A Mopti, ce sont des boucheries humaines à ciel ouvert qui ont poussé à l’exode des villages entiers. Dans l’Est du pays, des crimes de masse ont rayé des campements et villages n’épargnant ni bergers ni voyageurs. A Tombouctou, ce sont des charniers dans lesquels des dizaines de corps ont été enterrés et avec eux, on a enterré la sécurité, l’amour, la fraternité et la fidélité qui ont caractérisé cette ville durant des siècles. Seul Dieu sait comment finira cette tragédie de ce peuple démuni, à qui on a retiré même le droit d’espérer.
Le braquage, le vol, l’assassinat individuel ou de petits groupes, qu’ils soient civils ou militaires, ne sont plus considérés comme des problèmes tellement on s’y est habitué. L’exposition par vidéos et photos des corps mutilés, des tortures est devenue l’une des distractions qui passent d’un téléphone à l’autre, et ce n’est plus un problème entre combattants « mâles », mais même les femmes, les enfants et les vieillards y passent. Le plus amer et affligeant dans tout ça, c’est le justificatif souvent tout trouvé. Celui-ci tue, mutile, vole, chasse au nom de « Allah », avec des arguments en kits prêts à l’emploi tirés du Coran ou de la Sunna du Prophète (PSL), sans comprendre ni le contenu ni le contexte et ceci, sans discussion possible. Celui-là fait ce qu’il veut sans contrôle, sous le prétexte fallacieux de la « guerre contre le terrorisme » ou de « l’unité territoriale du Mali ». Il est à la fois juge et avocat. Il s’arroge le droit d’exterminer des communautés entières, soit directement, soit par milices interposées.
L’autre, à côté, fait ce qu’il veut. Lui aussi, sous le prétexte non moins fallacieux de la « Révolution de l’Azawad » ; cette révolution qui a laissé derrière elle des flots de réfugiés qui s’entassent dans des camps de fortunes gérés par des ONG. Des centaines de veuves contraintes à se livrer parfois à des activités peu louables pour survivre. Des milliers d’orphelins errant dans les rues, noyant leurs chagrins et désarrois dans la consommation abusive de méthamphétamine commercialisée parfois par certains des acteurs de cette même « Révolution de l’Azawad».
Pourquoi ce silence ? Pourquoi ne parlons-nous pas de ce qui ne va pas ? Ne sont-ils pas les « révolutionnaires » d’hier qui nous ont menés dans ce désastre qui se précipitent aujourd’hui à Bamako pour littéralement « manger dans la main du Mali », pays qu’ils combattaient en l’accusant de colonisateur ? Ne sont-ils pas les « révolutionnaires » d’hier qui nous ont menés dans ce désastre qui se bousculent aujourd’hui dans des hôtels aux frais de l’Etat et semblent n’avoir pour préoccupation que l’exposition vestimentaire lors des soirées mondaines dans des salons feutrés de Bamako ? Pourquoi alors nous taire ou répéter comme des perroquets des slogans dont même les initiateurs trouvent obsolètes ?
La pièce de théâtre de la « Révolution de l’Azawad » est terminée pour cette saison, laissant derrière elle une horde de trafiquants de drogue et d’êtres humains, de braqueurs, de coupeurs de route, etc. Et chaque « corps de métier » trouve son compte et applique son agenda avec l’aide et la bénédiction des « Révolutionnaires de l’Azawad », des « barrons de la drogue », des « Moudjahidines » de « l’armée malienne et ses milices». Méditons un peu la multiplicité des rôles et l’interchangeabilité des fonctions. Aujourd’hui, on est combattant islamiste, demain on est révolutionnaire de l’Azawad, le jour suivant on est simple commerçant, etc.
Méditons un peu sur la farce dont nous sommes l’objet. Un jour, des acteurs se livrent la guerre tribale dont nous sommes soldats, simplement pour faire passer une cargaison de drogue. Ces mêmes acteurs se montrent, le jour suivant, bras dessus-dessous, comme si rien n’était, jouant ainsi avec des tribus comme on le fait avec des marionnettes. Méditons un peu ; une « armée républicaine » qui se livre au massacre de ses propres concitoyens innocents ou au mieux, pour se dérober des radars, fomentent ce massacre par milices interposées, financées et armées. Tout ceci se passe et nous ne sommes que des pions sans avis, sans vision et surtout sans perspective. Nos mères et sœurs sont dans les camps de réfugiés. Nos frères sont les chairs à canon pour mafias, ou au mieux, milices de l’armée pour faire le sale boulot. Nos adolescents sont ravagés par la méthamphétamine commercialisée par des acteurs sans foi ni loi. Nos enfants sont sans scolarité. Nos terres sans sécurité ni développement.
Moustapha Ould Dahi
Source: Le Démocrate