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« Le maintien de la paix est beaucoup plus difficile qu’avant »

Jean-Pierre Lacroix est Secrétaire général adjoint des Nations Unies, en charges des opérations de paix. Il intervenait ce vendredi au 6e Forum Mondial Normandie pour la Paix. La multiplication des groupes armés, dit-il, notamment en Afrique, rend cette tâche de plus en plus difficile.

Alors que la France est contrainte au repli dans plusieurs pays du Sahel, sous la pression de coups d’État militaires, les forces des Nations Unies déployées au Mali depuis une dizaine d’années sont également en train de plier bagage. Invité au Forum Mondial Normandie pour la Paix, Jean-Pierre Lacroix explique les raisons des difficultés croissantes que rencontrent les opérations de l’ONU.

Assiste-t-on à un reflux inexorable de la présence internationale dans la région ?

En tous les cas on assiste à des évolutions très profondes, et doit nous amener aux Nations Unies à réexaminer la manière dont nous pouvons aider au mieux le Sahel, et les populations du Sahel, pour éviter que cette région se retrouve dans une spirale d’aggravation de la situation sécuritaire et humanitaire.

Quel signal recevez-vous du terrain, cette spirale est déjà enclenchée ?

Oui, il y a un risque que la situation ne se dégrade encore. Il y a eu une série de coups d’État. Aucun putsch n’est jamais la bonne réponse. Ce qui est important c’est de prévenir le risque d’une dégradation. D’abord, en travaillant au retour à l’ordre constitutionnel dans les différents pays. Examiner la manière dont nous pouvons en tant que Nations Unies préserver notre effort en matière humanitaire. Les besoins sont très grands et sous financés. Troisièmement, travailler avec nos partenaires, l’Union africaine et la CEDEAO, pour aider la région à surmonter ces défis.

La menace djihadiste est plus forte aujourd’hui qu’il y a un an ?

Elle reste très forte. Nous souhaitons que les pays du Sahel soient aidés à y faire face de manière efficace.

On a le sentiment d’un délitement des institutions elles-mêmes ?

Il y a eu des changements de régime hors de l’ordre constitutionnel. Il faut en tirer les conclusions quant à l’effort international qui doit se réinventer. Nous n’avons aucune intention de nous désintéresser du Sahel. La Minusma part, c’est la décision des autorités maliennes et également entériné par le Conseil de Sécurité. Cela ne veut pas dire un départ des Nations Unie du Mali. Nous resterons pour l’effort humanitaire.

S’adapter

Qu’est-ce qui est dur pour les opérations de maintien de la paix aujourd’hui ?

Le défi principal est d’abord politique. L’objet de nos missions est de soutenir un processus politique, mais avec une communauté internationale divisée, des États membres divisés, c’est beaucoup plus difficile qu’avant. Il y a aussi la nature des conflits. La présence croissante de groupes armés, qui peuvent être des groupes terroristes, des groupes impliqués dans les activités criminelles transnationales, les nouvelles modalités de conflit, la désinformation, et tout ce que permettent les technologies digitales fait évoluer les menaces. Nous devons nous adapter. Le premier message est à l’adresse de nos États, nous avons besoin d’un soutien politique actif à nos opérations, aux efforts de paix que nous défendons.

Ce que vous dites fait penser aux milices Wagner, mais ce n’est pas la seule. On assiste à une privatisation de la guerre en Afrique ?

On pourrait dire que chaque État est partenaire de qui il veut, de partenaires privés y compris pour renforcer ses capacités de sécurité. Mais la question est de savoir si tout cela se fait dans le sens d’une contribution aux efforts de stabilisation et de paix.

Une opération en préparation pour Haïti

C’est la fin d’une époque pour les opérations de maintien de la paix ?

Il y a eu plusieurs cycles dans l’histoire des opérations de l’ONU. On a eu les années 1990 avec le Rwanda, Srebrenica, d’autres opérations qui ont été créées et ont permis à un retour des pays concernés vers la stabilité. La liste est longue des pays soutenus avec succès. Et puis il y a les opérations d’aujourd’hui, confrontés aux défis dont nous parlions. Dès lors que les processus politiques ne se concluent pas, il y a une difficulté croissante à rester sur le terrain, et à mettre en œuvre le mandat. En particulier lorsque les attentes des populations sont beaucoup plus élevées que ce que les opérations peuvent réaliser. Toutefois, il ne faut pas sous-estimer la valeur ajoutée de ces opérations. Pour la préservation des cessez-le-feu. Au Liban, à Chypre, en Afrique dans divers endroits, la présence des casques bleus au niveau local est souvent un facteur essentiel. Ensuite, pour la protection des civils, chaque jour des centaines de milliers de civils sont protégés par nos casques bleus.

Un mot de Haïti, une opération est sur le point de naître, sous votre égide ?

Le projet qui est sur la table est une mission d’appui à la sécurité en Haïti, ce n’est pas une mission casques bleus. C’est une mission qui sera mandatée par le Conseil de Sécurité. L’idée est de soutenir le redressement de la police nationale haïtienne. Ce qui est essentiel, c’est qu’il y ait un processus politique actif, permettant de rétablir une gouvernance stable.

Après le coup d’État au Niger, la France doit-elle intervenir ?
Débattez !

La guerre de la Russie en Ukraine, la Chine qui évolue. Tout le monde a le sentiment d’une ONU impuissante. Que répondez-vous ?

Les Nations Unies ont beaucoup fait pour atténuer les effets de cette guerre en Ukraine. Je pense à l’accord dit de la mer Noire, sur les céréales, mis en œuvre pendant plusieurs mois et qui a beaucoup contribué à atténuer les conséquences humanitaires en ce qui concerne les céréales. Il y a les efforts menés à la centrale nucléaire de Zaporijjia, pour éviter le pire. Il y a aussi un effort humanitaire considérable.

ouest-france

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