Deux organisations de journalistes ont vivement condamné ce retrait et la diplomatie française a dit « regretter » la décision d’Alger, rappelant son attachement à la liberté de la presse.
Deux organisations de journalistes ont vivement condamné, lundi 14 juin, le retrait de l’accréditation en Algérie de la chaîne d’information France 24, y voyant une très grave atteinte à la liberté de la presse.
« C’est une catastrophe » et une nouvelle « extrêmement inquiétante », a estimé le secrétaire général de la Fédération internationale des journalistes (FIJ), Anthony Bellanger. La FIJ, qui a appelé les autorités algériennes, à l’occasion des élections législatives du 12 juin, à respecter la liberté de la presse et à libérer tous les journalistes et autres employés de médias en détention dans le pays, va œuvrer au niveau international en faveur d’une réponse diplomatique, a-t-il ajouté.
De son côté, l’organisation non gouvernementale (ONG) de défense de la liberté de la presse Reporters sans frontières (RSF) s’est inquiétée sur Twitter de « la sévérité et du caractère arbitraire de cette mesure qui, sans nul doute, aura un effet dissuasif sur d’autres médias internationaux ». L’Algérie se place 146e sur 180 dans le classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF.
De son côté, la diplomatie française a regretté, lundi, la décision d’Alger de retirer l’accréditation de France 24. « La France défend la liberté d’expression et la liberté de la presse, en Algérie comme partout dans le monde », a déclaré la porte-parole du ministère des affaires étrangères français, Agnès von der Mühll. « La liberté d’informer est un droit fondamental, qui doit partout être protégé et auquel la France est profondément attachée », a-t-elle poursuivi, sans autre commentaire.
Une procédure d’accréditation opaque et aléatoire
Dimanche, l’Algérie a motivé ce retrait par l’« hostilité manifeste et répétée » de la chaîne, qu’elle avait déjà mise en garde en mars pour sa couverture du Hirak, le mouvement de protestation populaire. Ce retrait est aussi motivé par « le non-respect des règles de la déontologie professionnelle, la désinformation et la manipulation ainsi qu’une agressivité avérée à l’égard de l’Algérie », selon Ammar Belhimer, porte-parole du gouvernement cité par l’agence officielle Algérie Presse Service. Cette décision est survenue au lendemain d’élections législatives anticipées marquées par un fort taux d’abstention.
La chaîne d’information, qui a couvert samedi ces législatives en direct d’Alger, s’est dite étonnée « de ne pas avoir reçu d’explication » sur ce retrait. « Notre couverture de l’actualité algérienne se fait dans la transparence, l’indépendance et l’honnêteté », a-t-elle déclaré dans un message lu à l’antenne, dimanche.
Depuis des années, les médias étrangers travaillant en Algérie sont soumis à une procédure d’accréditation bureaucratique, opaque et aléatoire. Le directeur de l’Agence France-Presse pour l’Algérie, Philippe Agret, nommé en octobre 2019, n’a jamais obtenu d’accréditation. Aucun motif n’a été fourni à ce sujet. Et les conditions de travail sont difficiles pour les journalistes algériens, sur fond de répression du Hirak par les autorités.
Près de 70 % d’abstention
Le 13 mars, France 24 avait déjà assuré faire son « travail le plus honnêtement possible », « dans le respect des règles en vigueur ». En juillet 2020, Moncef Aït Kaci, correspondant de France 24, et le caméraman Ramdane Rahmouni avaient été placés en détention provisoire avant d’être libérés vingt-quatre heures plus tard. Moncef Aït Kaci vit à Alger et a couvert le scrutin législatif pour le service français de France 24.
Né en février 2019 du rejet d’un cinquième mandat d’Abdelaziz Bouteflika, le mouvement s’est poursuivi malgré l’éviction de M. Bouteflika et de son clan, puis l’élection d’un nouveau chef de l’Etat, Abdelmadjid Tebboune. Le Hirak réclame le démantèlement du système de gouvernance en place depuis l’indépendance, en 1962. Les autorités affirment que les principales revendications du mouvement ont été satisfaites.
Après avoir boudé la présidentielle de la fin de 2019, puis le référendum constitutionnel de la fin de 2020, la population algérienne s’est de nouveau détournée des urnes lors des législatives organisées samedi pour tenter d’affermir la légitimité du gouvernement. Selon des chiffres officiels, le taux d’abstention a avoisiné 70 %.
Source: lemonde.fr