Les travaux de la session spéciale de la Cour d’assises de Bamako sur les crimes économiques et financiers qui ont débuté le 1er juillet se poursuivent ce mardi 17 septembre 2024. Cette session spéciale aura cette fois-ci à son rôle la rocambolesque affaire relative à l’achat de l’avion présidentiel et à celui des équipements militaires. Ce procès tant attendu par le peuple malien, les accusés et leurs familles, devra permettre d’en savoir plus sur le prétendu détournement des montants faramineux reprochés à Mme Bouaré Fily Sissoko, l’ancienne ministre de l’Economie et des Finances et co-accusés dont des officiers supérieurs de l’armée au moment des faits et certains opérateurs économiques. Saura-t-on réellement toute la vérité sur cette rocambolesque affaire en absence de deux acteurs majeurs, l’ancien Président de la République Ibrahim Boubacar Keita, décédé et l’ancien ministre de la Défense, Soumeylou Boubèye Maiga également décédé en prison ? Quid des autres accusés absents qui se feront certainement représenter par leurs avocats ? Le procès va-t-il être équitable en blanchissant les innocents et en condamnant les coupables ?
Tous les regards sont tournés aujourd’hui mardi 17 septembre 2024 vers la Cour d’Appel de Bamako où se poursuivraient les travaux de la session spéciale de la Cour d’assises sur les dossiers de corruption et de délinquance financière. La particularité de ce procès est qu’il concerne deux dossiers à la fois sensibles et complexes, car relatif à l’armée, considérée comme la grande muette, mais aussi et surtout des personnalités qui ont assumé de hautes responsabilités au sein de l’administration notamment d’anciens ministres et des hauts gradés de l’armée. Donc la justice aura du pain sur la planche et jouera du coup sa crédibilité, son professionnalisme, sa compétence et sa parfaite maîtrise des dossiers. Dans ce procès tant attendu, une personnalité semble capitaliser toutes les attentions en l’occurrence Mme Bouaré Fily Sissoko, ancienne ministre de l’Economie et des Finances au moment des faits. L’ancienne ministre de l’économie et des finances éclipse tous les autres accusés et fait parler d’elle tant par son insistance à être jugée pour qu’elle puisse dire sa part de vérité dans ce dossier et du coup laver son honneur, mais aussi sa persistance à clamer Urbi et Orbi son innocence. Elle récuse toutes les accusations portées à son encontre et a même refusé de payer la caution pour recouvrer la liberté provisoire. Pour rappel Mme Bouaré Fily Sissoko a même adressée une lettre ouverte au Président de la transition dans laquelle elle insiste pour la tenue de son procès après trois ans de détention. Connue pour sa rigueur, sa compétence, son sens de la patrie, Mme Bouaré Fily Sissoko a occupé des hautes fonctions dans ce pays. De la Douane où elle fut directrice générale Adjointe, à la Commission de l’UEMOA où elle a représenté valablement le Mali dans cette commission sous régionale, en passant par le ministère des finances où elle a été l’une des rares femmes pour ne pas dire la première femme à occuper ce prestigieux poste de ministre des finances. Mme Bouaré Fily Sissoko s’est mise au service du Mali et y a consacré plus de 40 ans de sa vie, à 69 ans, à la retraite elle se bat pour laver son honneur et celui de ses enfants et petits-enfants.
Saura-t-on réellement toute la vérité sur cette rocambolesque affaire en l’absence de deux acteurs majeurs : l’ancien Président de la République Ibrahim Boubacar Keïta décédé et , l’ancien ministre de la Défense, Soumeylou Boubèye Maiga également décédé en prison ?
La question restera posée alors que le peuple veut savoir la vérité et toute la vérité dans cette affaire. En effet, avec le décès de l’ancien Président de la République IBK et surtout celui, en prison, de l’ancien ministre de la Défense au moment des faits l’on ne saura jamais la part de vérité de ce dernier, alors qu’il a été un acteur majeur dans l’achat de l’avion présidentiel et des équipements militaires. Avec cette grande absence beaucoup de pans de cette affaire ne seront jamais élucidés et la soif de vérité de l’opinion publique ne sera jamais assouvie. En droit la mort met fin à toute poursuite donc son dossier sera classé sans suite, chose qu’il avait d’ailleurs défendu et qui lui aurait valu son arrestation. Pour rappel l’ancien ministre de la Défense Soumeylou Boubèye Maiga, invité d’une émission télé avait affirmé que le dossier sur l’achat de l’avion présidentiel et des équipements militaires avait été jugé et classé sans suite. Cette déclaration semble provoquer l’ire des autorités, la suite est connue, il sera arrêté et placé sous mandat de dépôt, il meurt en détention sans avoir livré sa part de vérité. Son absence sera un grand vide au cours de ce procès et va être une tache noire dans le bilan de la justice malienne.
Quid des autres accusés absents qui se feront certainement représenter par leurs avocats ?
L’autre hic de ce procès est l’absence d’autres accusés, pourtant en vie, mais qui ont fait le choix de ne pas venir répondre à la convocation de la justice estimant un manque des garanties d’un procès juste et équitable. En l’occurrence l’ancien ministre Ben Barka, les Opérateurs économiques Kagnassy et Kouma pour ne citer que ces quelques têtes de proue dans cette affaire. L’absence de tous ces accusés sera un immense vide pour la manifestation de la vérité. Il est clair qu’ils pourraient être jugés par contumace, mais compte tenu de la complexité du dossier et de son importance il était loisible que tous les accusés fassent comme Mme Bouaré Fily Sissoko, cette dernière aussi pouvait rester tranquillement à Ouagadougou où elle était à la commission de l’UEMOA. Sans jeter l’opprobre sur les absents qui ont leur raison, il revient à la justice de démentir ce préjugé défavorable à son encontre en jugeant juste et équitablement, sans aucune interférence de l’exécutif, bref en toute indépendance.
Le procès va-t-il être équitable en blanchissant les innocents et en condamnant les coupables ?
La justice au-delà de la répression, de la sanction, devrait être un précieux outil pédagogique permettant aux citoyens d’adopter des bons comportements et de sentir en sécurité dans une société où leurs droits sont préservés. N’ayant pas une bonne presse auprès de l’opinion, ce procès devra être une occasion pour la justice de redorer son image écornée, il devra également résoudre la grande problématique relative à sa crédibilité, à son indépendance vis-à-vis de l’exécutif. Elle doit être le dernier rempart des sans voix, des opprimés, et autres victimes et blasés de la République. Mais sous nos tropiques, force est de constater que la justice est aux ordres des princes du jour qui la manipulent à satiété pour régler le compte des opposants ou pour faire taire toutes les voix discordantes. La justice sous le Mali-Koura va-t-elle laver cet affront, ce préjugé défavorable pour redorer son blason et être l’espoir du peuple ?
Youssouf Sissoko
L’Alternance