prendre en compte dans tout le mouvement de notre société actuelle. Pour ce faire, nous retiendrons un certain nombre de faits:

 

Disons pour commencer qu’au Mali, il y a un décalage grandissant entre les institutions, les politiques et l’évolution générale de la société

Les modes de représentation font que les citoyens ont le sentiment de ne pas peser sur les décisions. Les populations dans une proportion qui évolue, souhaitent une transformation radicale des conditions d’organisation de la cité surtout au niveau du cadre de vie. Elles souhaitent une modification du rôle des hommes politiques et du mode d’exercice du mandat. En effet, la nature du mandat confié aux responsables politiques de tous les niveaux impose d’être précisée.

Les élections s’imposent pour une bonne sortie de la transition, mais pas dans la précipitation et le bon vouloir de ceux qui aspirent à voir le Mali se désagréger. Les élections se feront dans la mesure de nos moyens et des conditions spécifiques du Mali, n’en déplaise à ceux qui pensent gérer le Mali à la place des maliens et leurs alliés locaux, temps révolu à jamais. Le moment de l’élection passé, le débat démocratique suppose un contrôle du mandat en cours d’exercice.

Dans le contexte nouveau, avec les élections  du Présidant de la République, des députés à l’Assemblée Nationale en vue, et au niveau de toutes les collectivités territoriales, un rappel sur les dérives, voir, la moralité de certains candidats qui nous représentaient à l’Assemblée Nationale, et qui ont fait l’objet d’inquiétudes, et de réprobation des citoyens qui étaient inquiets, est nécessaire:

  • Ils étaient inquiets sur le manque de rigueur dans certains choix de candidats qui nous représentaient à l’Assemblée Nationale;
  • Inquiets du niveau de formation d’un grand nombre de ces représentants.
  • Ils étaient inquiets de l’introduction dans nos institutions de l’argent qui a été à plusieurs niveaux l’élément déterminant dans le choix des candidats aux élections législatives.
  • Ils étaient inquiets des avantages monétaires disproportionnés accordés et en perpétuelle évolution à des fonctions électives.

Dans un tel contexte, si nous ne prenons garde, ne courons-nous pas le risque d’avoir des réseaux statiques de pouvoir qui incarnent une politique de prédation et qui vont accentuer immanquablement le clientélisme et induire un fonctionnement absolutiste ?

Ne courons-nous pas le risque d’avoir des institutions-refuges ?

Souhaitons et œuvrons pour qu’il n’en soit  point ainsi avec le Mali Kura.

Cheick Mouyedine Pléah COULIBALY

 

Source: Inter De Bamako

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