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La démocratie malienne à l’épreuve du temps : Le Diagnostic d’Ibrahima Dioni, un grand acteur du 26 mars 1991

En 1992, les élections se sont organisées dans cet ordre : d’abord les municipales, ensuite les législatives et enfin les présidentielles. Plusieurs partis y avaient pris part. Mais, la coalition (Cnid-Udd-Psp-Pdp-Bdia) que je dirigeais alors fut élue avec 29 voix contre 20 pour l’autre camp rival dirigé par l’Adema-RDA-UFD).

 

En 1997, ce chiffre a été réduit à la baisse par le nouveau code, ce qui donne en commune V 45 conseillers plus 5 adjoints, contre 12 auparavant.

Ces élections «historiques» furent surtout marquées par un «enthousiasme militant» de l’ensemble de l’électorat. Les gens sont venus voter d’eux-mêmes, sans aucune contrainte, sans le moindre cadeau distribué, c’est-à-dire ce que nous appelons aujourd’hui «achat des consciences». Et pourtant, ce triste et déplorable virage de notre démocratie à 180 degrés ne porte en réalité qu’un seul nom : la déception des acteurs politiques.

La faute à qui ? Aux partis politiques ?

«Ils ont échoué dans leur première mission, à savoir la mobilisation de leurs militants autour de leur projet de société, ou de leurs idéaux. En réaction à leur déception, ils se sont abstenus de voter et, pis encore, ils se sont laissés acheter. Le taux de participation est très bas ; il n’a jamais pu dépasser celui des premières élections démocratiques dans notre pays.

Ce cuisant échec doit interpeller tous les partis. A mon avis, le mode de scrutin proportionnel à l’intégrale (il favorise surtout les petits partis), qui a fait ses preuves, a atteint aujourd’hui  ses limites. Il s’agit de mettre en avant le fait majoritaire, de donner désormais l’occasion aux électeurs de sanctionner au besoin.

Le mouvement démocratique a été récupéré

Mais, de façon générale, les acteurs du mouvement démocratique se font exclure du jeu, le mouvement a été entièrement récupéré. Il faut que les partis se ressaisissent car leur bilan n’est pas très élogieux. Peut-on parler véritablement d’échec ? Le pouvoir à la base n’a pas permis de changer fondamentalement les attentes (école, santé etc.)

L’école reste la première préoccupation nationale. Au niveau des Cescom, ils ont surtout besoin de soutien à la base. Il existe, en théorie, une séparation des pouvoirs, mais en fait pour résoudre quel problème ?

En 1992, il n’y avait rien pour la gestion des nouvelles municipalités. Le pouvoir était quasiment dans la rue. Le premier défi auquel nous étions confrontés était la restauration de l’autorité. Nous étions en location dans une villa à Badalabougou. Notre projet consistait donc à organiser l’administration locale, bâtir des locaux pour la mairie et des centres d’état-civil. En terme de réalisation, je suis venu en 2ème position au niveau des communes. Ce qui m’a valu du reste une décoration à la fin de mon mandat comme Chevalier de l’Ordre national.

Mes déceptions ?

La gestion du foncier a été un énorme gâchis et pour cause, le cahier de charge de Sabalibougou n’a pas été respecté. La zone de recasement (Golfe) au lieu qu’elle serve de zone de recasement pour la commune, a été donnée à l’Aci. Un vrai calvaire pour les victimes du recasement dont beaucoup n’ont pas été recasées. Cette zone était largement suffisante, malheureusement les victimes sont toujours dans la rue.

Nous avons eu des rapports difficiles avec le pouvoir à cause certainement de mes étiquettes Cnid. Tous ceux qui n’avaient pas gagné politiquement  contre nous se sont retrouvés dans des associations pour nous combattre. La commune a été longtemps trimballée à la justice par ces gens-là qui n’étaient en réalité que des «appendices» du pouvoir d’Alpha. Sur le fameux projet d’embellissement des 140 mètres de Sabalibougou, l’Etat n’a pas eu le courage de s’assumer.

La démolition sera faite sous la mandature de feu Dieudonné Zallé. Je suis sûr d’une chose : si le Maire était à l’époque Adama, les choses se seraient passées autrement. Par contre, Mme Sy Kadiatou Sow, alors gouverneur du district, a travaillé avec nous dans la plus grande sincérité. Nous gardons un très bon souvenir de cette dame, que nous considérons comme une femme très responsable.».

Bacary Camara

Un nomadisme très républicain 

Né il y a plus d’une cinquantaine d’années à Baramba dans la commune de Nampé (cercle de Koutiala), Ibrahima Dioni est depuis 1976 diplômé de l’Ecole normale supérieure, section philosophie. Après le lycée de Gao où il resta seulement deux ans (1982-83), il fut ensuite muté au lycée technique, jusqu’à la chute du régime de Moussa en 91. Il est membre fondateur du Syndicat de l’enseignement secondaire professionnel et technique (Syntex) et un peu auparavant membre du Snec chargé de la revendication. Sa vie politique commence avec la création du Cnid-Association le 18 octobre 90 et à la création du parti, il devint le premier secrétaire général de la sous-section Cnid, membre de la section de la Commune V. Après son élection comme Maire, il entra comme membre du comité directeur du Cnid. A la fin de son mandat en 97, il n’a pas pu se représenter aux élections locales à cause de graves dissensions entre son parti et l’Adema. Il retourna à l’enseignement pendant cinq ans.

En 2002, le parti reprend le chemin des élections, pour se retrouver curieusement à égalité avec l’Adema, soit 9 conseillers chacun. Mais c’est au cours des dures et vives tractations pour désigner le candidat du parti pour le poste de Maire qu’il choisit en désespoir de cause de claquer la porte du Cnid. C’est ensuite qu’il atterrit avec armes et bagages au sein de l’URD pour un compagnonnage qui ne dépassera pas le temps de joyeuses retrouvailles. Ibrahima Dioni est depuis les dernières élections municipales, premier adjoint au Maire de la commune V, élu sous les couleurs de l’Adema.

Le contrat avec les abeilles fut aussi de courte durée, puisque lors des élections communales de novembre 2016, il s’est fait élire à nouveau sous les couleurs de l’Alliance pour la république, APR, parti fondé par l’ancien ministre Oumar Ibrahim Touré.

Depuis quelques mois la rupture a été entièrement consommée entre lui et les responsables de ce parti. Place maintenant à la création d’un Mouvement politique qui portera désormais les idées politiques de ce politicien –philosophe qui reste néanmoins assez populaire auprès des couches défavorisées de la commune. Ce qui constitue un véritable bassin électoral à sa portée depuis plusieurs années.

BC

Source : Le Challenger

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