Après avoir claqué la porte du parti présidentiel, l’honorable Ousmane Kouyaté dit « Man » a déposé ses valises au sein de l’URD dont il est candidat et tête de liste pour les élections législatives prochaines dans le cercle de Kolokani. Dans un entretien accordé à LE RAYON, il dénonce la gestion mafieuse de la section RPM de Kolokani par des mains invisibles venues de Bamako, le jeu incongru du gouvernement par rapport au projet de réhabilitation de la route Kati-Kolokani-Didiéni, etc.
Le RAYON : Bonjour honorable Kouyaté. Vous avez été élu député dans la circonscription électorale de Kolokani sous les couleurs du Parti présidentiel, le RPM. De nos jours, vos chemins se sont séparés. Quels sont vos liens avec les militants RPM et votre état de santé au niveau popularité ?
Honorable Kouyaté : Tout d’abord, je profite de vos colonnes pour saluer tous ceux qui m’ont soutenu dans les moments difficiles et qui continuent à croire à mes convictions pour le développement de ma localité, Kolokani. Je suis militant de première heure du RPM. De la création de ce parti en 2001 (année de ma soutenance) à ma démission en septembre 2018, je n’ai pas connu deux colorations politiques. J’ai été fidèle au parti, avec bon nombre de personnes avec lesquels nous avons viré de l’ADEMA. Pendant près de 10 ans, j’ai travaillé au compte du conseil de cercle de Kolokani avant d’être affecté à la mairie de Ouelessébougou comme Secrétaire Général. Pour avoir défendu mordicus les intérêts de ma localité et m’être engagé pour son développement, je me suis présenté aux élections législatives et nous les avons remporté haut les mains. Président du conseil local de la jeunesse, ma candidature a été portée par les jeunes. A l’époque, nous sommes allés en alliance avec l’ADEMA. Je ne connais pas l’état du parti actuellement car je ne suis plus des leurs depuis septembre dernier. Pas parce que je n’ai pas été retenu comme candidat pour les échéances futures. Nous étions trois hommes, issus du même parti tandis qu’ils y avaient besoin de « genrer » la liste. Des coups ont été montés contre moi lorsque j’accomplissais mes obligations religieuses à la Mecque (pèlerinage). Ni moi ni mes soutiens n’a assisté à une conférence de section qui permit de savamment écarter de la course mon ancien colistier, Sériba Diarra, et moi. C’était le 8 septembre. Le 22 du même mois, j’ai adressé ma lettre de démission à la section. Car, la rencontre n’a pas eu lieu dans les normes démocratiques. Ce sont des mains invisibles, venues de Bamako, qui ont semé du chao à Kolokani. J’ai vu la trahison venir de loin. Je me suis ressaisi et pris mes distances. L’autre député également a quitté le RPM. Les coups bats n’ont jamais élu un député. C’est une question de poids et de soutiens.
Parlez-nous du rôle du député pour la circonscription
Une très belle question ! Beaucoup de députés à l’Assemblée nationale ne jouent pas leur rôle. Avant d’être élu de la nation, le député appartient à une circonscription. Un député est un commis pour la nation. Il doit se mettre au service de tout le pays. Il se doit de remonter les questions de développement de sa localité afin de leur trouver des solutions. Il doit proposer des lois et faire constamment des restitutions à la base au-delà du contrôle de l’action gouvernementale. Il doit aussi contribuer à l’apaisement du climat social pour une paix durable et au renforcement des institutions, gage de tout développement.
Vous êtes 1ervice-président de la commission emploi à l’Assemblée nationale. Parlez-nous des prérogatives de cette commission.
Tout d’abord, c’est une commission en charge de la promotion de l’emploi, de la promotion de la femme et de l’enfant, de la formation professionnelle et du sport. Notre commission est affiliée à cinq départements ministériels. Nous sommes l’image de ces ministères à l’Assemblée nationale et nous contribuons à l’adoption des lois relatives à ces départements après examen et présentation du rapport en plénière à l’Assemblée nationale. Nous avons en charge d’examiner toutes les questions relatives à l’emploi des jeunes, de l’APEJ au FAFPA.
Selon nos sources, vous bénéficiez d’un soutien inestimable tant du côté des jeunes, des groupements de femmes et des vieux. Pouvez-vous nous parler des actions que vous avez posées tant sur le plan national que local pendant votre mandat ?
Nous remercions le bon Dieu. Je reste jeune et j’ai grandi auprès des députés. J’ai vite appris le rôle d’un élu national et je crois avoir satisfait la majeure partie des sollicitations des jeunes de Kolokani. C’était des défis que nous nous sommes lancés. Beaucoup a été fait et beaucoup reste à faire. Le développement ne s’obtient pas en un seul jour. C’est une lutte de longue haleine. Nos populations souffrent de questions d’infrastructure malgré notre proximité avec Bamako. Des problèmes d’eau et d’électricité demeurent récurrents mais auront très bientôt des solutions grâce à nos plaidoiries à l’hémicycle. Nous nous sommes battus auprès de tous les ministres qui se sont succédé dans les départements ministériels. Aujourd’hui, les projets de ralliements aux réseaux d’interconnexion de tous les cercles avec EDM et SOMAGEP sont devenus des réalités à Kolokani avec le lancement simultané d’EDM de Yélimané et de Kolokani. J’ai eu la chance d’être porte-parole des députés de ma localité. Notre dernière préoccupation reste la question d’infrastructure routière. Lors de la récente sortie du ministre des finances, il a parlé du montant de financement et du délai d’exécution de la route de Kolokani. Je n’ai vu nulle part la trace dans le document du budget pendant son adoption la réalisation de la route de Kolokani. J’appelle cela, de la diversion. Ils ont entamés les travaux à Kati depuis octobre dernier et les engins de terrassement ont disparu des radars. De Kolokani à Didiéni, c’est le bricolage. Nous venons de ratifier trois grands projets de prêts pour le financement de la route de l’axe Kwala-Nara. Nous nous en réjouissons mais c’est insignifiant lorsque le tronçon Kati-Kolokani-Didiéni, plus dégradé n’est pas fait. Faut-il toujours attendre des protestations pour poser des actes de développement ? Je continue mes investigations et bientôt, nous allons interpeller le ministre en charge des routes. D’ici là, je dis que le projet de bitumage de la route de Kolokani est de la poudre aux yeux.
Vos relations avec les associations et regroupements de jeunes et de femmes ?
Ce sont mes principales forces depuis que j’officiais au conseil de cercle de Kolokani. Je suis invité à toutes les activités que ces regroupements mènent à Kolokani. Ils constituent l’électorat de l’honorable Man que je suis. Notons que le poids du développement se repose sur les maires avec lesquels je suis de bons termes pour le développement de mon cercle sans considérations politiques.
Après le grabuge entre vous et le RPM, allez-vous faire comme les autres, c’est-à-dire créer votre propre parti politique ou virer dans l’opposition ?
Je n’ai pas besoin de créer mon propre parti politique car je partage déjà les mêmes visions avec le parti URD dont je suis désormais membre. Je le dis partout, je n’ai pas d’adversaire politique de façon extrême. A Kolokani, je collabore avec tous les militants des autres partis. Contrairement à beaucoup de mécontents du RPM qui se sont retrouvés dans d’autres partis de la majorité, j’ai déposé mes bagages dans le principal parti d’opposition qu’est l’URD. Cela s’explique par le fait qu’ils ont une force constante à Kolokani et ma force nous donnera de bons résultats, j‘en suis convaincu. Ils m’ont aussi honoré en me proposant comme leur candidat. Je suis donc tête de liste URD en alliance avec certains poids lourds du cercle. Je me sens désormais en famille car de la base au sommet, je suis respecté. En somme, j’ai quitté le RPM pour l’URD. Je n’ai senti ni de regret ni de remords. Je vais entretenir mes ambitions avec l’URD jusqu’à la victoire finale avec mes soutiens de tout bord. Avec l’URD, nous sommes en phase de remembrement. Je suis déjà dans la sous-section comme Secrétaire chargé à la communication et aux TIC, et bientôt j’aurais le poste qui me revient de droit dans la nouvelle section.
L’URD n’est pas le seul parti politique d’opposition au Mali. Quelles sont donc vos relations avec les autres partis politiques de l’opposition ?
La véritable opposition politique se joue visiblement à l’Assemblée nationale. C’est l’opposition parlementaire qui est la mieux indiquée pour une démocratie républicaine. Après le VRD, le groupe parlementaire d’opposition est SADI-ADP Maliba. Avec eux, c’est la collaboration et la courtoisie.
Le parti politique ASMA du premier ministre Soumeylou Boubeye connait une vague d’adhésion aujourd’hui. Avez-vous été copté aussi par cette force montante ?
Je souhaiterais rester dans le sujet afin de ne pas patauger. Le secrétaire général national de l’ASMA et non moins chef de cabinet du premier ministre en la personne de Issa Diarra est de Kolokani. J’ai beaucoup de respect pour eux. Nous avons beaucoup échangé après ma démission mais mon choix définitif s’est porté sur l’URD.
Parlons de la prorogation du mandat des députés récemment adoptée. Est-elle constitutionnelle ou pas ?
Je pensais que ce débat était clos. Le pays est régi par des lois et la plus haute juridiction est la cour constitutionnelle. C’est elle qui a démontré à l’article 85 de la constitution que sur demande du président de l’Assemblée que les mandats des députés peuvent être prorogés. La nécessité de cette prorogation s’est imposée au moment où les magistrats étaient en arrêt de travail. Aucun document légal ne pouvait pas être établit à la veille des élections législatives avortées. Pour éviter le vide constitutionnel, on a décidé de proroger le mandat des députés. Ce n’est pas par gaieté de cœur que nous l’avons fait même si d’autres voient le contraire. Personne n’a été nommé député. Si la cour n’avait pas donné son aval, on irait aux élections. Jusqu’à preuve de contraire, les actuels députés ont une légitimité car élus par la population. Aujourd’hui, tout le monde se plaint de la gouvernance. Le pays pourra donc être dirigé par ordonnance ? Que les gens comprennent que cette prorogation n’est que temporaire. De toutes les façons, il y aura expiration.
Que pensez-vous de la position de certains députés qui estiment que c’est illégitime et qui prétendent suspendre leurs participations aux travaux de l’hémicycle ?
C’est de la pure démagogie, de la diversion et de la comédie politique. Tous ceux qui ont avancé ces prétextes continuent à percevoir leurs émoluments. Comment passer dans les médias pour faire de la propagande tandis que vous continuez à bénéficier des avantages liés à la fonction de députés ? Soyons un peu sérieux dans ce pays. Ils ne sont pas plus patriotes que personne d’entre nous. Vous, journalistes, vous serez interpelés par l’histoire si vous ne les dénoncez pas après qu’ils aient touché ces avantages.
Notre entretien tend vers sa fin. Mais avant, vous êtes candidats aux prochaines élections législatives au compte de l’URD avec comme challengers les militants de votre ancien parti. Avez-vous les moyens de vos ambitions ?
Je commencerai par saluer toute la population de Kolokani. Il s’agit là d’une élection, pas une nomination. Des soutiens n’ont jamais manqué de me donner des conseils et de m’appuyer dans toutes mes entreprises allant dans le sens du développement de mon cercle. Mes ambitions sont d’ordre progressiste. Je sais compter sur eux et je sais qu’ils restent avec moi. La majorité a certes des appuis mais c’est la population qui aura à nous départager. Si l’argent pouvait élire un député, nous ne serions pas là. La population de Kolokani reste loyale.
Notre nation souffre d’une crise politico-sécuritaire tendant à briser le tissu social. Quel appel avez-vous à lancer à l’endroit de la population afin que nous retrouvions ce qui nous unit ?
C’est vraiment triste de voir la cohésion sociale menacée. Je suis choqué de voir ou d’entendre que des civils meurent à cause des intérêts inavoués. Ma patrie est aussi menacée. Tout récemment des attaques barbares et ignobles ont coutés la vie à des forces de l’ordre installées dans le cercle de Kolokani. Pour mettre fin à ces pratiques d’un autre âge, je propose un recrutement massif des forces de l’ordre et leur armement. Que tous les groupes ou milices soient désarmés. Ce n’est plus une question d’opposition ou de majorité. Il s’agit du Mali. Les gens ont montré leurs limites. Ne persistons pas dans l’erreur. Que nous mettions en valeur nos pratiques séculaires qui ont contribué à l’apaisement des tensions. Que Dieu bénisse notre pays. Je vous remercie.
Propos recueillis par IKC
Source: Le Rayon