Certains ont surnommé la vindicte populaire, l’article 320 qui était une pratique répandue à Bamako dans les années 90. Il s’agit du « glaive de l’article 320 » où 300 F d’essence et une boite d’allumettes à 20 F suffisent pour brûler vifs de prétendus bandits qui subissent la furie des populations qui les ont arrêtés.
Considérant ce crime comme une occasion d’assainir la société, les adeptes ne se rendent pas compte qu’une simple rumeur ou un simple cri « au voleur » même souvent sans fondement, ou bien encore une circonstance malheureuse pouvait sceller le sort de pauvres innocents. En effet, il suffisait que les clameurs de « Au voleur ! » résonnent pour qu’elles déclenchent aussitôt une sauvagerie sans borne de certaines populations qui ne se préoccupaient guère du fait de savoir si les personnes en cause sont coupables ou non. Tout y passait : bâtons, gourdins, barres de fer, cailloux, avec comme supplice final l’aspersion à l’essence du présumé voleur, au mépris des principes relatifs à la présomption d’innocence et des droits fondamentaux de l’être humain alors que la vie d’un être humain est sacrée et inviolable.
La dernière en date, qui a marqué les esprits, remonte à la nuit du 21 juillet à Sotuba, ou le sergent de police, Mohamed Diarra, a subi la furie de la population. Comme son collègue Dramane Koné de la brigade de recherche du 11ème Arrondissement, dans la nuit du 29 Avril 2019 à Sabalibougou, Mohamed Diarra a été confondu à un voleur. En effet, alors qu’il se rendait à son domicile après le service, l’agent est tombé sur un braquage à main armée. Par des tirs de sommation, il a pu mettre en fuite les bandits, qui étaient au nombre de trois sur une moto Djakarta. Dans leur fuite, ces derniers ont crié « au voleur » « au voleur » avant de se volatiliser. Alertée, la population s’est ruée sur lui en l’apercevant avec une arme à feu. Il a été lynché par la foule sans aucune autre forme de procès. Laissé pour mort, il a été transporté aux urgences du CHU Gabriel Touré où il a succombé à ses blessures, le 24 juillet 2019.
Ce verdict rendu sans respecter les principes fondamentaux d’une justice est synonyme d’impunité, ce qui interpelle l’Etat à prendre ses responsabilités pour sauver la vie des innocents. Urgemment les autorités doivent adopter une peine proportionnée à ce crime odieux pour prévenir de telles pratiques d’un autre siècle. En cette veille de la fête de Tabaski surtout les autorités administratives et militaires doivent prendre des mesures préventives afin de dissuader tout malfaiteur qui serait tenté de faire des crimes effroyables. Les autorités en charge de la sécurité ont du pain sur la planche en cette veille de fête. Elles doivent urgemment prendre des mesures fermes pour mettre un terme définitif aux violences cruelles, récurrentes et féroces, ainsi qu’aux violations graves des droits de l’homme, comme l’usage de l’article 320 des années 1991. Cependant nous n’oublions pas l’assassinat du feu Dr. Ibrahim Ongoiba, père de Six enfants dans la nuit du 26 Juin, aux environs de 5 heures du matin, à son domicile, dans le quartier Banconi Razel. Cet acte marque encore les esprits ainsi que les décès par bal d’Amadomo Dolo, un employé de commerce à Sikoroni, la nuit du 29 juin ainsi que de Sidiki Sanogo la nuit du 15 juillet à Bancononi plateau et beaucoup de vols à main armée qui sont les signes des faiblesses sécuritaires de la ville de Bamako. De nos jours le contexte sécuritaire est marqué par un climat d’incertitude et de peur. A tout moment de la journée, un paisible citoyen peut être tué.
Seydou Diarra
Source: Le Carréfour