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Histoire et génocide: La traite arabo-musulmane en Afrique

Au cours de l’histoire, le continent africain a subi diverses agressions dont l’esclavage. Cependant, l’imaginaire collectif ne retient que la traite menée par les Européens pendant quatre siècles, pour un coût humain estimé entre 15 à 20 millions d’individus déportés. à juste titre, car la traite transatlantique est plus récente et certainement la plus documentée.

 

Mais, il y a eu avant les Européens, la mainmise des Arabes et des musulmans d’Arabie sur ce commerce qui a duré près de treize siècles. Cette traite a été plus cruelle et largement dévastatrice.
Aujourd’hui, s’impose une nouvelle approche mémorielle pour la clarté de nos rapports avec les autres, car la barbarie n’a pas toujours été du côté que l’on croit.

C’est au VIIè siècle que les arabes ont commencé à chasser les esclaves en Afrique, quelques années seulement après la révélation du message islamique, sur « le sentier du djihad ». Après l’égypte, les nouveaux conquérants ont pris la Nubie

Tidiane N’Diaye, un anthropologue et économiste sénégalais, est l’auteur de « Le génocide voilé ». Cette œuvre remarquable lève gaillardement le voile sur « la traite arabo-musulmane », un pan encore largement mésestimé dans la tragique histoire de l’esclavage. L’auteur fait une clarification essentielle en distinguant fondamentalement la traite induite par les Européens de celle pratiquée par les Arabo-musulmans.

La première a duré quatre siècles ; la seconde treize siècles sans interruption, treize siècles de razzia. Sur les déportés par les arabo-musulmans beaucoup ont été victimes de « traitements inhumains » dont « la castration généralisée » ! Les esclaves castrés qu’on appelle aussi les « énuques » étaient majoritairement destinés à la surveillance des harems des grands rois.


Comment se fait la castration ?

L’opération a été décrite par Hikmet (de Constantinople) et Félix Regnault : « Voici comment se pratique l’opération : l’enfant est maintenu sur une chaise, on lie sa verge avec une corde sur laquelle on tire, verge et testicules sont tranchés d’un seul coup de rasoir le plus ras possible. On arrête l’hémorragie avec de l’huile bouillante, c’est l’hémostatique usité dans ces pays où, on ignore encore le pincement des vaisseaux. On applique ensuite un baume composé de cire, de suif et de mastic qu’on laisse jusqu’à ce que la suppuration le détache » (Drs Hikmet (de Constantinople) et Félix Regnault.

Les eunuques de Constantinople, Année 1901) ; Duhoussel rapportait que « l’opération était totale et se faisait d’un seul coup de rasoir » (Bulletins Société Anthropologie, 1S77, p. 131). Lortet, daus une étude parue dans les Archives d’Anthropologie criminelle, Lyon, 1876, p. 361, décrit deux procédés : « dans l’un on tranche les parties avec un rasoir, puis pour arrêter l’hémorragie on plonge l’enfant dans le sable fin et sec chauffé par le soleil ; on le déterre au bout de 4 à 5 jours et on applique quelques chiffons arrosés d’huile sur la plaie ; ou bien on sectionne au moyen d’un lien utilisé comme serre nœuds ce qui prévient l’hémorragie et on panse avec de l’écorce d’acacia nilotica. On met dans le canal de l’urètre un clou en plomb pour empêcher que la cicatrisation ne provoque une rétention d’urine. On voit que les procédés sont variés ».

Tidiane N’Diaye précise que pour les Européens, « en dépit de la monstruosité des traitements, des humiliations et autres calamités, un esclave avait une valeur vénale. Le maître le voulait productif et rentable à long terme… ». Pour les arabes, la perspective était autrement plus sinistre, car « la plupart des millions d’hommes qu’ils ont déportés, ont presque tous disparu du fait des traitements inhumains, de l’infanticide et de la castration généralisée, pour qu’ils ne fassent pas souche dans le monde arabo-musulman ».

Cette option était portée idéologiquement par le fait que « dans l’inconscient collectif des Arabes, l’homme noir devenait aussi symbole ou synonyme de servitude. Et sa couleur de peau sera même associée à un déni d’islam ». Il s’agit d’une extrapolation dangereuse et même hasardeuse sur le plan de la théologie. Il y a eu cependant dans l’histoire des « érudits respectés et très écoutés dans le monde arabe, (qui) allaient interpréter les textes sacrés, pour justifier et perpétuer la traite et l’esclavage des Noirs ».

Le noir est un être inférieur. Du coup, s’explique «sans doute que les traitements inhumains et la mutilation généralisée des captifs noirs étaient acceptés et passaient pour un moyen commode pour empêcher que ces « animaux » ne prolifèrent sur leurs lieux de déportation. Le résultat est que de nos jours, ils ont presque tous disparu en Turquie, au Yémen, en Irak et on en trouve très peu au Maghreb ou en Arabie saoudite ». Cette traite fut un véritable génocide.

Et pourtant, dans la doctrine musulmane, l’esclave converti devenait un « homme normal ». Apparemment, la conjonction des intérêts économiques et sociaux a fait que les esclaves noirs ont souffert le martyr de l’Atlantique au Maghreb, de Zanzibar à l’Orient.

Références bibliographiques

En classe de dixième année, notre professeur d’histoire, Souleymane Ouologuem nous mis à l’épreuve avec un sujet de dissertation qui sonne encore dans nos oreilles. « Imaginez et relatez les conditions de la traversée de l’Atlantique à bord d’un bateau négrier », nous demandait-il. Sur notre cuvée d’une vingtaine de potaches, Mohamed Salah Gakou dit Modigliani nous émerveilla. Pas nous seulement ses condisciples, mais tout le lycée car la copie qu’il rendit a fini par faire le tour de toutes les classes avant de trouver place au tableau d’affichage.

Mohamed Salah a imaginé un bateau qu’il désigna comme le « Négus », en souvenir à l’exode des Rastas en Éthiopie. Le Négus, commandé par un « fou de Marseille » voguait entre Ouidah et Nantes avec dans ses entrailles des hommes, des femmes et des enfants arrachés à l’Afrique.

Il a pu, à sa façon, décrire cette souffrance dans le bateau et à l’arrivée à Nantes où les bourgeois venaient pour la vente à la criée, non sans avoir scruté la dentition de la marchandise, sa protubérance et même sa beauté ! Nous n’avions pas encore vu « Racines » de Alex Halley, mais nous avons pu faire le parcours de la route des esclaves vers l’Europe.

Aujourd’hui, Mohamed Salah mène sa vie à Rharouss, son village qu’il aime par-delà tout. Il y est en tant que correspondant de presse pour plusieurs organes. Salut l’artiste !
I.M.

Source : L’ESSOR

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